Adieu pays je t’aimais bien ………….. Civilisation, quand tu nous tiens !
Autant prévenir tout de suite : ce billet risque d’être un peu pénible car il traite de grandes idées, en particulier de celle de civilisation.
Il fait suite à ce billet qui posait la question : « la culture déforme-t-elle l’homme ? » et à celui de la culture selon les cultures.
Partons d’une conversation avec un ami à Singapour sur le livre de Samuel P. Huntington, le choc des civilisations.
Un livre qui commence déjà à dater ; mais dont je retiens l’idée que les pays furent longtemps des entités tracées à la règle dans une logique de partage du monde par les puissances coloniales. Après la guerre froide et l’effondrement du bloc communiste ; ces entités « pays-nation » s’effritent au profit de territoires d’influence, parfois plus grands et parfois plus petits que les pays ; les principales questions correspondant désormais à des enjeux de civilisations.
Les civilisations sont plus marquées par la culture et la religion que par la nation au sens politique ou idéologique.
Fort de cette discussion il y a quelques mois ; j’ai ruminé en mon for intérieur cette idée qu’il fallait appréhender les questions internationales sous l’angle des civilisations. Je regarde les conflits commerciaux américano-chinois, par exemple, comme des écarts entre civilisations plutôt que des tensions entre pays.
Je ne sais pas pourquoi, mais cette idée était réconfortante pour moi ; comme si des civilisations étaient nécessairement respectables ; et qu’elles ne pouvaient s’affronter comme des pays ? J’y voyais naïvement quelque chose de plus souple, de plus civilisé justement que ces pays qui ne veulent pas dire grand-chose pour moi aujourd’hui. La campagne présidentielle à venir me laisse absolument de marbre, bien malgré moi.
La définition de wikipedia est pour le moins rassurante, posant la civilisation comme le simple aboutissement du progrès de la culture :
Le terme civilisation – dérivé indirectement du latin civis signifiant « citoyen » par l’intermédiaire de « civil » et « civiliser » – a été utilisé de différentes manières au cours de l’Histoire. Il a en français trois grandes acceptions :
- la civilisation, dans l’acception la plus courante, est le fait de civiliser, c’est-à-dire de porter une société à un niveau considéré comme plus élevé et plus évolué, et c’est, par métonymie, l’état atteint par cette société évoluée. Cette acception inclut une notion de progrès. Elle s’oppose à barbarie, sauvagerie.
- la civilisation, c’est aussi l’ensemble des traits qui caractérisent l’état d’évolution d’une société donnée, tant sur le plan technique, intellectuel, politique que moral, sans porter de jugement de valeur. À ce titre, on peut parler de civilisations au pluriel et même de civilisations primitives.
- l’état auquel sont parvenues quelques cultures dans l’histoire de l’humanité.
La civilisation serait ainsi un état abouti de la culture, voire même des cultures. Quand on pense aux conversions de chrétiens à Rome dans les premiers siècles de notre ère ; on peut penser que la culture juive rencontre la culture romaine (romulus et rémus ; panthéon romain) sous l’égide de la civilisation romaine.
Et depuis quelques jours je me pose une question :
Cette question s’est posée en parcourant un rapport de l’Unesco, justement sur notre thème : les civilisations dans le regard de l’autre.
En voici un bref extrait :
Finalement, il nous faudra sacrifier le postulat largement répandu selon lequel les civilisations sont nécessairement bonnes. Les civilisations, en général, surexploitent leur environnement, souvent jusqu’à la limite de l’autodestruction. Dans certaines conditions — notamment dans certains environnements, où il s’agit de la survie elle-même — la civilisation est une stratégie risquée, voire irrationnelle.
En prendre conscience ne nous condamne pas à l’appauvrissement, au contraire, cela nous aidera à survivre. Les exemples des civilisations passées dont nous admirons aujourd’hui les ruines, et qui s’étaient condamnées par des programmes de transformation de l’environnement d’une ambition démesurée, sont là pour nous mettre en garde contre la répétition de leurs erreurs.
On peut évidemment se poser la question de la civilisation universelle, mais je dois dire qu’elle m’inspire peu.
Puis cet après midi ; je lisais ce bel ouvrage de Jean Guéhenno : «Journal d’un homme de quarante ans ». Le livre a été écrit peu après la première guerre mondiale. C’est une réflexion sur sa vie « au milieu du gué », et il aborde le thème de l’Europe, ce « pacage des bêtes apprivoisées et des hommes civilisés » qui vient de s’entredéchirer à Verdun.
Dès qu’elle le peut, la civilisation nous passe son carcan au cou. Nous n’avons plus qu’à marcher droit. Bon gré mal gré, nous sommes à ses ordres, nous ne grandissons que pour la servir. Elle écrit en nous sa leçon comme un pédant au tableau noir, après avoir tout effacé. Le premier article en est que les vrais civilisés sont ceux qui la récitent le mieux, y compris quelques pataquès immémoriaux.
La phrase que je préfère ; c’est « nous ne grandissons que pour la servir ». C’est vrai !
D’accord je suis français ; européen même ; mais je ne suis pas que cela.
Attaché à une civilisation mais attiré par une autre , voilà ma situation.
Sur ce je pars en Bretagne, vous souhaitant de joyeuses pâques !
Excellente analyse, je te laisse visualiser cette page rédigée par mon compagnon de voyage à propos d’un ouvrage traitant de l’identité.
http://reve-europe.blogspirit.com/archive/2006/04/28/identite-interculturel.html
Yvouche du chinatown
l’article de michel est super ! une grande conversation sur l’identité avec un ami a fini dans la douleur ; je l’accusais de projeter des éléments de sa civilisation (notamment des droits de l’homme) dans la notion d’identité. Ainsi il y avait un certain nombre de prérequis à l’identité. Comme le dit michel ; elle est unique !
merci yvouche et à bientôt autour de quelques jiaozi