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Prendre une biture après matines

2007 mars 4
Posted by florent

Voici un billet à la fois étymologique et éthylique

Commençons par une petite vidéo maison pour expliquer ce qu’est une biture, à l’aide de la comptine “Après matines

 

Après matines, un tout petit moinillon
Dans la cuisine, s’en vint faire un réveillon
Il but chopines, et s’en revint carillon

(Mon 3e fils est le moinillon, ma fille et ma femme chantent avec moi)


D’où vient le terme de biture, et comment dit on cela en chinois ?

Voilà une expression qui nous vient de la marine.
Officiellement, la ‘biture’ (qu’on écrit aussi très rarement ‘bitture’, puisque le mot est issu de ‘bitte’, celle d’amarrage) est la longueur de la chaîne de l’ancre qui est disposée en zigzag sur le pont de manière à ce que, au moment du mouillage, l’ancre puisse filer le plus rapidement et librement au fond.

Mais quel lien entre la biture et le fait de boire de l’alcool au point d’en être complètement soûl, me direz-vous ? Eh bien il y a deux manières de relier les deux.
La première, c’est par simple analogie entre la disposition de la biture sur le pont et la trajectoire pour le moins zigzagante de celui qui marche alors qu’il s’est pris une muflée de derrière les fagots.
Pour la seconde, on peut supposer que, lorsque la (véritable) biture a correctement filé, c’est probablement que le marin est arrivé au port, et qu’il peut donc se permettre d’y ripailler et aussi d’y boire à volonté. Ce lien est renforcé par la première signification métaphorique de ‘biture’.
En effet, à l’origine, ce sens imagé de ‘biture’ désignait un repas copieux, en 1825. Puis, un peu après la moitié du XIXe siècle, il désignait une forte dose de spiritueux.
Ce n’est qu’à partir de 1888 que le mot est attesté dans la langue générale en tant que ‘cuite’, mais il semble qu’il était employé comme tel auparavant dans certaines régions de l’Ouest de la France où les gens sont réputés pour avoir une bonne pratique du lever de coude.

Merci à expressio.fr


En chinois le mot saoûl s’écrit et se prononce zuì. Il contient à gauche l’amphore de vin et à droite le soldat (origines militaires également : soldats de tous les pays ; unis dans la biture !)

Et voici quelques expressions chinoises dans ce domaine :

一醉方休: un – ivre – et puis – arrêter –> On n’arrête pas avant de se saouler.

不醉不归: ne pas – ivre – ne pas – rentrer –> On ne rentre pas à la maison sans s’être saoulé.

酒逢知己千杯少: alcool – rencontrer – confident,e; la personne avec qui on se comprend très bien – mille – verre – peu –> Si on rencontre un bon ami, même mille verres ne sont pas suffisants.

今朝有酒今朝醉: aujourd’hui – il y avoir – alcool – aujourd’hui – ivre: si on a de l’alcool aujourd’hui, on se saoule aujourd’hui (ne pas penser aux soucis de demain).

烂醉如泥: Il s’affale comme un tas de boue (il a pris une cuite)

酒糟鼻子 le nez qui a la couleur de l’alcool


Même s’ils n’avaient pas accès à l’absinthe comme Degas ou Van Gogh, les poètes et artistes chinois ont souvent chanté leur ivresse. Particulièrement Libai 李白 : voir un exemple de poème à boire sur ce blog

Et voici pour finir un autre poème de Libai sur les libations :

(je ne suis pas du tout sûr de la qualité de cette traduction trouvée sur un forum)

李 白

將進酒


君不見, 黃河之水天上來,


奔流到海不復回?


君不見, 高堂明鏡悲白髮,


朝如青絲暮成雪? 人生得意須盡歡,


莫使金樽空對月, 天生我材必有用,


千金散盡還復來。


烹羊宰牛且為樂, 會須一飲三百杯。


岑夫子! 丹丘生!


將進酒; 君莫停。


與君歌一曲, 請君為我側耳聽。


鐘鼓饌玉不足貴, 但願長醉不願醒。


古來聖賢皆寂寞, 惟有飲者留其名。


陳王昔時宴平樂, 斗酒十千恣讙謔。


主人何為言少錢? 徑須沽取對君酌。


五花馬, 千金裘。


呼兒將出換美酒, 與爾同消萬古愁

————————————–
Chanson à boire de Li Bai

Seigneur, ne voyez-vous donc point les eaux du fleuve Jaune ?
Elles descendent du ciel et coulent vers la mer sans jamais revenir.
Seigneur, ne regardez-vous donc point dans les miroirs qui ornent votre noble demeure,
Et ne gémissez-vous pas en apercevant vos cheveux blancs ?

Ils étaient ce matin comme les fils de soie noire,
Et, ce soir, les voilà déjà mêlés de neige.
L’homme qui sait comprendre la vie doit se réjouir chaque fois qu’il le peut,
En ayant soin que jamais sa tasse ne reste vide en face de la lune.

Le ciel ne m’a rien donné sans vouloir que j’en fasse usage ;
Mille pièces d’or que l’on disperse pourront de nouveau se réunir.
Que l’on cuise donc un mouton, que l’on découpe un bœuf, et qu’on soit en joie ;
Il faut qu’ensemble aujourd’hui, nous buvions d’une seule fois trois cents tasses.

Les clochettes et les tambours, la recherche dans les mets ne sont point choses nécessaires,
Ne désirons qu’une longue ivresse, mais si longue qu’on n’en puisse sortir.
Les savants et les sages de l’Antiquité n’ont eu que le silence et l’oubli pour partage ;
Il n’est vraiment que les buveurs dont le nom passe à la postérité.

3 Réponses Leave One →
  1. mars 9, 2007

    Ton humour me fera toujours autant rire ! Et bravo au petit moinillon !
    Je voulais aussi te signaler un excellent blog de voyage (j’ai pensé à toi qui aimes tant Hong-Kong, mais aussi le Japon, la Chine, l’Indel…), je ne sais où laisser le lien, je le donne donc ici, à tout hasard :
    http://www.route-des-indes.net/

  2. florent permalien
    janvier 8, 2008

    Et d’où vient le mot “alcool” ? curieusement il vient de l’arabe : al-kuhul, qui était une fine poudre métallique utilisé pour se maquiller les yeux. Kahala signifiait “teindre, peindre”. Le sens s’est élargi de celui d’un cosmétique en poudre à toute substance subliminée, l’essence de quelquechose.

  3. mars 11, 2009

    thanks for sharing!

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