Pérégrination vers l'Est » pensée http://florent.blog.com 西方人的东方眼睛 Sat, 02 Jul 2011 07:37:50 +0000 en hourly 1 http://wordpress.org/?v=3.2-bleeding Tiers inclus http://florent.blog.com/2011/03/05/tiers-inclus/ http://florent.blog.com/2011/03/05/tiers-inclus/#comments Sat, 05 Mar 2011 01:42:07 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188694 J’utilise actuellement l’application trainchinese (disponible sur PC, android et ipad) pour faire du chinois.

Il y a beaucoup de phrases utilisant tel ou tel caractère que l’on souhaite apprendre où réviser.

Et récemment je suis tombé sur une phrase curieuse que je souhaite partager ici, une phrase utilisant la formule de gratitude duo1kui1 多亏 :

多亏您的帮助, 要不我就失业了.

Thanks to your help, or I would have lost my job.

Merci pour votre aide, sinon j’aurais perdu mon travail.

La traduction anglaise (ou francaise que j’ai rajouté) ne vous titille t elle pas les méninges ? Elle enfreint me semble-t-il la règle du tiers exclus, règle selon laquelle une alternative n’a que deux possibles. Pas de troisième. Si la proposition “2=3″ est fausse, alors nécessairement 2 est différent de 3. Aristote nous dit que

« Il n’est pas possible qu’il y ait aucun intermédiaire entre les énoncés contradictoires : il faut nécessairement ou affirmer ou nier un seul prédicat, quel qu’il soit. »

Dans la première partie de la phrase : 多亏您的帮助, on exprime une gratitude. La virgule indique que la phrase va prolonger cette expression. Le fait que “vous m’avez aidé” est posé, affirmé.

Le terme 要不 pose l’alternative ; il se traduit par “otherwise”, ou par “sinon” en français. Et la phrase continue vers le scénario de “si vous ne m’aviez pas aidé”. Le prédicat est remis en cause.

Pour traduire correctement la phrase, il faudrait je crois la séparer par un point (qui permet de changer de point de vue), ou bien induire un “laquelle” (faisant le lien avec l’aide et permettant d’imaginer ce qui serait advenu sans elle), “laquelle” qui n’est pas présent dans le terme chinois 要不.

Merci pour votre aide. Sans elle j’aurais perdu mon emploi.

Merci pour votre aide, sans laquelle j’aurais perdu mon emploi.

Ce n’est qu’un problème de grammaire, mais il m’a intrigué (précisons que je ne suis pas grammairien !).

Le tiers exclus, voilà un bon exemple de principe que je croyais universel mais dont j’apprends la prégnance culturelle dont je bénéficie (ou suis victime?) en tant que français.

]]>
http://florent.blog.com/2011/03/05/tiers-inclus/feed/ 0
Paysans, chasseurs et chimpanzés http://florent.blog.com/2010/07/18/paysans-chasseurs-et-chimpanzes/ http://florent.blog.com/2010/07/18/paysans-chasseurs-et-chimpanzes/#comments Sun, 18 Jul 2010 06:37:44 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188612 On lit souvent, dans les discours sur l’identité chinoise, qu’il faut opposer les européens chasseurs (trait qu’ils partagent avec les barbares mongols du nord de la chine) et les chinois cultivateurs.

Les premiers seraient instinctivement belliqueux alors que les seconds seraient naturellement pacificistes.

Un article m’a récemment intrigué sur cette question.

Il s’agit d’une étude sur le comportement guerrier de chimpanzés du parc Kibale en Ouganda.

On y décrit des campagnes proprement guerrières, menées par des bandes de mâles organisés contre d’autres clans de chimpanzés.
Ces expéditions brutales ne visent pas à la conquête de femelles : les conquérants peuvent frapper les femelles, tuer leurs enfants. Ils ne ramènent pas les femelles du clan vaincu dans leur clan.
Il s’agit plutôt de conquêtes territoriales.

En 9 ans les chercheurs ont compté 118 attaques mortelles. Ils ont montré que le clan agressif avait gagné 22% sur son territoire.

Et dans cet article on trouve cette phrase curieuse :

The rate of killing Dr Mitani reports is between one-and-a-half and five times that seen in human agricultural societies- and between five times to 17 times higher than attrition due to warfare among hunters gatherers, who could have less need to defend land than farmers.

Le taux de meurtres reporté par le Docteur Mitane (entre les chimpanzés) est entre une fois et demi et cinq fois celui observé au sein de sociétés agraires – et entre cinq et dix sept fois plus élevé que les pertes de guerre parmi les chasseurs-cueilleurs, qui auraient moins besoin de défendre leurs terres que les fermiers.

Peut on dire, comme ce docteur Mitani, que les sociétés agraires sont plus guerrières que les sociétés de chasse et de cueillette ?

]]>
http://florent.blog.com/2010/07/18/paysans-chasseurs-et-chimpanzes/feed/ 0
Nationalisme chinois : rengaine satanique ou légitimes relevailles ? http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme/ http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme/#comments Sun, 17 Jan 2010 10:55:32 +0000 florent http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme/ nationalismeParlons de ce sujet qui me taraude sérieusement : le nationalisme chinois

Résumons le questionnement en deux points :

- Sait-on de quoi on parle quand on évoque le “nationalisme chinois”  (ou les nationalismes chinois) ?

- Celui-ci est il une aspiration légitime ou une dangereuse glissade ?

 J’ai beaucoup lu sur ces questions, avec beaucoup de frustrations sur des propos aussi virulents que peu convaincants.

Mes enfants à Kunming, au Yunnan

Mes enfants à Kunming, au Yunnan

Je m’appuierai sur deux documents que voici en lien :

- une longue et touffue discussion que j’ai lancée sur un forum avec le titre “qu’entend-on par nationalisme chinois?” (je n’en conseille pas la lecture ; ce billet de blog en fait la synthèse)

- un excellent article de Jean Pierre Cabestan dans la revue perspectives chinoises : les multiples facettes du nationalisme Chinois. (j’en conseille la lecture, et j’en ai publié un commentaire ici)

Mon plan sera le suivant :

  1. Explorer les notions de nationalisme telles qu’elles s’expriment en français, en anglais, et en chinois. En tirer une définition du nationalisme, mais aussi des anomalies, des ambiguïtés, des pièges qui sont sans doute la source de beaucoup d’incompréhensions.
  2. Tenter de positionner l’émergence de la nation dans l’histoire chinoise
  3. Risquer une formulation sur la peur que beaucoup d’Européens  nourissent vis-à-vis du nationalisme
  4. Qualifier les différents courants nationalistes chinois d’aujourd’hui.

 

Avant de parler de nationalisme chinois, autant s’entendre sur ce qu’est le nationalisme.

- Sait-on de quoi on parle quand on évoque le “nationalisme chinois”  (ou les nationalismes chinois) ?

Et là les réponses divergent.

Creusons en comparant différentes versions de wikipedia du nationalisme, en différentes langues (une démarche que j’avais trouvé intéressante pour étudier la notion de culture )

Vision Française

Encore mes enfants à Kunming, mais ils sont eux-mêmes cette fois...

Encore mes enfants à Kunming, mais ils sont eux-mêmes cette fois...

 Wikipedia en francais en fait une notion largement Européenne, qui se serait plus ou moins déployée dans d’autres pays. Mais l’article ne mentionne nullement la Chine, un des plus vieux états du monde.  On y lit cette phrase de Durkheim :

“Tout retour d’un nationalisme étroit a toujours pour conséquence un développement de l’esprit protectionniste, c’est-à-dire une tendance des peuples à s’isoler, économiquement et moralement, les uns des autres”

Si cette phrase est juste, autant oublier l’existence d’un nationalisme chinois. Peu de gens contesteront l’extraordinaire ouverture du pays depuis quelques décennies. Les chinois sont extraordinairement ouverts et curieux des choses de l’étranger. Il y a là deux phénomènes apparemment inconciliables .

Au XXe siècle, précédemment limité à l’Europe et aux États-Unis d’Amérique, le nationalisme s’étend dans les pays du Sud qui contestent l’assimilation des nationalistes du Nord qui les a conduit à être colonisés.

Selon wikipedia en Français, le nationalisme s’est développé au Nord et plus ou moins diffusé dans le Sud. Et la Chine là dedans ? Faut il ranger l’orient dans la case “Sud” ? L’article de Wikipedia en Français me semble malheureusement trop “européo-centré” pour aborder légitimement l’existence d’un nationalisme chinois.

Le dictionnaire littré lui même présente une notion essentiellement Européenne, et plutôt ambigue sur le degré de danger qu’elle comporte.

Dans son premier sens le nationalisme est (…) très largement marqué dans un sens révolutionnaire et se confond avec la conscience nationale révolutionnaire

Le fondement historique du nationalisme serait révolutionnaire. Il faudrait passer par une révolution pour voir émerger une nation au sens moderne, objet du culte appelé nationalisme. La France aurait ainsi “tracé la route” du nationalisme.

La Chine a connu ses révolutions ; je crois qu’elle ne montre pas aujourd’hui de “grande ambition révolutionnaire”. De grandes ambitions oui, mais révolutionnaires non. La construction de la nation en Chine se caractérise par une histoire très longue, cahotique depuis deux siècles, mais bien peu semblable aux parcours de la France, de l’Angleterre, ou des Etats-Unis. C’est sans doute pour cela que l’article wikipedia sur le nationalisme ignore aussi royalement l’histoire et l’expérience chinoises.

Vision Anglo-saxonne

L’article de Wikipedia en anglais est beaucoup moins dogmatique et étroit que l’article en francais.

J’y trouve une définition du nationalisme par degrés, qu’il est intéressant de reproduire ici :

Nationalism generally involves the identification of an ethnic identity with a state. The subject can include the belief that one’s nation is of primary importance. It is also used to describe a movement to establish or protect a homeland (usually an autonomous state) for an ethnic group. In some cases the identification of a homogeneous national culture is combined with a negative view of other races of cultures. 

  • Premier degré : prise de conscience de liens identitaires ethniques au sein d’un état.
  • Second degré : affirmation de l’importance première de la nation
  • Troisième degré : Vue négative d’autres nations ou d’autres ethnies.

On y lit qu’un nationalisme peut être réactionnaire ou bien révolutionnaire. On mesure l’opposition entre le nationalisme et le phénomène plus récent de Cosmopolitanisme. Cette opposition ouvre le champ à des questions beaucoup plus intéressantes, dans le contexte chinois, que celle de savoir si le nationalisme est nécessairement révolutionnaire.

Si l’on oppose la conscience citoyenne (je suis Chinois) et la conscience universelle (je suis Humain), le nationaliste serait celui qui préfère la première à la seconde. Celui qui au nom de la première va se confronter à d’autres personnes d’autres pays.

L’article anglophone poursuit par la description de diverses formes de nationalisme : l’ultranationalisme, la pureté nationale (Wiki donne en exemple cette merveilleuse phrase du sublime et lumineux timonier George W Bush : “No, I don’t know that atheists should be considered as citizens, nor should they be considered patriots. This is one nation under God” ), le nationalisme “civique”, le nationalisme ethnique (dont voici la définition “Ethnic nationalism is based on the hereditary connections of people. Ethnic nationalism specifically seeks to unite all people of a certain ethnicity heritage together. Ethnic nationalism does not seek to include people of other ethnicities.” Cette définition s’applique très bien au Japon du début XXe me semble-t-il),  le nationalisme expansionniste, le nationalisme de gauche …

La définition me semble alors beaucoup moins poussiéreuse que celle des sources françaises plus haut.

Vision Chinoise

Le terme chinois pour le nationalisme, c’est 民族主义 : on fait référence à l’ethnicité, mais pas à la nation ou au pays tel qu’on le retrouve dans le nom de la chine 中国 (pays du milieu). Le pays Chine compte aujourd’hui 56 民族 , c’est à dire ethnies, plus ou moins minoritaires. Elles ont souvent leur propre langue, parfois leur propre écriture (Dai, Tibétains, Ouighours, Zhang…). Si le nationalisme est l’exhaltation de la nation, en Chine il vaudrait mieux parler de l’exhaltation des nations ?
Le terme de nationalisme semble difficile à appliquer à la Chine, qui se considère comme terre hébergeant une multiplicité de nations-ethnies.

Ces ethnies au sein de la nation ont bien évidemment des poids très différents ;  avec une domination des chinois Han 汉(漢). Doit-on alors parler d’un nationalisme Han, d’un nationalisme Tibétain, d’un nationalisme Cantonais ? Le terme chinois pour le nationalisme, , s’y prète très bien. Mais on parle souvent du nationalisme chinois, avec un périmètre étendu à tout le pays. Finalement, en se transposant en Europe, c’est comme si on parlait de “nationalisme” pour désigner le nationalisme français, ou grec, ou portugais, et de “nationalisme” pour parler d’un sentiment d’être Européen, une sorte de “conscience de civilisation” qui n’aurait plus grand chose à voir avec le nationalisme.

Bref, le terme de nationalisme s’applique à deux niveaux en Chine : au niveau de l’ethnie et au niveau de la nation toute entière.

 Regardons maintenant l’article de wikipedia en chinois sur le nationalisme

民族主义,亦称国族主义或国家主义,为包含民族、种族、与国家三种认同在内的意识形态,主张以民族为人类群体生活之「基本单位」,以作为形塑特定文化与政治主张之理念基础。具体的说,其主张为:民族为「国家存续之唯一合法基础」,以及「各民族有自决建国之权」。民族主义与爱国主义无从区分。开化的社会过去大多强调民族共同体,而最近则着重于由国家或政府陈述的文化或政治共同体。

Je tente une traduction du début (corrections bienvenues)

Le nationalisme (民族主义, littéralement peuple-clan-”isme”), parfois aussi appelé patriotisme (国族主义, littéralement  pays-clan-”isme” ou “国家主义”, littéralement pays-famille-”isme”),  inclut les groupes ethniques, les races, et le pays. C’est une idéologie valorisant l’identification sur ces trois points, en considérant le groupe ethnique comme la “principale unité” du corps social.   

On voit une référence à la race 种族 qui surprend quelque peu dans un texte publié par wikipedia, et qui confirme l’ambiguité de cette notion d’ethnicité qui entre dans le mot chinois de nationalisme.   La suite de l’article me semble plus proche des articles en anglais de wikipedia.

Le nationalisme chinois, un terme piège

Comme on le voit dans cette première partie, il est difficile de parler de nationalisme chinois :

  • Tendance française à s’estimer “inventeur” du nationalisme (depuis la révolution) et à limiter son point de vue en ignorant l’histoire de la formation de la nation en Chine, état dont l’existence a plus de deux mille ans.
  • Ethnicité très présente dans la nationalité au sens chinois ; ce qui pose une difficulté pour aborder la nation au singulier, à moins de confondre l’ethnie dominante (han) avec la nation.
  • Vision d’un nationalisme étroitement associé à une fermeture : cette vision semble difficilement appliquable à la Chine contemporaine

Et de ce fait beaucoup des jugements qu’on lit ici ou là sont biaisés par ces difficultés. La prochaine fois qu’un français s’indigne du nationalisme chinois devant moi, je lui demanderai d’abord de m’expliquer de quoi il parle.

 

- L’émergence de la nation dans l’histoire chinoise

Disons le tout de suite ; je ne suis pas historien et la question est complexe. Je n’ai pas la prétention de répondre à cette question, je voudrais juste montrer qu’elle est importante, qu’elle conditionne le fait de parler du nationalisme chinois en connaissance de cause.

Le sujet est particulièrement délicat, car l’histoire (particulièrement chinoise) a une tendance à être réécrite selon les besoins de la “communauté imaginaire” (selon l’expression de Benedict Anderson). J’avais observé cela en voyageant deux fois en Afrique du Sud : avant et après l’Apartheid. J’avais pu consulter des manuels d’histoire et voir combien l’histoire avait été réécrite ! Notons bien, avec M Anderson, que ces “communautés imaginaires” et le nationalisme qui les rassemblent ne sont pas vus négativement ! Elles contribuent à l’identification et à la mobilisation par le rêve et l’idéal qu’elles offrent.

Bornons nous juste à donner quelques jalons historiques prémodernes, éclairants sur la formation de l’idée de nation en Chine :

Nous n’aborderons pas les origines mythiques et légendaires de la civilisation chinoise (par exemple l’empereur Yu le grand).

-221 : La formation de l’Etat Chinois est généralement située à l’unification des royaumes combattants par l’empereur Qin ShiHuang 秦始皇 au troisième siècle avant JC : il standardise la langue écrite, les poids et les mesures, fait construire la grande muraille. Le fait qu’il ait combattu pour l’unité chinoise et se proclame empereur 始皇帝 nous amène à envisager un premier degré de nationalisme au sens de “prise de conscience des liens unissant des peuples sur un territoire”. Ceci serait renforcé par l’appellation “Pays du milieu”, mais ce terme de 中国 semble plutôt être un pluriel, désignant certains royaumes du centre mais pas “la Chine”. Bref, nous assistons à l’émergence d’un empire, supérieur aux royaumes qu’il a conquis, mais plutôt semblable à ce que nous avions en Europe antique avec les grecs ou les romains : un empire qui se croit seul au monde. Ce qui est différent d’une nation comme pouvait l’être la France au XVIIIe siècle, c’est à dire consciente d’elle-même et consciente des autres nations (Angleterre, Allemagne…).

1127 après JC :  Un millénaire plus tard, la dynastie chinoise Song 宋 subit des revers face aux tribus du nord : les Jin  (Jurchen proches des Mandchous) et les mongols menés par Gengis Khan (qui fonderont en 1271 la dynastie suivante, celle des Yuans). En 1127, la dynastie Song a subi une cuisante défaite face aux Jin 金 qui ont capturé la capitale Kaifeng et l’essentiel de la cour (l’humiliation de 靖康之恥). Le reste de la cour doit s’enfuir vers le sud, franchir le Yangtsé, et se réfugier à Hangzhou.

La défaite d’une dynastie chinoise face à des barbares du nord (les Jurchens) est vécue comme une immense humiliation. Les troupes chinoises se battent pour tenter de récuperer le nord de la Chine. Parmi ces troupes chinoises se trouve un général, réputé pour ses talents d’archer, et nommé Yue Fei 岳飞. Ce général est mentionné dans de nombreuses annales historiques, mais la légende se mêle souvent au récit de ses prouesses militaires pour sauver la Chine des envahisseurs du Nord. Parmi les éléments douteux de sa vie figure un trait intéressant pour nous aujourd’hui : Yue Fei aurait porté sur le dos un tatouage en quatre caractères : 尽忠报国; (qui s’écrivait alors 盡忠報國), ce qui signifie “servir loyalement le pays, jusqu’au bout”.  On retrouve ici, dans l’héroisme maintes fois célébré du général Yue Fei, une conscience nationale qui convient bien à cet aspect de la définition du nationalisme par wikipedia : “Il entend toujours défendre une identité nationale, justifiée par une communauté historique et culturelle, face à une agression extérieure”.

1672 : La dynastie Ming est tombée depuis l’entrée des Mandchous à Pékin en 1644 et le suicide de l’empereur Ming Chong Zheng 崇祯. Il reste quelques bastions Ming au Sud du pays, qui seront vite écrasés par la dynastie Mandchoue Qing. Un moine, descendant de la famille impériale Ming et nommé ChuTa (ou ZhuDa : 朱耷), subit en 1672 un second drame à la mort de son père spirituel, l’abbé Hong Ming. Il entre dans une prostration étrange : il refuse de parler à quiconque pour le reste de sa vie, et place le caractère 哑(F啞), qui signifie “muet”, sur sa porte. Il restera toutefois un artiste exceptionnel, poète et surtout peintre. Je recommande en particulier le livre que François Cheng a écrit sur Chu Ta.

Là encore, la chute d’une dynastie chinoise au profit d’une dynastie étrangère montre une forme de conscience nationale importante.

 Si l’on considère que le nationalisme implique non seulement la prise de conscience de la nation que forme un peuple, mais encore le fait que cette nation soit amenée à coexister avec d’autres nations, alors ce n’est qu’au XIXe siècle qu’on peut vraiment parler du nationalisme en Chine. Les humiliations de l’occupation occidentale et des guerres de l’opium lancent une réflexion de la Chine sur elle-même, en se décentrant de sa vision de “pays du milieu” et en se posant des questions sur ses retards, ses défaites, son empire, son confucianisme. 

- A force de crier au loup…

Beaucoup d’Européens s’effraient des signaux nationalistes observables aujourd’hui en Chine. Il est certain que notre XXe siècle en Occident fut marqué par d’horribles exacerbations du sentiment national, menant aux pires idéologies, guerres impériales, génocides. Ne voulant pas “oublier l’histoire”, un certain nombre de français se mettent en croisade pour dénoncer le phénomène de nationalisme chinois.

Mais comme on l’a vu dans le commentaire de l’article de M Cabestan, il n’y a pas un nationalisme chinois mais plusieurs forces ; certaines étant réactionnaires (cherchant à “laver les humiliations passées”), d’autres sont réformistes, cherchant à moderniser l’état et la nation.

La composante ethnique étant reconnue en  Chine, le thème du nationalisme s’y développe différemment, sur plusieurs niveaux. Parle-t-on de la “nation Han” ou bien de la nation Chinoise (qui compte en plus des han 55 minorités officielles) ?

Cela m’amène à risquer une formulation pour ces français qui s’effraient face au nationalisme chinois :

“Pris par le souvenir de l’histoire européenne des XIXe et des XXe siècles, et par une notion étriquée et “européo-centrée” du nationalisme, certains français dénoncent violemment le nationalisme chinois, alors même que ce phénomène est, pour une part, acteur majeur dans la réflexion sur la modernisation et la démocratisation du pays, deux évolutions que ces mêmes détracteurs appellent de leurs voeux ! Le discours est contradictoire !

- Le nationalisme chinois est il une aspiration légitime ou une dangereuse glissade ?

Reprenons ici les quatre formes de nationalisme introduites par M Cabestan dans son article :

Nationalisme revanchard et ethnique

Présent dans certaines couches populaires, ce nationalisme donne lieu à des manifestations impressionnantes. Il concerne beaucoup les jeunes, dans une sorte de “crise d’adolescence”. Mais il fait l’objet d’une forte opposition de la part d’une bonne fraction de la population ; qui rejette l’esprit égoiste et virulent des “fenqing”. Je connais un fenqing qui, en passant la trentaine, a mis beaucoup d’eau dans son vin. Le meilleur argument contre ce phénomène m’a été donné par une jeune Hangzhounaise, qui m’expliquait que ces nationalistes arrivaient trop tard aujourd’hui, que l’ouverture du pays était déjà trop avancée pour qu’on puisse se renfermer, que trop de chinois savaient comment était le monde extérieur, les produits de l’extérieur. Ainsi ce nationalisme, qui peut encore sévir sous forme de “poussées de fièvre”, semble amené à disparaître ou au moins à s’estomper avec le statut de plus en plus puissant et ouvert de la Chine.

Nationalisme officiel conservateur

Il est très présent, et relativement stable aujourd’hui. Il n’a pas de projet agressif, sauf peut être sur les questions de souveraineté nationale sur lesquelles le gouvernement est si sensible, mais il vise juste à la promotion de la nation et à sa reconnaissance. Pour peu que l’on reconnaisse ce gouvernement qui compte réussir son “ascension pacifique” et retrouver la place de puissance économique majeure qu’elle occupait avant 1850, les raisons d’avoir peur du nationalisme officiel me semblent bien maigres.

Par contre, si l’on ne reconnaît pas ce gouvernement (en raison de sa politique taiwanaise, ou de sa politique au Tibet, de l’archaisme de sa gouvernance ou de la maladresse de sa communication diplomatique, ou pour toute autre raison), alors la peur devient très naturelle. Mais elle mérite le nom de “peur du gouvernement chinois”, pas celle de “peur du nationalisme chinois”.  

Nationalisme modernisant

Comme expliqué par M Cabestan dans son article, cette forme de nationalisme a en fait des conditions positives sur le développement du débat public dans le régime autoritaire de la RPC. Cette forme de nationalisme, plus pacifique et ouverte au monde, me semble moins effrayante que les deux premières.

Nationalisme pro-occidental (Taiwanais)

Le nationalisme du Kuomintang, fortement occidentalisé dès sa création, a flirté avec les dangers de l’ultra nationalisme lors des années trente du siècle dernier, avec le mouvement fasciste de la société des chemises bleues (藍衣社). Mais aujourd’hui il ne semble pas dangereux par son projet idéologique ni par son système. Son projet de reconquérir politiquement la chine ne peut s’inscrire que sur du très long terme ; il ne pourra se faire qu’après une réunification pacifique des deux rives du détroit de Formose.

En conclusion, le nationalisme est une idée ambigue, qui se mesure à plusieurs degrés, entre la simple prise de conscience d’une identité collective et un ultra-nationalisme ostraciste. L’application de cette idée au contexte chinois est délicate, et nécessite de distinguer plusieurs courants de nationalisme, qui ont des degrés différents. Seul le nationalisme revanchard de jeunes hooligans peut effrayer à court terme, mais si l’ascension chinoise se confirme, il pourrait s’estomper. D’autres formes de nationalisme sont des forces de changement pour un  pays dont le développement économique va beaucoup plus vite que le développement politique.  

]]>
http://florent.blog.com/2010/01/17/nationalisme/feed/ 9
Ne pas être ou être, voilà… http://florent.blog.com/2010/01/10/hamlet/ http://florent.blog.com/2010/01/10/hamlet/#comments Sun, 10 Jan 2010 08:28:57 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188270 hamletA la demande de Woods, voici un billet sur la fameuse formule qu’Hamlet prononce pour exprimer son désarroi :

To be or not to be, that is the question

Whether ’tis nobler in the mind to suffer
The slings and arrows of outrageous fortune,
Or to take arms against a sea of troubles,
And by opposing end them?

Encore une phrase difficile à traduire en chinois, tout comme le Cogito de Descartes, en raison de l’abstraction particulière du verbe “être” qu’elle comporte.

Hihior me donne gentiment plusieurs traductions chinoises possibles de “to be or not to be” ; que j’essaie ici de retraduire en francais

名家名译
  笔者目前所收集到的名家名译如下:

Zhu shenghao :  
  朱生豪:生存还是毁灭,这是一个值得考虑的问题;La subsistance ou bien l’anéantissement, voilà une question méritant réflexion.

Liang Shiqiu :
  梁实秋:死后还是存在,还是不存在,——这是问题;Après la mort, vivre encore ou ne pas vivre ; c’est une question.

Cao Weifeng :
  曹未风:生存还是不生存:就是这个问题:Exister ou ne pas exister, voilà la question.

Sun Dayu :
  孙大雨:是生存还是消亡,问题的所在;Etre survivant ou disparaître, la question est là.

(je comprends mal la présence du premier caractère 是 de cette traduction)

Lin Wenji :
  林同济:存在,还是毁灭,就这问题了。Subsister, ou disparaître, c’est là la question.

Fang Ping
  方平:活着好,还是死了好,这是个难题啊:Vivre bien, ou se trouver bien après la mort, c’est une question difficile.

(une des meilleures traduction chinoises de la phrase à mes yeux ; mais elle est très difficile à retraduire en français)
Bian Zhilin

  卞之琳:活下去还是不活:这是问题 : Rester en vie ou ne pas le rester, c’est la question.

(on retrouve dans cette excellente traduction la formule 活下去, qui signifie littéralement “descendre la vie”)
Wang Zuoliang :

  王佐良:生或死,这就是问题所在。Vivre ou mourir, c’est bien là la question.
Xu Yuanchong :

  许渊冲:死还是不死,这是个问题。Mourir ou ne pas mourir, c’est une question.

(étonnant renversement de perspective, non ?)

Qiu Ke’an :
  裘克安:活着,还是不活了,问题就在这里:Etre en train de vivre, ou bien ne plus vivre, la question est celle-là.

Chen Guohua :
  陈国华:是生,还是死,问题就在这里:Etre vivant, ou mort, la question est celle-là.

Cette phrase, que les psychologues ont voulu voir comme exprimant la tragédie oedipienne et l’ambivalence des désirs, est vraiment difficile à traduire en chinois.  

On voit ici combien les traducteurs (tous chinois) ont dû s’éloigner du mot à mot pour tenter de restituer le sens de la phrase de Shakespeare !

Notons un point amusant : le mot souvent retenu pour traduire le “or” de “to be or not to be” est en chinois 还是, mot qui porte lui même le verbe être dans le second caractère (littéralement : 还是 = encore être = ou).

La traduction, délicat équilibre entre fidélité et intelligibilité

]]>
http://florent.blog.com/2010/01/10/hamlet/feed/ 4
Cogito ergo … http://florent.blog.com/2010/01/07/cogito-ergo/ http://florent.blog.com/2010/01/07/cogito-ergo/#comments Thu, 07 Jan 2010 04:34:12 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188256 descartesMon chauffeur se passionne pour l’histoire ces temps ci. Il vient de finir un gros pavé sur l’empereur Qianlong 乾隆 des Qing, et se penche à présent sur l’histoire de France

Dans son livre j’ai retrouvé la fameuse formule de Descartes :

Je pense donc je suis

我思故我在

 

 

Regardons la traduction chinoise :

 

Le verbe ‘penser’ est traduit par .  C’est ce même caractère qu’on utilise en chinois pour parler du penseur de Rodin : 《沈思者》Remarquons que ce caractère représente (en bas) un coeur, comme la majorité des mots liés à la pensée en chinois (voir un billet sur ce point)

 

La déduction ‘donc’ est donnée par ; un terme peu usuel dans ce sens en chinois moderne. La préposition de déduction la plus courante est suo3 yi3 (所以) ou bien yin1 ci3 (因此).

Dans 故, le composant de gauche donne le son (‘gu’) et le composant de droite, qui signifie ‘frapper’, donne le sens. On retrouve ce caractère dans 故事 qui signifie l’histoire ou dans 故意 qui signifie ‘faire exprès’ (littéralement ‘déduction-intention’).

 

Mais c’est surtout la traduction du ‘suis’ qui est intéressante :

Le verbe être est difficile à traduire en chinois. En chinois moderne on retrouve le plus souvent pour signifier ‘être’. 

Ce caractère  représente un soleil 日 au dessus d’un composant qui est une déformation du composant 正 signifiant rectitude. L’étymologiste Karlgren l’analyse ainsi : quelquechose qui est montré comme droit, exact 正 à la lumière du soleil 日.

Ainsi, signifie plus ‘être juste’ que ‘être’. Quand on veut répondre ’c'est juste!’ à une question, on peut dire tout simplement

(d’autres étymologistes rattachent le caractère au composant 早 qui signifie ’tôt’ (on voit un soleil qui se lève)

Le verbe retenu pour traduire le cogito n’est pas 是 mais 在, qui représente d’abord une localisation (comme signifié par la terre 土). 在 est à la fois une préposition de localisation et un verbe.  在 ce n’est pas ‘être’, mais ‘être quelquepart’ (si le quelquepart n’est pas précisé après le caractère, c’est tout simplement ’être là’ )
le bol est sur la table    桌子上
Papa est à Canton       爸爸广州
 Maman est là               妈妈
D’un point de vue étymologique, il est difficile de trouver un verbe en chinois ancien qui corresponde à notre verbe être, dans sa richesse sémantique impliquant une notion d’essence, de nature. Les débats philosophiques font rage entre linguistes pour savoir si le verbe ‘être’ a un équivalent en chinois classique.

Beaucoup de phrases chinoises se passent tout simplement du verbe être :

我高 : je grand
你愤 : tu colère
他老 : il vieux

Ainsi, on a pas trouvé mieux comme traduction en chinois que

我思故我在

Je pense donc je suis là

 

Descartes serait il d’accord ?

 

 

]]>
http://florent.blog.com/2010/01/07/cogito-ergo/feed/ 16
L’ignorance et l’arrogance http://florent.blog.com/2010/01/06/lignorance-et-larrogance/ http://florent.blog.com/2010/01/06/lignorance-et-larrogance/#comments Wed, 06 Jan 2010 00:55:36 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188244 En lisant un recueil de fables chinoises contemporaines (en édition bilingue), je suis tombé sur une fable formidable que je recopie ici :

无知和骄傲
(in 中国当代寓言选)

无知和骄傲相撞了, 彼此大吃一惊, 然而谁也看不见谁:
无知没长眼睛, 骄傲的眼睛长在头顶上.
骄傲: “呔! 瞎蹦乱撞的, 没长眼睛?”
“眼睛?” 无知摇了摇头, 他从未听说过.
骄傲: “这也不懂? 眼睛是看天的. 我看了很九很九, 世界上除了我,就只有天, 这意味看什么?”
“什么?” 无知又摇了摇头.
骄傲: “吾乃天下第一!”
“呵呵, ‘吃奶,睡觉, 哭泣’. “无知除了婴儿的本能, 再没别的知识.
骄傲: “吾乃天下第一!”
无知: “吃奶, 睡觉, 哭泣.”
骄傲: “无知!!!”
“哎!” 谢天谢, 无知总算没忘记奶名.
“无知! 无知! 无知!!!”
“哎! 哎! 哎!”
… …
他们纠缠了一千零一夜, 骄傲这才得出结论: “唉, 原来世界上除了天和我, 还有一位永远纠缠不清的无知呵.”

- 对了, 无知和骄傲是永远不清的; 越无知, 越骄傲 ; 越骄傲, 越无知.

 

L’ignorance et l’arrogance

Ce fut une grande surprise pour toutes deux quand un beau jour l’ignorance et l’arrogance se heurtèrent l’une contre l’autre.

Elles ne pouvaient pas se voir parce que l’ignorance n’a pas d’yeux et que l’arrogance a les siens sur le sommet de la tête.

- Pourquoi foncez vous de la sorte, n’avez vous pas d’yeux pour voir ? demanda l’arrogance.

- Des yeux ? répéta l’ignorance en secouant la tête, qui n’avait jamais entendu parler de cela.

- Tu ne sais même pas ce que sont les yeux ? Les yeux sont utiles pour voir le ciel. C’est avec mes yeux que je le regarde depuis longtemps, ainsi je réalise qu’il n’y a dans ce monde que le ciel et moi-même. Est-ce que tu comprends ce que cela signifie ?

- Quoi ? L’ignorance secoua de nouveau la tête

- Cela veut dire que je suis unique sur la terre, répondit l’arrogance.

- Moi je ne sais que boire du lait, dormir et pleurer, marmonna l’ignorance dont les connaissances ne dépassent pas celles d’un petit enfant.

- Moi je suis unique au monde, redit l’arrogance.

- Boire du lait, dormir, pleurer, répéta l’ignorance elle aussi.

- Quelle ignorance, dit l’une

- Oui oui oui dit l’autre. Heureusement elle n’avait pas encore oublié son nom d’enfance.

……………………….

Un temps considérable se passa à dialoguer de cette façon. Mais c’est finalement l’arrogance qui tira la conclusion en déclarant :

- Hélas, dans ce vaste monde, outre le ciel et moi, il existe aussi l’ignorance à qui l’on ne pourra jamais faire entendre raison !

Oui, ignorance et arrogance ne pourront jamais se comprendre, car plus on ignore, plus on est arrogant et plus on est arrogant, plus on ignore…

 

arrogance_122

 

Cette fable s’applique bien à beaucoup de relations franco-chinoises : un français ignorant face à un chinois arrogant, ou bien un français arrogant face à un chinois ignorant…

]]>
http://florent.blog.com/2010/01/06/lignorance-et-larrogance/feed/ 4
Les tripes, c’est bon ou bien c’est dégoûtant ? http://florent.blog.com/2009/12/09/tripes/ http://florent.blog.com/2009/12/09/tripes/#comments Wed, 09 Dec 2009 07:29:59 +0000 florent http://florent.blog.com/2009/12/09/tripes/ Et au XVIIe siècle, le verbe 'triper' voulait dire "fouler aux pieds" et, par extension, 'mépriser'.


心知肚明
肚量大
心肠

大肚容天下
宰相肚里能撑船

心肠好 (être gentil, sympathique)

热心肠 (être gentil, sympathique)

满腹愁肠 ("avoir le ventre plein de tripes mélancoliques tongue.gif " ==> avoir beaucoup de soucis)

酒入愁肠,化作相思泪 (L'alcool coule dans les "tripes mélancoliques", et se transforme en larmes ...)

路上行人欲断肠 (du poème "清明" linkkk : Les passants sont mélancoliques)

断肠人在天涯 (La personne mélancolique .... [comment traduire ça?])

]]>
Regardons comment les langues française et chinoise abordent cette question.
tTipes à la mode de Caen

tTipes à la mode de Caen

Les tripes sont plutôt méprisables en français :

Quand on dit de quelqu’un qu’il ne “vaut pas tripette”, on fait référence aux tripes. La tripette provient des tripes.

Et au XVIIe siècle, le verbe ‘triper’ voulait dire “fouler aux pieds” et, par extension, ‘mépriser’.

Les gastronomes de Caen ne refuseront pas de goûter quelques  tripes comme sur la photo…

Mais quelques expressions chinoises valorisent le ventre et les tripes en utilisant trois mots :

- 肠 veut dire les intestins, les tripes (on voit à gauche le composant de la chair 月(肉)

- 肚 c’est le ventre (encore le composant de la chair à gauche). Voir un billet dédié à ce mot de “ventre”

- 腹 c’est l’estomac, l’abdomen (et quel composant retrouve-t-on à gauche ?)

Voilà donc des expressions qui me donnent un peu, en tant que francais, des hauts-le-coeur…

肚量大 (grandes/quantités/tripes)  c’est quelqu’un d’ouvert, de large d’esprit. N’oublions pas que le coeur et le ventre sont, dans une vision chinoise, des organes importants pour le souffle du Qi, pour la réflexion(comme au jeu de go) et les émotions.

热心肠 (chaleureux/coeur/tripes) : être gentil, sympathique

满腹愁肠 (rempli/estomac/souci/tripes) : avoir beaucoup de soucis; être mélancolique.

酒入愁肠,化作相思泪 (alcool/pénétrer/souci/tripes, transformer/comme/penser/larmes) : L’alcool coule dans les “tripes mélancoliques”, et se transforme en larmes …

断肠人在天涯 (couper/tripes/homme/dans/ciel/confins) : La personne mélancolique, qui a le coeur brisé et se perd dans l’immensité vide ….

Et enfin un vers que nous avions vu dans un vieux poème Tang sur la fête de la toussaint chinoise :

路上行人欲断肠 (route/sur/passer/homme/désir/couper/tripes) : un passant qui a le coeur brisé

Tiens tiens, en écrivant ce billet intestinal, je me suis demandé d’où venait ce mot francais de “mélancolique” qui sonne un peu comme “colique”. Et c’est bien cela ! Selon le littré, “Mélancolique” est emprunté au Latin melancholicus (transcrivant le grec μελαγχολικός ) , il signifie : «causé par la bile noire». La colique, elle, vient du latin colicus « qui concerne le côlon, qui souffre du côlon ». Le mot latin est lui même emprunté au grec κωλικός « qui souffre du côlon ».

Alors, et vous ? Aimez vous les tripes ?
]]>
http://florent.blog.com/2009/12/09/tripes/feed/ 6
Quelques phrases de Zhang Chao http://florent.blog.com/2009/11/02/quelques-phrases-de-zhang-chao/ http://florent.blog.com/2009/11/02/quelques-phrases-de-zhang-chao/#comments Mon, 02 Nov 2009 00:37:07 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188162 张潮 Zhang Chao est un lettré chinois du XVIIe, dont la vie est peu connue, mais dont nous avons gardé un recueil d’épigrammes appelé Yumengying (幽梦影 ou l’ombre d’un rêve)

Voir en chinois un article sur l’auteur et son oeuvre.

Voici quelques lignes de lui, traduit par Lin Yutang, qui m’ont beaucoup plu.

S’il n’y avait pas de livre dans ce monde, il n’y aurait rien à dire, mais puisqu’il y en a, il faut les lire ; s’il n’y avait pas de vin, alors il n’y aurait rien à dire, mais puisqu’il y en a, il faut qu’il soit bu ; s’il n’y avait pas de montagne célèbre, alors il n’y aurait rien à dire, mais puisqu’il y en a, il faut qu’elles soient visitées ; s’il n’y avait pas de fleurs ni de lune, alors il n’y aurait rien à dire, mais puisqu’il y en a, il faut en jouir ; s’il n’y avait pas d’hommes de talent, ni de belles femmes, alors il n’y aurait rien à dire, mais puisqu’il y en a, ils doivent être aimés et protégés.

Un miroir ne devient pas l’ennemi d’une femme laide car il n’éprouve pas de sentiments ; s’il en éprouvait, il serait certainement mis en pièces.

—————————————————————

Les images dans un miroir sont des portraits en couleur, mais les images (ombres) sous la lumière de la lune sont des dessins à l’encre. Les premières sont peintes avec des contours solides, mais les images sous la lumière de la lune sont peintes “sans os”. Les images des montagnes et des eaux dans la lune sont la géographie dans le ciel et les images des étoiles et de la lune dans l’eau sont l’astronomie sur la terre.

—————————————————————

Lire des livres dans sa jeunesse est comme regarder la lune à travers une fente ; lire des livres dans l’âge mur est comme regarder la lune dans une cour ; lire des livres dans la vieillesse est comme regarder la lune sur une terrasse. Cela, parce que le profit de la lecture varie selon la profondeur de sa propre expérience.

—————————————————————

Seul celui qui est capable de lire des livres sans mots (le livre de la vie par exemple) peut dire de belles choses frappantes, et seul celui qui comprend la vérité sans mots peut saisir la plus haute sagesse bouddhiste. (…)

 Lire est la plus grande de toutes les joies, mais il y a plus de colère que de joie à lire l’histoire. Cependant, il y a de la joie dans une telle colère.

—————————————————————

 Avoir des montagnes et des vallées dans le coeur vous permet de vivre dans une ville comme dans une montagne boisée ; être attaché aux nuages transforme le continent du Sud en une île féérique.

Etre assis seul par une nuit tranquille, appeler la lune et lui dire sa tristesse ; rester seul par une belle nuit, appeler les insectes et leur dire ses regrets.

—————————————————————

Et terminons par un  bien curieux désir :

Je désire donner un jour un grand bal nudiste, pour apaiser les mânes des hommes de talents et des belles femmes de tous les âges. Quand j’aurai trouvé un moine à l’esprit élevé, alors je donnerai le bal et lui demanderai de le présider.

—————————————————————

]]>
http://florent.blog.com/2009/11/02/quelques-phrases-de-zhang-chao/feed/ 0
Temps libre http://florent.blog.com/2009/10/25/temps-libre/ http://florent.blog.com/2009/10/25/temps-libre/#comments Sun, 25 Oct 2009 09:44:30 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188147

Le temps est utile parce qu’il n’est pas employé

Le loisir est comme l’espace inoccupé dans une pièce

Shu Baixiang 舒白香 (parfois appelée Su Menglan 舒梦兰)

Poétesse 1759-1835 , vivant à Jichun au Jiangxi

chambre

]]>
http://florent.blog.com/2009/10/25/temps-libre/feed/ 0
Côme Morane, le vrai héros de tous les temps http://florent.blog.com/2009/10/08/come-morane/ http://florent.blog.com/2009/10/08/come-morane/#comments Thu, 08 Oct 2009 13:23:36 +0000 florent http://florent.blog.com/?p=5188079  

En voyant l’amusante vidéo d’un allemand qui voyage à pied à travers le nord de la Chine, mes enfants ont découvert la chanson d’Indochine « l’aventurier » ; et ils l’ont bien aimé.

 

Alors nous avons tourné pendant les vacances du  黄金周 (la « golden week » de la fête nationale), un petit film que voici en lien :

 Côme Morane, le vrai héros de tous les temps

 

 (le téléchargement risque d’être un peu long s’il est fait de France, car la vidéo est hébergée sur un portail chinois)

 ________________________________________________________

J’en profite aussi pour coller quelques lignes extraites d’un mail à nos amis :

Vacances

 

Et oui, c’est déjà les vacances ! Nous finissons aujourd’hui la huangjinzhou 黄金周, ou « golden week », une fête qui combine cette année l’anniversaire de la « nouvelle chine » (entendez la RPC ; et venez voir en quoi elle est nouvelle) et la fête beaucoup plus traditionnelle de la mi automne, le quinzième jour de la huitième lune. (Voir un poème lié à cette fête )

 

Alors nous sommes partis dans la province de l’Anhui, une province montagneuse et plutôt pauvre au sud ouest de Shanghai. Nous avons randonné sur une ancienne piste de contrebande de thé qui passe du Zhejiang à l’Anhui. Notre guide portait Blaise ! Un bonheur pour mes reins de papa fatigué. Ensuite nous avons visité des gorges mentionnées dans les traités antiques, et de jolis anciens villages épargnés par la révolcul puis par la modernisation.

 

Un week end précédant les vacances, nous avions été à Ningbo, sur la côte au sud de Shanghai, dans un hôtel sur un bout de côte un peu sauvage que m’avait signalé une amie hongkongaise. L’eau était jaune mais chaude (ou chaude mais jaune, comme vous voudrez) ; les enfants ont passé des heures dans les rouleaux résiduels d’un gros typhon qui, fort heureusement, avait changé de route à Taiwan pour se diriger vers le Japon. Sur la plage, des dizaines de mariées en robe posaient, posaient, posaient. Nous nous sommes régalés de fruits de mer parfois étranges. Nous avons observé (sans goûter) des limules, ces crustacés préhistoriques, sortes de chars d’assaut arrondis et munis d’un dard arrière impressionnant.

  

Déménagement culturel

 

Pour moi, ce déménagement est l’occasion de poursuivre les pérégrinations interculturelles commencées à Hong Kong puis développées à Paris. Les questions que je me pose me brûlent toujours autant les lèvres. En voici quelques unes, illustrées par des exemples qui n’ont certes pas valeur de réponse.  

-         Y a-t-il vraiment continuité dans le développement de la civilisation chinoise depuis plus de quatre millénaires ?

o       Pour voir un exemple de continuité

-         Héritée de Confucius et de l’antiquité chinoise, la primauté du collectif sur l’individuel l’emportera-t-elle sur les pressions de la modernité ?

 

-         Quel bilan tirer de ces années Mao ?

o       Après avoir visité une exposition d’affiches de propagande, dont une bonne partie propageait fort justement les besoins d’alphabétisation, de développement durable (et oui : « recyclez l’eau de cuisson du riz pour la donner aux porcs »), une pensée ironique m’est venue à l’esprit : 70% de mauvais et 30% de bon.

o       Dans le mauvais je vois clairement la destruction des usages et codes sociaux traditionnels. Les signes sont nombreux aujourd’hui d’un désir de les voir renaître ; Des jeunes de 30 ans expliquent qu’ils ont eux mêmes définitivement perdu ces codes (politesse, respect des anciens…), mais qu’ils veulent les « réapprendre » à leur(s) enfant(s)

 

-         La fierté chinoise d’aujourd’hui est-elle légitime compte tenu des humiliations passées et des succès récents, ou bien est-elle excessive et dangereuse ?

 

-         Sachant que les chinois sont beaucoup plus marqués par l’ethnicité que par l’idée de nation (qui n’a jamais vraiment abouti ici à mes yeux, alors qu’aujourd’hui en Occident la nation est menacée par la globalisation), peut on parler d’un nationalisme chinois ? Quel est il ?

o       Voir un papier sur la diversité et l’ethnicité

 

-         Peut-on avoir une agressivité commerciale sans agressivité politique ou culturelle ?

 

-         Et surtout : la culture chinoise à l’histoire si riche et si belle est elle toujours présente et vivante dans la vie des gens ? C’est la plus importante à mes yeux ; je suis aux aguets sur cette interrogation.

 

Ces questions me taraudent mais n’ont pas de réponse. En observant bien autour de soi, en parlant avec les gens, on voit parfois un mot ou un reflet, une petite perle qui brille faiblement et qui signifie quelque chose, dans un sens ou dans l’autre.

Si vous avez des lectures ou des idées là-dessus, je serai heureux de vous lire !

 

]]>
http://florent.blog.com/2009/10/08/come-morane/feed/ 0