Mandchourie
Je recommande à qui passe par ici la lecture du numéro de septembre de National Geographic.
Le dossier sur la Mandchourie est passionnant : 30 pages pour comprendre que la Chine n’est pas qu’un gigantesque miracle économique comme ceux de Shanghai ou Ningbo.
On saisit d’abord comment cette région située au nord de Pékin se trouve liée par son histoire à la Russie, à la Corée du Nord, et par un passé récent mais triste au Japon (voir la joueuse de go).
La région a eu son heure de gloire pendant l’ère communiste, mais subit une très brutale régression depuis 30 ans. Il y subsite des activités poussiéreuses mais loin d’être mortes pour le pays : acier , charbon, pétrole, industrie lourde. Une photo frappante montre un salon de beauté au mur duquel pend un gigantesque poster d’un puits de pétrole
Bâtiments et pollution restent, mais aide sociale et emploi sont morts.
Les récits de résistants qui refusent d’évacuer leur « cité modèle » vouée à la démolition sont pathétiques. Et ce ne sont pas des cas isolés : sur les 31 millions d’ouvriers qui ont perdu leur emploi en chine entre 1998 et 2003, un quart vit dans le nord est de la Chine. La pauvreté urbaine est terrifiante. On lit par exemple l’histoire de Li Zhongxu, de ShenYang :
“âgé de 41 ans, ce réparateur de machines a perdu, en 2001, son emploi à l’usine lainière N°3. Sa femme, Liu Yaqin, avait déjà été licenciée quatre ans plus tôt d’une usine pharmaceutique pour avoir enfreint la loi interdisant d’avoir plus d’un enfant. En effet, après avoir donné naissance à une fille, elle avait décidé de garder son second enfant, un fils. Après avoir longtemps bénéficié des aides sociales de la région, la famille subsiste aujourd’hui avec une allocation mensuelle de moins de 15 euros. Et l’immeuble ou Li a vécu toute sa vie est promis à la destruction pour faire place à un ensemble résidentiel. Li et Liu font de la résistance.”
Les trois provinces de la mandchourie comptent 107 millions d’habitants, mais reçoivent ensemble moins d’investissements étrangers que la seule ville de Shanghai.
On visite quelques signes de modernité, comme ce centre d’appels à Dalian, qui vend des portables par téléphone, dans la langue de l’ancien occupant, de l’autre côté de la mer de Chine. Dalian connaît effectivement un fort développement en technologies de l’information.
L’article ne mentionne que des révoltes individuelles face à la crise. Aucun mouvement collectif n’est évoqué, alors qu’il y en a régulièrement. Notons cette conclusion qui reste optimiste dans l’article : « La facon dont les dirigeants chinois traiteront Wang et tous ceux qui ont perdu logement et emploi sera déterminante pour la réussite du redressement économique du Nord Est ».
Alors que le monde rural, même dans les endroits les plus reculés comme le Guizhou, bénéficie du développement du pays ; je me demande souvent comment cette région du Nord est chinois va s’en sortir pour tenir jusqu’à la disparition d’une « génération sacrifiée ».
Un très bon article, avec comme d’habitude de magnifiques photos.