La source aux fleurs de pêchers, l’eldorado Chinois
Le mythe du jardin d’Eden secret et reclus des hommes n’est pas l’unique apanage du Candide de Voltaire. Voici un poème chinois du IVe siècle de notre ère, qui m’a demandé beaucoup de travail et donné beaucoup de plaisir.
Vous pouvez voir le poème illustré en vidéo (image de synthèse), puis une proposition de traduction, puis le texte chinois et une note sur l’auteur Tao Yuan Ming.
La source des fleurs de pêchers
Une œuvre littéraire de Tao Yuan Ming (陶渊明)
Dynastie Jin (晉 : fin du IVe Siècle après JC)
Dans la ville de Wuling, pendant la période de Taiyuan (太元)
Un homme vivait de la pêche
Un jour il remonta la rivière.
Loin très loin, perdu dans le courant,
Il se retrouva à traverser
Des vergers de pêchers en fleurs
Alignés au bord de la rivière,
Rien que des pêchers.
Une odeur délicieuse embaumait,
Les pétales de fleurs voletant au hasard
Comme des flocons de neige.
Le pêcheur eut un sentiment étrange
Et décida de poursuivre son voyage
Il désirait aller plus avant, au delà.
Une fois passés les longs vergers, il remonta vers la source
Il atteignit une montagne
Dans la roche, une grotte
De la grotte, émanait un vacillement mystérieux
Comme une lumière.
Il sauta de son bateau et entra dans la grotte,
Prenant toutes ses précautions, l’esprit avisé
Il avança de dix pas ; tout s’éclaira autour de lui.
Il débouchait sur une vaste terrasse.
Un paysage aux maisons bien arrangées
Des terres fertiles, de jolies pièces d’eau,
Bosquets de mûriers et forêts de bambous,
Harmonieusement disposés.
Un dédale de chemins à travers champs,
On entendait au loin
Des poulets et des chiens
Et parmi tout cela,
Des hommes et des femmes à l’œuvre,
Vêtus d’une manière familière pour l’étranger
Jeunes et vieux ensemble, tous se mêlant dans la paix et le bonheur.
Un vieil homme sursauta en apercevant le pêcheur
Il lui demanda d’où il venait.
Le pêcheur répondit qu’il passait par là,
Le vieillard l’invita chez lui.
On mit le vin à tiédir, pluma l’oie, prépara le diner
La nouvelle se répandit dans le village
Tout le monde venait s’enquérir de la visite.
Le vieillard parla des troubles de la période Qin
De la paix retrouvée dans ce pays caché
Quand un ancêtre vint s’y réfugier avec femmes et voisins
Pour mener une vie tranquille et isolée.
Ils jouissaient de leur isolement du monde.
Le pêcheur demanda quelle était la dynastie régnante
Le vieillard ignorait l’existence de la dynastie hàn (漢)
Et encore plus celle de la dynastie Jin (晉)
Le pêcheur raconta tout ce qui s’était passé au dehors,
Tous soupiraient à chaque parole, l’air résigné.
D’autres villageois reçurent le pêcheur chez lui, et lui dirent :
« Ainsi, pas besoin de mettre les autres hommes au courant »
Au moment de partir après un si bel accueil, il rejoignit son bateau,
Reprit facilement le chemin par lequel il était venu,
Marquant délibérément des repères sur la route.
Il rejoignit la capitale
Il se rendit auprès du gouverneur,
Et lui raconta son aventure.
Le seigneur envoya des expéditions
Pour découvrir l’endroit,
Mais les hommes se perdirent, sans retrouver les repères du pêcheur.
Un noble lettré, Liu Ziji (originaire de Nanyang) eu vent de l’histoire
Avec entrain lança les recherches
Mais en vain !
Il rechercha le mystérieux pays reclus
Jusqu’à en tomber malade.
Et s’éteignit, laissant place à l’indifférence.
Le poème en forme simplifiée
桃花源诗并记东晋·陶渊明 晋太元中,武陵人捕鱼为业,缘溪行,忘路之远近。忽逢桃花林,夹岸数百步,中无杂树,芳草鲜美,落英缤纷;渔人甚异之。复前行,欲穷其林。林尽水源,便得一山。山有小口,彷佛若有光;便舍船,从口入。 初极狭,纔通人;复行数十步,豁然开朗。土地平旷,屋舍俨然。有良田、美池、桑竹之属。阡陌交通,鸡犬相闻。其中往来种作,男女衣着,悉如外人;黄发垂髫,并怡然自乐。见渔人,乃大惊;问所从来,具答之。便要还家,设酒,杀鸡作食。村中闻有此人,咸来问讯。自云:先世避秦时乱,率妻子邑人来此绝境,不复出焉;遂与外人间隔。问今是何世,乃不知有汉,无论魏、晋。此人一一为具言所闻,皆叹惋。余人各复延至其家,皆出酒食。停数日,辞去。此中人语云:「不足为外人道也。」 既出,得其船,便扶向路,处处志之。及郡下,诣太守,说如此。太守即遣人随其往,寻向所志,遂迷不复得路。 南阳刘子骥,高尚士也,闻之,欣然规往,未果;寻病终。后遂无问津者。
Note sur l’auteur :
Tao YuanMing est un grand poète taoiste qui vécut sous la dynastie Jin (晉 : fin du IVe Siècle après JC). Petit haut fonctionnaire, il est connu pour avoir rêvé d’une vie paisible à l’écart des troubles sociaux et du pouvoir. Il a prononcé une célèbre phrase avant de démissionner:
“不为五斗米折腰”
Je ne dois pas m’abaisser pour 5 dou de riz
(le 斗 dou est une mesure d’une dizaine de litres, comme le boisseau parisien)
Un grand merci à Jade, Gangounet et Liu pour leurs conseils pendant la traduction !
Comments are closed.
Franchement, c’est un très joli travail que tu as réalisé!! Bravo!!!
Merci Jade, tes précieux conseils m’ont aidé !
Tiens je colle ici le poème que tu m’as cité du même auteur ; on verra si j’ai le courage de le traduire
归 去 来 辞
陶 渊 明
归去来兮!田园将芜胡不归?既自以心为形役,奚惆怅而独悲?
悟已往之不谏,知来者之可追;实迷途其未远,觉今是而昨非。
舟摇摇以轻殇,风飘飘而吹衣。问征夫以前路,恨晨光之熹
微。乃瞻衡宇,栽欣载奔。童仆欢迎,稚子候门。三径就荒,松
菊尤存。携幼入室,有酒盈樽。引壶觞以自酌,眇庭柯以怡颜。
倚南窗以寄傲,审容膝之易安。园日涉以成趣,门虽设而常关。
策扶老以流憩,时翘首而遐观。云无心以出岫,鸟倦飞
而知还。景翳翳以将入,抚孤松而盘桓。
归去来兮,请息交以绝游。世与我而相遗,复驾言兮焉求?
悦亲戚之情话,乐琴书以消忧。农人告余以春兮,将有事乎西畴。
或命巾车,或棹孤舟。既窈窕以寻壑,亦崎岖而经丘。木
欣欣以向荣,泉涓涓而始流。羡万物之得时,感吾生之行休。
已矣乎!寓形宇内复几时?何不委心任去留?胡为惶惶欲何之?
富贵非吾愿,帝乡不可期。怀良辰以孤往,或执杖而耘耔。登东坳
以舒啸,临清流而赋诗。聊乘化以归尽,乐夫天命复奚疑?
tiens la vidéo existe aussi en bilingue chinois anglais, avec une meilleure qualité d’image et une (moins mauvaise) musique de fond :
http://www.youtube.com/watch?v=0SZ7jy_lEI8&mode=related&search=
(la vidéo est découpée en trois épisodes)
Pour le texte poétique que tu as mis ici – “归去来辞”, moi-même je ne comprend pas tous les mots ^^. Un jour je pourrai le traduire de l’ancien chinois en chinois moderne ….. Je ne traduirai pas en français (ce sera toi qui le fera ….) car ce n’est jamais suffisamment joli si c’est moi qui traduit ^^.
C’est plutôt un “桃花源记”, pas un “桃花源诗”.
Pour comprendre les poèmes de 陶渊明, il fallait lire
d’abord “桃花源记”.