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Une expression à déchiffrer

2006 février 14
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Posted by florent

En discutant avec Guyma sur ce blog, je me suis demandé si on pouvait adjoindre en Chinois les termes  无 et 孢 : vide et creux.

J’ai trouvé l’expression suivante :

无孔不入

wu2kong3bu4ru4 

 

Se dit d’une personne qui ne rate pas une occasion de faire du mal.

 

 

(source Oxford Concise Dictionnary)

 

 

 

 

On retrouve beaucoup cette expression sur google car c’est le nom d’un jeu vidéo, mais ce n’est pas très éclairant sur son sens, qui est fort intriguant à mes yeux…

 

 

Décomposons ses quatre caractères :

Son premier terme est majeur en chinois : Wu veut dire le vide, une notion sur laquelle on peut écrire des livres entiers (voir par exemple celui d’un prof de langues’O : Fan Keh-Li : le mot vide dans la langue chinoise classique)

 

 

Son second terme est le de kong fu zi, Confucius. Il veut dire « trou, creux , ouverture ».

Ensuite bu est une négation

Enfin ru veut dire comme verbe « entrer, rejoindre » et comme nom « revenu, rentrées financières ».

 

 

 

En associant bêtement les termes on obtient :

Vide trou ne pas entrer

 

 

 

En recherchant un peu on peut proposer :

Celui qui n’entre pas s’il n’y a pas d’ouverture.

 

 

 

Mais nous sommes encore loin de la traduction du dictionnaire ! 

 

 

 

 

 

J’ai bien une maigre piste mais je n’ose la suggérer : serait-ce une référence au dieu Houen Touen, autrement nommé “Chaos originel”, empereur de la mer du milieu, qui avait la particuliarité de n’avoir aucun orifice (ni oreilles, ni yeux…) ?

 

 

Houen Touen vivait tranquillement jusqu’à ce que ses amis les dieux Chou et Hou ne décident de lui percer des orifices pour qu’il puisse percevoir les choses comme tout le monde. Ils lui percèrent donc un orifice par jour, et le septième jour Houen Touen mourut.

 

 

 

 

L’histoire est relatée dans le Zhuangi, et analysée par Francois Jullien et JF Billeter. Voir d’autres posts sur Zhuangzi dans ce blog : sur l’inutile, sur le boucher Ding (post 1 et post 2), sur la manipulation, sur le jeu de go, sur le Qigong.

 

 

 

 

Ainsi j’arrive à une proposition de traduction :

 

 

“Celui qui, pressé d’agir, fait des bêtises en perçant le chaos originel”

 

 

 

 

 

 


 

Quelqu’un pourrait il m’aider en proposant un sens aux mots ?

 

 

 


 

 

 

 

 

 

21 Réponses Leave One →
  1. février 14, 2006

    PS : le dictionnaire “sunrain.net” m’a donné d’autres expressions contenant WuKong ; elles sont toutes assez obscures et je n’ai eu le courage de les explorer :

    无孢的 [wukongde] imperforate; imporous; unpunched
    无恐惧的 [wukongjude] undismayed
    无孢目 [wukongmu] Aporidea
    无孢碟殖 [wukongshengzhi] aporogamy
    无孢碳 [wukongtan] Karbate

  2. février 14, 2006

    PS2 pour Guyma :
    encore une amusette, la troisième après jiang et zeng, voici kong
    j’ai collé 孔 sur la première ligne de ce message, j’en suis certain, et lors de la publication web le caractère s’est transformé en 孢 (bao1 : spore) par la force du saint esprit informatique.

  3. Guyma permalien
    février 15, 2006

    A Florent,
    à propos de 孢et de 孔.
    Il y a un truc curieux, dans l’expression 无孔不入, qui veut bien dire ” fouiner de tous les côtés” (ce que j’ai fait ), les deux premiers termes peuvent se traduire littéralement par “aporie”. Donc “sans pore”; Et ton bizarre dictionnaire anglais a le culot de te causer “spore”! Pas de trou où il n’entre pas, ce spore! Ces p. de rosbifs vont finir par te traduire “exogamie” par “sport d’extérieur”.Un pas de plus et Kongfuzi c’est “sport de combat”. Bon, ce soir je suis d’humeur badine, je repousse à un autre moment l‘affaire de la fonction du concept et de la question de savoir si la psychanalyse peut vraiment fonctionner, dans une culture qui n’a connu le monothéisme que par la bande et Descartes que par ouï-dire. Qu’un ou une chinoise trouve à s’introduire à la psychanalyse, mon Dieu, comme aurait dit Lacan, c’est quelque chose, mais « introduire la psychanalyse en Chine »! ça c’est une idée de…Donc, en guise de commentaire je propose: 无烟不火. A moins que ce ne soit l’inverse.
    Porte toi du mieux possible!

  4. février 15, 2006

    guyma

    la traduction de 无孔不入 qui donne “fouiner de tous les côtés” nous éloigne peut être de la piste que je donnais sur une origine de l’expressions liée au Zhuangzi. Avis de recherche…

    merci pour les drôles jeux de mots entre anglais et chinois. C’est sur que les dictionnaires en ligne ont encore beaucoup de progrès à faire !
    learn chinese 2006 ne donne rien sur wukong

    quand à la psychanalyse, je partage ton appel à la prudence. une phrase m’a beaucoup choquée dans un des papiers : “la chine s’ouvre enfin au sujet”. Pourquoi enfin ! Pourquoi se soulagement dans l’impression que l’occident a mis longtemps à convaincre l’immobiliste chine de son erreur, mais enfin c’est fait !!!

    cela dit j’ai trouvé le papier de l’ENS sur la psychanalyse passionnant.

    porte toi également au mieux !

  5. Florent permalien
    février 16, 2006

    ma prof de chinois a écarté l’hypothèse de “wukongburu” provenant du Zhuangzi ; elle voit une expression plus récente, liée à l’espionnage (on perce des trous dans les murs pour espionner l’ennemi)

    d’autre part pour Francis : désolé j’ai parlé trop vite sur ton wo zhao de dao ; c’est une expression du potentiel qui est traitée dans la lecon 25 de monique Hoa (livre Jaune)

  6. Florent permalien
    février 16, 2006

    无烟不火 : pas de fumée sans feu se dit plus exactement 无风不起浪 wúfēngbùqǐlàng , je crois : il n’y a pas de vagues sans vent. L’image est plus aquatique…

    bien à toi guyma
    florent

  7. Guyma permalien
    février 16, 2006

    J’ai lu l’expression chinoise “sans le vent pas de vagues” sur notre dico de Chine nouvelle, j’ai construit l’autre su son modèle! Pour les fumeurs, ça pourrait être 无火不烟.
    Le “pas…sans” est très lacanien.Le 無 est plein de ressources!

    A propos des deux citations de Lacan par Hélène – merci Hélène!- je dirais qu’avec cet énoncé que “l’amour c’est le don de ce qu’on n’a pas” ( y inclus une dimension de l’être), nous ne sommes pas bien loin de ce que dit Saint Paul avec la Caritas (cf I Cor 13-3). Il y a avec le mode d’évidement de cette dernière quelque chose qui résonne comme le 無 de la tradition.
    Une citation en amenant une autre, j’y joins celle-ci, un peu longue peut-être, mais dont l’ in extenso difficile à éviter. Il s’est agi auparavant de la relation à l’objet d’amour dans l’éthique traditionnelle (occidentale, celle qui n’a pu empêcher l’entreprise nazie) et de ce qu’y introduit la psychanalyse: …”l’homme ne peut esquisser sa situation dans un champ qui serait de connaissance retrouvée qu’à avoir auparavant rempli la limite où, comme désir, il se trouve enchaîné. L’amour{…] ne peut se poser que dans cet au-delà où, d’abord, il renonce à son objet. C’est là aussi ce qui nous permet de comprendre que tout abri où puisse s’instituer une relation vivable, tempérée, d’un sexe à l’autre nécessite l’intervention _ c’est l’enseignement de la psychanalyse _ de ce médium qu’est la métaphore paternelle. Le désir de l’analyste n’est pas un désir pur. C’est le désir d’obtenir la différence absolue. Celle qui intervient quand, confronté au signifiant primordial, le sujet vient pour la première fois en position de s’y assujettir. Là seulement peut surgir la signification d’un amour sans limite, parce qu’il est hors des limites de la loi où seulement il peut vivre.” Ce sont les dernières lignes de la version publiée au Seuil des “Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse”( 1964)

    A bientôt!

    Guy

  8. février 17, 2006

    L’espression “sans le vent pas de vagues” figure également chez Monique Hoa dans le tome 2. je crois que c’est un idiome. Ta dérivation serait surement comprise par des chinois ! (qui sont souvent fumeurs d’ailleurs)

    merci pour ta citation de lacan et ton rapprochement à saint paul, je laisse hélène rebondir dessus en avouant mon fort intérêt mais mon entier “vide de connaissance” !

    je te pose juste une question Guyma, une question qui me taraude depuis quelques années mais sur laquelle nous parlerions beaucoup mieux autour d’une bière que sur ce blog :
    - la psychanalyse n’est elle pas une cure occidentale à un mal occidental : se raccrocher à un père créateur pour accepter son existence ?
    - un chinois aura t il ce besoin ou serait il plus serein à l’idée d’avoir été concu par le vide?

    a+
    florent

    ps : ta référence à st Paul est sublime; je la recopie pour nos “co-lecteurs” :
    cor 13-3 :
    Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes
    Quand je livrerais mon corps aux flammes
    Si je n’ai pas la charité, cela ne me sert de rien.

    (j’ajoute le verset 13-1 sur ce blog qui porte en ses gènes l’illusion d’entrer dans une autre culture

    cor 13-1
    Quand je parlerais les langues des hommes et des anges,
    Si je n’ai pas la charité, je ne suis plus qu’airain qui sonne ou cymbale qui retentit…
    )

  9. Guyma permalien
    février 17, 2006

    La psychanalyse est un symptôme occidental. Lacan a eu la prétention d’en réunifier le champ et d’apporter les outils théoriques permettant de s’y repérer formellement. Donc éventuellement utilisables par des extra occidentaux si cela va dans leur mouvement. La prétention, elle exorbitante, d’exporter la 弗洛伊德的神析法, me paraît quelque chose de vaguement écœurant pour tout te dire. A croire que les psys ont fait de leur symptôme une maladie et qu’ils la veulent transmissible. Une MST quoi!Un contresens, littéralement.Mais ils auront certainement du succès! Leurs noms figurent déjà sur les affiches!

  10. Anonyme permalien
    février 17, 2006

    Que “dex nihilo, rien ne s’y crée que du signifiant” est à prendre comme point de départ de ce qui peut s’tresser.

  11. Guy permalien
    février 17, 2006

    désanonymation!

  12. février 17, 2006

    汗毛孔, ce sont les pores de la peau

  13. Guy permalien
    février 17, 2006

    汗毛孔,on errera entre pores. De glandes sébacées ou sudoripares. Peaux humides et poils luisants. Sont-ils beaux après l’amour! Voilà un j’anti-comment-taire.
    Ce qui s’tresse, voilà l’existence.Quand ça s’tresse bien sûr ou qu’ça s’destresse. Hein?

  14. Guy permalien
    février 17, 2006

    Le cri de destresse de Munch, on l’a volé!
    Oui, le papier de Rainier est admirable de justesse.

  15. février 19, 2006

    Pour rejoindre le joli terme d’”évidement”, employé par Guyma, avec un seul M et pas deux, je suis tombé hier sur un autre passage de st paul, dans l’épître aux philippiens (II, 6-11) :

    “Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes.”

    phrase étonnante : il s’anéantit lui même.

    ps : content que le papier de rainer t’ait plu !

    ps2 : je préfère la traduction ci dessus (Bible de Jérusalem) à celle du Nouveau Missel :

    “Le Christ est l’image de Dieu ; mais il n’a pas voulu conquérir de force l’égalité avec Dieu. Au contraire, il s’est dépouillé, devenant l’image même du serviteur et se faisant semblable aux hommes.”

  16. Guy permalien
    février 19, 2006

    L”incarnation” introduite par le chritianisme fait surgir un signifiant nouveau difficilement -voire pas du tout – intégrable par les autres monothéismes. Il peut être complètement imaginarisé dans son propre champ. C’est ce que la psychanalyse détecte en l’articulant comme castration. Irrecevable sans avoir fait un bout de trajet dans l’analyse. Il advient alors, non que des solutions apparaissent, mais des articulations précises en termes topologiques: voisinages, recouvrements, ce qu’il advient du trou dans un trou…

  17. Guy permalien
    février 19, 2006

    L’emploi du prénom isolé de Rainier Lanselle, n’a , je précise, aucune signification de familiarité avec l’homme, que je ne connnais pas. Je découvre son article grâce à toi et je t’en sais gré. Simplement, au moment où j’écrivais ce commentaire, les conditions “environnementales” m’interdisaient toute possibilité de vérifier l’”orthographe du patronyme” dont je n’était pas très sûr!

  18. Guy permalien
    février 19, 2006

    Un “j’anti-comment-taire”. T’enlèves les tirets, c’est du Joyce!

  19. Guy permalien
    février 19, 2006

    Quand j’emploie le terme de MST ci-dessus, c’est sublimèe, bien entendu, qu’il faut l’entendre! Les psys dont je parle ne connaissent que ça d’ailleurs, la sublimation! C’est pourquoi les petits fantasmes pervers qui la sous-tendent, ladite sublimation, se voient comme nez au milieu de la figure. Et il vaut mieux porter les lunettes de Dupin, quand on les regarde. Par simple charité , bien entendu.

  20. février 19, 2006

    je précise juste que je ne connais pas plus le dénommé rainier que toi ; je l’ai rencontré par hasard en tapant “lacan chinois” sur google, une recherche intéressante.

    effectivement je n’ai pas suffisamment pratiqué l’analyse pour percevoir ce qu’il y a de castration dans l’incarnation du christ. Mais cela ne me manque pas outre mesure à vrai dire; je chercherai peut être dans cette voie un jour…

  21. Guy permalien
    février 19, 2006

    J’ai écrit incarnation. Point!
    Le reste par mail, tu l’imprimeras et/ou le poubelliseras!

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