Pérégrination vers l'Est » Résultats de recherche » vermander http://florent.blog.com 西方人的东方眼睛 Fri, 08 Jul 2011 14:38:19 +0000 en hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.2-bleeding Cheveux longs – 长头发 http://florent.blog.com/2011/06/04/cheveux-longs-%e9%95%bf%e5%a4%b4%e5%8f%91/ http://florent.blog.com/2011/06/04/cheveux-longs-%e9%95%bf%e5%a4%b4%e5%8f%91/#comments Sat, 04 Jun 2011 15:47:18 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188704 En ce moment, je lis une excellente biographie de Matteo Ricci, le premier européen qui ait écrit des livres en Chinois.

J’ai lu trois ou quatre livres sur Matteo Ricci, celui ci est le meilleur à mes yeux

Michela Fontana : Matteo Ricci 1552-1610 – un jésuite à la cour des Ming

Le livre est émaillé de citations de Matteo lui même, montrant un homme résolu malgré l’adversité et le découragement, un homme qui refuse l’esprit colonial ou même raciste qui prégnait dans la plupart des entreprises missionnaires de l’époque. Il reprend ainsi le combat de Valignano qui l’avait précédé de quelques années à Goa et à Macao. Pour prendre un seul exemple de cette fronde, citons le débat rapporté à la page 53 : l’establishment missionnaire en Inde, en accord avec le Vatican, refusait de former les prêtres indiens à la théologie, pour éviter qu’ils deviennent “des lettrés arrogants”. Mattéo Ricci s’indigne de cela, en disant que les prêtres européens sont eux aussi bien arrogants et demandant avec force que les prêtres locaux soient complètement formés, et surtout que les missionnaires apprennent les langues locales, s’adaptent aux coutumes, s’immergent dans la société qui les accueille.

Matteo Ricci suit les traces de Saint François Xavier, dont j’avais parlé dans ce blog, qui avait toujours voulu entrer en Chine sans jamais y parvenir. François Xavier avait vu qu’il ne serait possible de convertir les japonais qu’après avoir converti les chinois, tant l’influence morale de la Chine était forte à l’époque.

Dans ce livre toujours, on trouve page 61 un trait chinois qui étonne Mattéo Ricci : les hommes comme les femmes portent les cheveux longs. Les hommes rangeaient leurs cheveux sous un bonnet, les femmes riches les retenaient avec des épingles.

Trouvant étonnant que les hommes portent les cheveux longs, j’ai mené ma petite enquête.

L’article wikipedia sur la coiffure nous indique que les égyptiens se coupaient les cheveux (voir la photo à droite), que les grecs se frisaient les cheveux (quand ils ne l’étaient pas naturellement) pour se différencier des barbares, que les romains se coupaient les cheveux, encore pour se différencier des barbares.

Si nous restons en Europe, les tribus germaniques du nord portaient les cheveux longs, pour les hommes comme pour les femmes.

Et en Chine alors ?

Depuis l’antiquité les Chinois gardaient de longs cheveux, comme l’a observé Mattéo Ricci. Sous la dynastie Qing (à partir du XVIIe siècle), les mandchous ont imposé aux hommes chinois de se raser l’avant du crâne et de porter la natte, comme on le voit dans Tintin et le lotus bleu. Avant les Qing, il était peu commun pour les hommes de se couper les cheveux, en dehors des moines bouddhistes qui se rasaient le crâne.

On ne trouve pas en Chine de distinction entre “barbares” et civilisés selon la coupe de cheveux. (les barbares étaient plutôt ceux qui ne connaissaient pas les caractères chinois, les “barbares crus” 生番 par rapport aux “barbares cuits” (ou “barbares murs”) 熟番 qui lentement avaient assimilé l’écriture chinoise sans être chinois.

Un vieil adage nous renseigne bien sur la raison qu’avaient les hommes de garder les cheveux longs :

身体发肤 受之父母

Ton corps, jusqu’au moindre cheveu et jusqu’à la moindre parcelle de peau, tu l’as reçu de tes parents.

(ma traduction n’a pas été vérifiée ; les commentaires sont bienvenus. La phrase semble très ancienne ; elle est parfois attribuée à Confucius et parfois au bouddhisme, ce qui serait étonnant car les moines bouddhistes, à la différence des moines taoistes, se rasaient les cheveux)

Il semble donc que ce soit dans une logique confucéenne de préservation du corps, celui ci symbolisant la lignée et le rapport aux ancêtres, que les hommes aient dans la Chine ancienne évité de se couper les cheveux.

Si quelqu’un a des informations là dessus qu’il n’hésite pas à partager !

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Nationalisme chinois http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme-chinois/ http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme-chinois/#comments Sun, 17 Jan 2010 03:49:05 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188320 nationalisme-chinois

Manifestation avant les JO de Pékin à Seoul

Qu’est-ce que le nationalisme chinois ? Est-ce dangereux ?

Avant de faire un article plus personnel sur la question, je voudrais commenter ici un excellent article de Jean Pierre Cabestan dans la revue perspectives chinoises : les multiples facettes du nationalisme Chinois.

Nous avions déjà parlé de Jean Pierre Cabestan sur ce blog, en commentant un livre écrit avec Benoit Vermander sur la question Taiwanaise : la Chine en quête de ses frontières.

La première phrase me semble lumineuse :

“Si le nationalisme chinois, pour des raisons qui tiennent à l’histoire, est à bien des égards spécifique, il traduit depuis le début de l’époque contemporaine, c’est-à-dire la Guerre de l’Opium (1840), le profond sentiment d’insécurité des élites chinoises. “

(plus loin l’auteur pose le terme de 羞辱 : humiliation)

Dans cet article, M Cabestan distingue quatre formes de nationalisme chinois.

2 C’est d’abord un nationalisme officiel, inspiré par l’idéologie communiste et le souci du Parti communiste (PC) de maintenir son monopole sur la chose politique : celui-ci est synonyme en Chine de « patriotisme ».

1 C’est aussi un « nationalisme revanchard » et aux tendances racistes, diffusé au sein de la société par les segments les plus anti-étrangers des élites chinoises — la « nouvelle gauche » notamment — qui s’appuient sur la méconnaissance populaire de l’étranger et sa méfiance traditionnelle à son égard pour propager leurs idées. Plus fondé sur le besoin de laver les humiliations passées que sur une analyse rationnelle de la réalité, influencé par le patriotisme communiste mais l’outrepassant, ce nationalisme fut particulièrement influent au cours de la seconde partie des années 1990. Ses manifestations ont pris la forme plus souvent de bouffées d’émotions et de violences anti-étrangères que d’un discours construit et d’une action cohérente. Stimulé par les élites proches du pouvoir, il a été à nouveau instrumentalisé par ce dernier au printemps 2005.

3 L’on peut se demander enfin s’il n’existe pas un autre nationalisme chinois, un nationalisme qui tire sa légitimité à la fois de la spécificité culturelle et de la réalité économique et sociale chinoises actuelles sans pour autant rejeter a priori l’influence étrangère. Cherchant certes à moderniser la Chine et à lui faire retrouver la place et l’influence qui lui reviennent au sein de la communauté internationale tout en préservant sa culture, ce nationalisme se veut moins agressif et plus pacifique, marquant une volonté de favoriser les convergences, en particulier politiques, avec le reste du monde. Symbolisé par le concept, cher à Hu Jintao, d’« émergence pacifique » de la Chine, ce nationalisme peut-il, à terme, accoucher d’un nationalisme démocratique, à la fois mesuré, ouvert, et soucieux de défendre non seulement les intérêts de la nation chinoise mais aussi ceux des hommes et de femmes qui y appartiennent ? Ce nationalisme n’est-il pas le seul à même d’exprimer le véritable consensus idéologique de la société, loin des manipulations d’élites politiques et intellectuelles mues avant tout par l’ambition et les luttes de pouvoir ?

La quatrième force du nationalisme chinois est celle qu’incarne aujourd’hui le Kuomintang, parti nationaliste taiwanais :

4 Enfin, il existe en Chine un nationalisme globalement pro-occidental. En dépit de ses ambiguïtés, Yan Fu (1852-1921) est l’un des premiers et meilleurs représentants de ce courant. Ayant fait connaître à ses compatriotes les plus grands penseurs politiques occidentaux (dont John Stuart Mill et Montesquieu), Yan éleva le système parlementaire britannique en modèle pour son pays. S’il influença les communistes et en particulier Mao Zedong, il marqua surtout de son empreinte la tradition nationaliste démocratique incarnée par Sun Yat-sen, Hu Shi et Lu Xun.

Espérant que le lecteur aura lu cet article passionnant, je voudrais commenter sur ces quatre formes de nationalisme (dont j’ai légèrement modifié l’ordre de présentation).

  1. Nationalisme revanchard et ethnique
  2. Nationalisme officiel conservateur
  3. Nationalisme modernisant
  4. Nationalisme pro-occidental (Taiwanais)

La première forme de nationalisme (revanchard et ethnique), celle de la révolte des boxers, correspond à un courant populaire prônant la réhabilitation de la Chine à la suite des humiliations passées. On la retrouve aujourd’hui dans les sites chinois anti-CNN, dans ces nombreux jeunes en colère (愤青 fenqing) qui se comportent comme des hooligans sur les forums électroniques, et des mouvements populaires dont voici deux exemples entendus à Shanghai :

- Après la menace de Sarkozy de ne pas venir à Pékin pour les jeux olympiques, les clients chinois boycottent Carrefour. On raconte qu’à Shanghai, devant le Carrefour de Gubei, dix BMW se sont garées. Des hommes en noir en sont sortis ; ils proposaient à tous les clients voulant entrer au Carrefour un étrange marché : “si tu ne vas pas à Carrefour, je te donne un billet de 100 RMB.” Cette curieuse opération aurait été montée par un millionaire wenzhounais.

- Après les troubles entre Chine et Japon, un grand nombre de chinois se sont amusés à appeler le numéro vert du service après vente de Sony. L’objectif était double : saturer le centre d’appel et alourdir la facture téléphonique de Sony (qui paie les appels en numéro vert)

Comme montré par monsieur Cabestan, l’état joue un rôle ambigu par rapport à cette forme de nationalisme. Il l’attise parfois (quand cela peut servir du point de vue diplomatique) et le freine parfois (quand les proportions deviennent inquiétante, comme lors des troubles sino-japonais).

L’avenir de cette forme de nationalisme est difficile à prévoir : les optimistes pourront dire, et M Cabestan ne l’exclut pas, que ce sentiment revanchard pourrait s’atténuer si la Chine prend effectivement le leadership mondial qu’elle convoite aujourd’hui. Plus besoin de se “remettre debout”, de se “venger des humiliations” quand on se retrouve Leader. Mais M Cabestan n’exclut pas non plus des débordements incontrôlables de ce sentiment populaire. Pour ma part, en ligne avec le commentaire d’une hong-kongaise sur ce blog, je considère que le nationalisme populaire chinois est fait d’”amour du pays et d’obéissance au parti” , et donc soumis à la bénédiction du pouvoir. Un débordement populaire, comme nous l’avons déjà frôlé après le bombardement américain de l’ambassade chinoise à Belgrade en 1999 ou lors des troubles sino-japonais de 2005, pourrait être contenu par l’intervention de l’Etat chinois si celui-ci veut ramener la paix.

La seconde forme, le nationalisme d’état, est celle de l’anniversaire des 60 ans de la Chine populaire en octobre dernier. C’est celle de cette émission que je voyais à la télévision chinoise ce matin : le basketteur YaoMing 姚明 distribuait, lors d’un gala télévisé, des récompenses aux meilleurs sportifs chinois de l’année dernière. Il s’agit pour le pouvoir chinois de promouvoir la Chine comme nation moderne, de faire vibrer la fibre nationaliste pour faire perdurer sa légitimité.  Notons que le pouvoir communiste n’a pas été toujours nationaliste ; il se positionnait au début dans une logique bien marxiste de nations “temporaires”, qui disparaîtraient après le triomphe de la révolution mondiale.

La troisième forme, le “nationalisme modernisateur des élites réformistes“, est idéologiquement fondée par 康有为 Kang Youwei, réformateur du XIXe siècle qui restait très attaché au confucianisme, mais dont les idées n’eurent guère eu de succès à la cour de l’impératrice douairière Cixi. M Cabestan voit par contre une filiation entre les idées de Kang Youwei et les politiques de Deng Xiaoping, Jiang Zemin et surtout Hu Jintao. Ce nationalisme reste sur l’idée d’une voie chinoise spécifique autour de la “grande unité” 大同.

 La quatrième forme, le nationalisme démocratique pro-occidental, nous fait remonter au fondateur de la république de Chine Sun Yat Sen 孫中山, et à ses “trois principes du peuple” 三民主义 : nationalisme ; démocratie ; bien-être du peuple. Aujourd’hui ce nationalisme est toujours défendu par le parti du Kuomintang à Taiwan. Ce parti oeuvre beaucoup au réchauffement des relations entre Pekin et Taipeh ; on lit parfois qu’il aurait un projet d’alliance puis de reconquête politique du continent (le dogme de la reconquête militaire de la Chine par Taiwan ayant été abandonné dans les années quatre-vingt).

Finalement, les phénomènes nationalistes sont classés du plus anti occidental au plus pro-occidental : le premier est xénophobe au nom des humiliations passées ; le second est étatique et “sino-centré” ; le troisième s’ouvre partiellement aux pratiques occidentales, le quatrième y adhère fortement. Les quatres formes coexistent aujourd’hui en Chine (incluant Taiwan) ; l’auteur montre le rôle des intellectuels et le rôle de l’état dans chaque composante.

Cet article est passionnant ; on voit bien la complexité du sujet et la difficulté liée au concept même de nationalisme :

Le nationalisme chinois est une réalité plus ambiguë qu’il n’y paraît. Son existence est indéniable

L’auteur décompose le phénomène en plusieurs formes ayant chacune son histoire et ses adeptes ; et montre que certaines formes de nationalisme (les deux derniers) sont force de débat public et de progrès politique. Alors que les deux premiers sont plutôt de type “réactionnaire”, les deux derniers ont une composante réformiste.  

Il ne s’agit donc pas de crier “au loup” face à une prétendue renaissance d’un nationalisme monolithique de type “pan-germanisme”. Les dangers existent mais demandent analyse.

Deux reproches pourtant à exprimer :

Ce qui me semble être une erreur historique à la section 20 de l’article :

Mais le KMT n’en demeurait pas moins très nationaliste, ayant sacrifié ses meilleurs officiers à la défense de Nankin en 1938

 A ma connaissance, la bataille de Nankin a lieu de septembre à décembre 1937. La ville tombe au japonais le 13 décembre 1937 et devient le théâtre du terrible massacre de Nankin.

Ensuite, plus ennuyeux, ce passage plutôt virulent à la fin de la section 20 :

Il n’en reste pas moins que la guerre sino-japonaise a favorisé en Chine en 1949 la victoire politique du nationalisme conservateur, totalitaire et aux tendances xénophobes du PC sur le nationalisme libéral, constitutionnel et pro-occidental, sinon encore démocratique du KMT d’après-guerre

 L’auteur y prend vigoureusement parti contre le PCC, en un jugement qui contraste avec la description du faible degré de nationalisme des communistes à leur débuts.

Le nationalisme a toujours fait partie du discours officiel du PC chinois. Néanmoins, pour des raisons qui tiennent à son idéologie et à ses liens avec l’internationale communiste, celui-ci a pendant longtemps préféré à ce concept, celui de « patriotisme » ( aiguozhuyi) censé être plus aisément conciliable que le nationalisme proprement dit (autrefois dénoncé par Mao et ses camarades) avec « l’internationalisme prolétarien » auquel ce parti déclarait adhérer

Il me semble qu’un jugement de valeur politique échappe ici à l’auteur, alors que sur son sujet justement (le nationalisme), le PCC était nettement plus modéré que le KMT. N’oublions pas que le KMT et ses idéologies inspirées de l’occident ont produit des émanations dangereuses, comme le mouvement fasciste de la société des chemises bleues (藍衣社). Si un phénomène ultra-nationaliste de type “pan-germanisme” doit faire peur dans l’histoire chinoise, c’est plutôt celui là que je retiendrais !

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Un site à voir : Renlai 人籁 http://florent.blog.com/2009/03/28/un-site-a-voir-renlai-%e4%ba%ba%e7%b1%81/ http://florent.blog.com/2009/03/28/un-site-a-voir-renlai-%e4%ba%ba%e7%b1%81/#comments Sat, 28 Mar 2009 06:54:38 +0000 florent site intéressant, e-magazine pan-asiatique traitant de culture, en Anglais et en Chinois.

Il s'appelle renlai 人籁, que l'on pourrait traduire par "brouhahas humains".
L'article de M Vermander (dont nous avions déjà parlé sur ce blog, sur Saint François-Xavier et sur la question de Taiwan) sur le langage m'a beaucoup intéressé.

Notons aussi les articles d'Alice Lin, taiwanaise polyglotte qui réfléchit à ses racines et à sa bougeotte. ]]>
Signalons ici un site intéressant, e-magazine pan-asiatique traitant de culture, en Anglais et en Chinois.

Il s’appelle renlai 人籁, que l’on pourrait traduire par “brouhahas humains”.
L’article de M Vermander (dont nous avions déjà parlé sur ce blog, sur Saint François-Xavier et sur la question de Taiwan) sur le langage m’a beaucoup intéressé.

Notons aussi les articles d’Alice Lin, taiwanaise polyglotte qui réfléchit à ses racines et à sa bougeotte.

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La Chine en quête de ses frontières 7/10 http://florent.blog.com/2007/09/03/la-chine-en-quete-de-ses-frontieres-710/ http://florent.blog.com/2007/09/03/la-chine-en-quete-de-ses-frontieres-710/#comments Mon, 03 Sep 2007 02:33:09 +0000 florent Jean Pierre Cabestan et Benoît Vermander ont publié ce livre aux éditions "Sciences po les presses", avec le sous-titre "la confrontation chine taiwan".
 

Une étude solide et passionnante, que je recommande pour une vision plus claire des enjeux liés au futur de Taiwan. J'essaie ici de restituer quelques notes de lectures, sûrement truffées d'erreurs de compréhension sur ce sujet compliqué et riche.

Tentons en introduction une vue simple : Taiwan pose une question de souveraineté, entre un statut actuel proche de celui d'état démocratique, soutenu par des partenaires historiques de l'île (USA, Japon), et une intégration à la Chine populaire dans des conditions à définir.

L' « émergence pacifique » de la Chine populaire donne, tant militairement qu'économiquement, une tendance vers la seconde option. Mais les résistances à Taiwan sont fortes et durables.

Marqué par les vues « civilisationnelles » d'Huntington, je portais avant ce livre une opinion assez tranchée, que l'on pourrait résumer ainsi :

Peu importent les pays, les frontières et les parlements : Taiwan et Chine sont une seule civilisation, qui est l'entité à observer.

Mais après la lecture de ce riche livre, je préfère poser deux manières de voir, la première dans une vue civilisationnelle et la seconde dans une vue démocratique :

  • - La Chine, divisée en quatre avant la seconde guerre mondiale (PCC, KMT, occupation japonaise et «régions colonisées» de Macao & Hong-Kong); a lentement réduit ces divisions à deux parties: la partie continentale et Taiwan. La réunion de ces deux parties pourrait achever le processus de construction nationale et réunir les peuples chinois.
  • - Les Taiwanais ont construit, depuis la création de leur gouvernement en 1949, une démocratie. Les habitants de l'île se disent aujourd'hui chinois, mais restent attachés à ce régime, refusant en majorité l' intégration telle qu'elle est proposée par la RPC («un pays deux systèmes»).

Ce que j'ai compris du problème Taiwanais se résume à trouver une solution satisfaisante selon ces deux visions.


La structure du livre est facile à suivre : ]]>
Jean Pierre Cabestan et Benoît Vermander ont publié ce livre aux éditions “Sciences po les presses”, avec le sous-titre “la confrontation chine taiwan”.
 

Une étude solide et passionnante, que je recommande pour une vision plus claire des enjeux liés au futur de Taiwan. J’essaie ici de restituer quelques notes de lectures, sûrement truffées d’erreurs de compréhension sur ce sujet compliqué et riche.

Tentons en introduction une vue simple : Taiwan pose une question de souveraineté, entre un statut actuel proche de celui d’état démocratique, soutenu par des partenaires historiques de l’île (USA, Japon), et une intégration à la Chine populaire dans des conditions à définir.

L’ « émergence pacifique » de la Chine populaire donne, tant militairement qu’économiquement, une tendance vers la seconde option. Mais les résistances à Taiwan sont fortes et durables.

Marqué par les vues « civilisationnelles » d’Huntington, je portais avant ce livre une opinion assez tranchée, que l’on pourrait résumer ainsi :

Peu importent les pays, les frontières et les parlements : Taiwan et Chine sont une seule civilisation, qui est l’entité à observer.

Mais après la lecture de ce riche livre, je préfère poser deux manières de voir, la première dans une vue civilisationnelle et la seconde dans une vue démocratique :

  • - La Chine, divisée en quatre avant la seconde guerre mondiale (PCC, KMT, occupation japonaise et «régions colonisées» de Macao & Hong-Kong); a lentement réduit ces divisions à deux parties: la partie continentale et Taiwan. La réunion de ces deux parties pourrait achever le processus de construction nationale et réunir les peuples chinois.
  • - Les Taiwanais ont construit, depuis la création de leur gouvernement en 1949, une démocratie. Les habitants de l’île se disent aujourd’hui chinois, mais restent attachés à ce régime, refusant en majorité l’ intégration telle qu’elle est proposée par la RPC («un pays deux systèmes»).

Ce que j’ai compris du problème Taiwanais se résume à trouver une solution satisfaisante selon ces deux visions.


La structure du livre est facile à suivre :

Après quelques rappels historiques, les auteurs examinent la politique chinoise générale, marquée par le thème de l’ « ascension pacifique », puis la politique taiwanaise (jusqu’à ses dernières évolutions), et la politique taiwanaise de Pékin. S’ensuit un rappel des interactions, et un exposé des défis structurels de la relation Chine-Taiwan.

Sont ensuite abordés les tiers : Américains, japonais, autres, puis les auteurs concluent.

La première partie sur les rappels historiques positionne bien les jalons à connaître : l’éphémère consensus de Singapour trouvé en 1992, les conditions des deux élections de Chen Sui Bian (opposition au Kuomintang historique) en 2000 et en 2004 ; les périodes de tension fortes liées à des déclarations (par exemple la déclaration de Chen en Aoùt 2002 : « un pays de chaque côté du détroit » : yi bian yi guo) ou à des décisions (la loi anti sécession de Pékin).


Le chapitre sur la politique culturelle est passionnant ; notamment dans sa description des interactions (explosion des communications téléphoniques, du nombre d’expatriés taiwanais sur le continent, expatriés qui ouvrent des écoles taiwanaises en PRC, forte influence religieuse de Taiwan, sur le regain bouddhiste continental notamment). On note l’asymétrie de ces échanges, avec  beaucoup plus de taiwanais qui s’exposent à la chine continentale que réciproquement.

Mais le chapitre que j’ai préféré est celui sur la sémantique utilisée de part et d’autre du détroit. Dans les débats, des notions profondes sont abordées, telles que nation, civilisation, partenariat (huobanguanxi 伙伴关系) et partenarisation (huobanhua 伙伴化), hégémonie (baquan 霸权, en parlant des Etats-Unis), développement (fazhan 发展), organisation (zuzhi 组织), réactionnaire (fandong 反动: qui s’oppose au mouvement), stratégie (zhanlüe 战略), harmonie (hexie 和谐). Des notions ont été considérablement développées lors des débats, telle la double harmonie (和合 hehe : harmonie harmonie ; un concept de vie considéré comme l’apport de la civilisation chinoise au reste de l’humanité). L’expression de l’ « ascension pacifique de la chine » (Zhongguo heping jueqi 中国和平崛起) est analysée en détail. La transmutation pacifique (hepingshanbian) aussi ;

Sur le terme de l’harmonie, hexie 和谐, les auteurs montrent la différence entre l’origine du terme (qui désignait une société traditionnelle, homogène et hiérarchisée) et son décalage avec les enjeux modernes de l’internationalisation et de la « fluidification » de la société chinoise.

L’auteur montre le paradoxe, côté chine populaire, qu’on observe entre un langage diplomatique international détendu, et rassurant, et un langage sur les affaires intérieures crispé, raide et tendu.


Le chapitre sur la politique Américaine sur Taiwan m’a beaucoup intéressé, et profondément questionné sur un « anti-américanisme primaire » dont je suis parfois victime.

On y voit comment l’administration  G.W. Bush a pu repositionner la relation sino-américaine comme « compétition stratégique », par rapport au « partenariat stratégique constructif» de l’administration Clinton. Inquiète du rapport militaire de plus en plus défavorable à Taiwan, la maison blanche a relancé depuis plusieurs années des ventes d’armes significatives à Taiwan.

Mais ce renforcement est couplé d’une affirmation toujours plus forte du principe de « chine unique », et d’une opposition claire et marquée à l’indépendance formelle de l’ile.

Cela dit, les attentats de Septembre 2001 ont exigé, pour une cohérence de la guerre contre le terrorisme, un certain assouplissement de la notion de « compétition stratégique » vers plus de partenariat avec la RPC : ensemble contre le terrorisme.

On comprend aussi dans ce chapitre les différentes composantes de la position  américaine : le state department (C Powell puis C Rice) relativement favorable à une meilleure relation bilatérale avec la RPC, le pentagone  plutôt historiquement reliée à la défense de Taiwan comme site stratégique, le département du commerce favorable au développement des échanges des deux bords du détroit (parfois aux limites des restrictions sur les transferts de technologie), et le congrès enfin, divisé entre les questions des armes, des droits de l’homme, de la défense « historique » de Taiwan.

On évoque aussi les lobbies, nombreux (milieux des affaires, falung gong, syndicats protectionnistes…) et très influents auprès du congrès.

Le cas particulier du lobbie pro-taiwanais m’a intéressé. Largement lié à la nombreuse communauté de Taiwanais émigré aux US, ce lobby prend parfois des positions pro indépendance qui sont anachroniques, car en décalage avec la politique américaine comme avec la politique taiwanaise. Ce lobby semble perdre du terrain dans le débat aux US, par rapport à des questions comme les droits de l’homme ou bien les conditions économiques de la compétition (réévaluation du yuan, OMC…)

Le Japon, quant à lui, a tout intérêt à prolonger la division de la Chine. Il influe prudemment et discrètement sur la situation.

L’auteur propose en conclusion de prendre en compte l’expérience de l’Europe, entité relativement neutre ayant l’expérience d’une construction supra-nationale dans le respect des souverainetés nationales. N’est elle pas intéressante à visiter ?

Je termine ce billet par un lien vers une discussion acharnée sur le forum de chine-nouvelle.com, et par une anecdote effrayante : j’ai déjeuné aujourd’hui avec un jeune ami du Hubei, brillant et très ouvert (il critiquait violemment le parti unique, rêvant d’une démocratie chinoise). Lorsque nous avons parlé de Taiwan, il m’a affirmé froidement qu’il préférait une guerre à la prolongation des velléités indépendantistes des taiwanais. Un dialogue est il possible entre les partisans de l’unité nationale et ceux de la démocratie ?

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Benoît Vermander : sur la route de François Xavier 6/10 http://florent.blog.com/2006/05/28/benoit-vermander-sur-la-route-de-francois-xavier-610/ http://florent.blog.com/2006/05/28/benoit-vermander-sur-la-route-de-francois-xavier-610/#comments Sun, 28 May 2006 15:45:37 +0000 florent père Raguin. Il a écrit plusieurs livres, dont « les mandariniers de la rivière Huai », traitant du renouveau spirituel dans la Chine continentale d'aujourd'hui, un livre dont j'ai apprécié les éclairages.  

Ici, dans un supplément  la revue jésuite Vie Chrétienne (N°478), il tente de cheminer sur les traces spirituelles de Saint François Xavier. François Xavier est contemporain et proche de St Ignace ; c'est l'un des premiers missionnaires en Extrême Orient ; il a passé du temps en Inde, en Indonésie, au Japon ; il est mort à Canton, aux portes de la Chine, en 1552.

Voici quelques extraits de François Xavier ou de Benoit Vermander.

Sur l’humilité de celui qui apprend :

Pour le moment, il nous échoie d’être parmi eux, comme de petits enfants qui doivent apprendre la langue. (lettre du Japon aux compagnons résidant à Goa, 1549)
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Benoît Vermander SJ est père jésuite, il est responsable de l’institut Ricci à Taipeh (où il a pris la suite du père Raguin. Il a écrit plusieurs livres, dont « les mandariniers de la rivière Huai », traitant du renouveau spirituel dans la Chine continentale d’aujourd’hui, un livre dont j’ai apprécié les éclairages.  

Ici, dans un supplément  la revue jésuite Vie Chrétienne (N°478), il tente de cheminer sur les traces spirituelles de Saint François Xavier. François Xavier est contemporain et proche de St Ignace ; c’est l’un des premiers missionnaires en Extrême Orient ; il a passé du temps en Inde, en Indonésie, au Japon ; il est mort à Canton, aux portes de la Chine, en 1552.

Voici quelques extraits de François Xavier ou de Benoit Vermander.

Sur l’humilité de celui qui apprend :

Pour le moment, il nous échoie d’être parmi eux, comme de petits enfants qui doivent apprendre la langue. (lettre du Japon aux compagnons résidant à Goa, 1549)

Sur la distance que prend le missionnaire :

Afin que vous sachiez comme nous sommes corporellement éloignés les uns des autres, sachez ceci : quand, en vertu de la sainte obéissance, vous nous envoyez de Rome une lettre à nous qui nous trouvons aux Moluques ou qui allons partir pour le Japon, vous ne pouvez pas avoir de réponse à ce que vous nous envoyez en moins de trois ans et neuf mois.

Sur la conversion :

J’ai demandé à Anjirô si, au cas où j’irais dans son pays avec lui, les gens du Japon se feraient chrétiens. Il m’a répondu que les gens de son pays ne se feraient pas chrétiens tout de suite. Il m’a dit qu’ils me poseraient d’abord beaucoup de questions, qu’ils verraient ce que je leur répondrais et ce que moi j’en comprendrais et surtout si je vis conformément à ce que je dis. (lettre aux compagnons vivant à Rome , 1548)

Sur le pluralisme religieux :

Il y a neuf sortes de récits, différant les uns des autres. Ainsi les hommes aussi bien que les femmes. Chacun selon son gré choisit le récit qu’il veut, et personne n’est contraint d’appartenir à une secte plutôt qu’à une autre, si bien qu’il y a des maisons où le mari est d’une secte et la femme d’une autre, et les enfants d’une autre encore. Cela ne cause pas de scandale chez eux, parce que chacun est libre de choisir. (lettre écrite de Cochin aux compagnons vivant en Europe, 1552)

Sur l’écriture :

 Je vous envoie l’alphabet du Japon. Ils écrivent très différemment de nous, du haut vers le bas ; quand j’ai demandé à Paul pourquoi ils n’écrivaient pas à notre façon, il m’a répondu : pourquoi nous n’écrivions pas de leur façon ? Et il m’a donné comme raison que de même que l’homme a la tête en l’air et les pieds en bas, de même aussi quand il écrit l’homme doit écrire de haut en bas. (lettre à Ignace de Loyola, 1549)

M Vermander voit dans ce dialogue tout simple un prélude de cette ouverture  à l’altérité culturelle qu’on retrouvera dans les lettres persannes :« il s’agit moins de relativisme que de réciprocité » . S’ensuit un beau texte sur la calligraphie et l’écriture chinoise (que l’auteur pratique) dont on comprend comme elle est « corps »

Le livre est parsemé de poésies de l’auteur parfois belles et profondes, comme celle ci :

La mer est dans la perle,
La perle est dans la mer,

Mais au fond de la perle,

Plus profond que la mer,

Au profond de la perle,

La perle est dans la perle.

Le livre entier tente de faire la part des choses  entre volonté de conquête, déjà caractéristique de l’Europe du XVI e siècle (François était horrifié par les pratiques colonialistes des portugais en Inde), et une ouverture à l’autre au contact de l’Asie.

Je livre un passage pour s’en convaincre, où l’auteur reconnaît l’usage de la menace et l’ivraie semée par la mission :

Si  l’annonce de l’évangile entreprise à l’âge de Xavier est une admirable épopée, elle n’a pas le parfum de la première génération apostolique. Car ce n’est pas l’église des premiers temps qui se donne à connaître au reste du monde, mais une église qui bute ou sur des certitudes ou sur des apories théologiques, une chrétienté divisée, déchirée même, une Eglise qui éprouve des difficultés infinies à ne pas se faire la complice de ce qui va devenir la grande entreprise impérialiste de l’Europe. La proclamation de la damnation universelle devient alors la figure de cette « mauvaise nouvelle » qui s’entremêle à la bonne comme l’ivraie fait avec le blé. La parabole de jésus nous l’enseigne : la croissance de l’ivraie n’est pas une raison suffisante pour arracher le blé semé, mais il faut reconnaître que , jusque dans la proclamation de Xavier, les semences d’une tenace ivraie ont été jetées. Le rapport au salut que ses propos introduisent n’est plus le fruit d’une annonce véritablement évangélique.  

Le passage sur le baptême, avec un témoignage d’un prêtre irlandais actuellement missionnaire aux Philippines, est également humble, riche et juste à la fois.

Le dernier chapitre sur l’inachèvement est vraiment beau ; je finis par un grand merci à ma belle mère si attentionnée !

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