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The retreat of the elephants Mark Elvin 7/10

2006 avril 3
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Posted by florent

Alors que je me débattais pour comprendre l’origine du caractère chinois “éléphant”, un ami sinologue m’a prêté ce livre très intéressant, publié par Yale university press (en anglais). C’est une Histoire de l’environnement en chine.

Je décrirai ici la trame du livre, en me concentrant particulièrement sur le chapitre 2, celui sur les éléphants.

 

Le livre couvre 4 millénaires d’histoire écologique, en insistant plus sur le dernier millénaire, en raison de l’abondance des sources disponibles.

L’auteur vit en Australie, il est historien sinologue. Il a surtout étudié l’histoire et la géographie, les coutumes locales, la poésie, les systèmes de pensée et représentations sur la nature, la démographie locale, l’hydrographie.

La question posée vise à cerner le rapport chinois à la nature et son évolution, en identifiant ses particularités.

Le livre est organisé en trois grandes parties : d’abord une introduction par thèmes qui pose des bases : la retraite des éléphants face aux avancées des hommes (voir ci dessous) ; la déforestation, les contrôles hydrauliques. Quelles en ont été les implications et interactions avec les modèles économiques et sociaux ?

La seconde partie se concentre sur trois contextes très locaux : le Jiaxing (côte centre-est), le Guizhou (intérieur sud ouest), le Zunhua (au nord ouest). Dans le premier cas, l’auteur montre l’organisation des petites communautés rurales en compétition, et l’impact sur l’environnement. Dans le second, il explore l’impact de la colonisation des Han. Dans le troisième, il décrit une région peu développée mais dans laquelle l’espérance de vie est élevée, il analyse cette corrélation négative.

La troisième partie est sans doute la plus intéressante ; je ne l’ai pas encore lue et je reviendrai faire un post si elle m’inspire. Elle traite des perceptions: comment les chinois comprennent ils leur cadre naturel ? Quelles valeurs lui donnent-ils ?


Mais je voulais dans ce billet reparler des éléphants. Le second chapitre de la première partie leur est consacré , sous le titre Eléphants contre humains : la guerre de trois mille ans.

Il y a 4000 ans, il y avait des éléphants autour de Pékin et sur la plupart du territoire de la chine. Vers 900 av JC ils étaient déjà absents du nord de la rivière Huai (entre fleuve jaune et yangtse). 1500 ans plus tard, sous les Tang, leur territoire n’est plus qu’au sud du yangtse, Après l’an mille (Dynastie Song), ils sont sur la côte sud et au sud de la rivière des perles. Au XVIe Siècle (Dynastie Ming) ils se cantonnent à la région de Canton et au sud du Yunnan. Aujourd’hui il en reste très peu à l’extrême sud du Yunnan (dans la région subtropicale du Sichuanbana).

Elephant en bronze (Dynastie Shang)

 

Leur histoire est donc celle d’un lent reflux vers le sud, au rythme de la progression de la civilisation chinoise Han venue du nord. Le rafraîchissement climatique a joué, mais selon l’auteur l’incompatibilité entre paysannerie chinoise et mode de vie de l’éléphant constitue le premier facteur de cette longue retraite.

Nous trouvons ainsi dans le texte des citations d’ouvrage anciens, tel le Mencius qui parle des mauvais rois (Zhou4) qui laissent proliférer l’éléphant, et des bons rois (le roi Wu de Zhou) qui le refoulent. On retrouve ensuite une belle description des rogues (éléphants solitaires pris de crises d’agressivité) dans le traité du Huainanzi.

Pour repousser l’éléphant, des techniques de chasse étonnantes ont été élaborées. Par exemple des palissades construites par les villageois, avec lesquelles ils encerclent le troupeau d’éléphants sur une colline. Il ne reste alors plus qu’à s’infiltrer discrètement dans l’enclos et couper les arbres sur la colline. Exposés au soleil et sans ombre, les éléphants meurent en trois jours. Une technique qui me rappelle les enseignements du Sunzi

La trompe d’éléphant rôtie était un mets raffiné au Ve siècle de notre ère dans le grand sud (XunZhou et LeiZhou) ; on y appréciait son goût similaire à celui du cochon de lait. 

Les éléphants ont parfois été utilisés en temps de guerre : dans les temps anciens, on les faisait charger l’ennemi en les excitant avec des torches. En 1388, le rebelle Si Lunfa mobilisa une armée de 300 000 hommes et une centaine d’éléphants (qui étaient cuirassés et montés) pour attaquer Dingbian (au sud ouest)

Des systèmes de taxes sur l’ivoire sont décrits dans des textes avant l’an mille de notre ère. Ils servaient à réguler la chasse. Mais très peu de domestication par les chinois n’a pu être prouvée, à part peut être lors de la très ancienne dynastie Shang. Par contre les minorités du Sud (Yunnan), ont depuis longtemps domestiqué la bête, pour transporter le riz et le bois. On raconte que des éléphants domestiques du Yunnan auraient spontanément sauvé leur village en chassant des pillards avec des troncs d’arbres tenus dans leur trompe.

Dans un rapport du XVIIe siècle, dont Mark Elvin invite à s’inspirer avec précautions, Xie Zhaozhe décrit les éléphants de la cour des Ming, des éléphants importés du Sud, comme étant remarquablement bien dressés : Quand la cour se réunissait, une haie d’éléphants se placait immobile, trompes croisées, bloquant ainsi totalement l’accès au palais. Ils se plaçaient et se retiraient au son d’une cloche. 

Si un éléphant de cour se tient mal ou blesse quelqu’un , il recoit par ordre impérial la bastonnade. Deux autres éléphants entourent leur trompe autour de ses pattes avant, le forçant ainsi à s’agenouiller pour recevoir le châtiment qui lui est dû.

L’intelligence formidable de l’éléphant a été appréhendée très tôt: certains textes mentionnent le pachyderme comme plus intelligent que bien des hommes. Une remarque personnelle me vient : cette idée rejoint celle du renard comme être supérieurement intelligent (voir les chroniques de l’étrange de Pu Songling), une reconnaissance qui me semble différencier la Chine de l’Occident. Je ne crois pas avoir lu en occident des descriptions d’animaux qui soient jugés plus intelligents que l’homme.

Je n’ai qu’un regret sur ce chapitre : qu’il ne traite pas de l’origine du caractère xiang, compte tenu du cadre historique qui est très bien posé sur l’éléphant en Chine.

Sinon le livre est très intéressant, dans un style bien clair, et sur un thème original à mes yeux ; je n’avais jamais lu sur l’histoire environnementale de la Chine !

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