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Ni préjugés ni Vérité ?

2007 juillet 3
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Posted by florent

Ne cherchez pas la vérité

Seulement n’ayez pas de préjugés

不用求眞

唯須息見

source : L’esprit du Ch’an, aux sources chinoises du Zen, par Taisen Dechimaru. Ce livre est un commentaire des poèmes du shin jin mei (ou xin4 xin1 ming2 信心銘 en chinois), l’oeuvre de maître Sosan qui fut le troisième patriarche Chan.

 

 

10 Réponses Leave One →
  1. Liu permalien
    juillet 3, 2007

    J’aime beaucoup cette maxime, elle est mienne !! Mais…je n’arrive pas à traduire le dernier hanzi, je ne le trouves pas… : 不用永眞= bu yòng yǒng ???.
    我伸手. 谢谢. :(

  2. florent permalien
    juillet 4, 2007

    Ce dernier caractère 眞 zhēn est une variante de 真 zhēn vrai. Attention, la phrase est en chinois ancien, donc difficile à traduire sauf si on a de bons dictionnaires ;-)

  3. juillet 8, 2007

    Je ne suis pas d’accord avec les options prises par cette traduction, pour plusieurs raisons

    . La parti de traduire un proverbe unique en deux phrases qui sont liées par une relation de conséquence fait perdre l’énergie du proverbe, et affadit l’oxymore qu’il contient
    . L’utilisation du terme de vérité est toujours sujet à controverse dans les traductions du chinois. Si on peut admettre qu’il y a en chine une notion de vérité qui se rapproche parfois de l’aletheia grecque, il s’agirait de tao, et non de zheng, qui comme vous le dites signifie plutôt rectitude, conformité à la règle, à ce qui est droit.
    . L’idée convoyée par cette traduction est « politiquement correcte » (« chacun sa vérité », « ne pas avoir de préjugé », comme si il était possible que notre connaissance finie et émotive produise autre chose que des préjugés), et donc simpliste. En tout état de cause éloignée de la finesse habituellement contenue dans les proverbes.

    A lire le chinois, il me semble que nous avons trois signifiants
    . Le bu yong, convoie l’idée « qu’il n’est pas nécessaire de »
    . le yong, celle d’éternité dynamique, de mouvement circulaire.
    . le zheng celle de conformité à la règle.

    Elle me rappelle l’histoire suivante, contée chez Han Fei, un penseur légiste.

    Un riche propriétaire avait vu un mur de sa maison s’écrouler par suite de pluies torrentielles. Indiquant la brèche, son fils lui dit :
    « Il faut la boucher au plus vite, sinon, des voleurs entreront à la faveur de la nuit »
    Un vieil homme qui habitait à côté de chez lui ayant remarqué la brèche, l’avertit de même :
    « Si vous ne réparez pas le mur, les voleurs pénétreront chez vous lorsqu’il fera nuit noire »
    Et c’est ce qui arriva en effet la nuit même. Là dessus, le propriétaire vanta beaucoup l’esprit de son fils qui, disait il, était d’une prévoyance étonnante tandis qu’il soupçonna son voisin d’être l’auteur du forfait.

    Un juge chargé d’instruire la plainte du propriétaire qui n’appliquerait pas le proverbe qui nous intéresse conclurait rapidement que le propriétaire a raison. Celui qui appliquerait le proverbe se demanderait si le fils a besoin d’argent, chercherait des indices qui pour accuseraient une tierce personne, …
    Si de telles indices lui faisaient défaut, tenu de juger en droit, il statuerait probablement contre le voisin à la faveur des témoignages de ceux qui l’auraient entendu remarquer la brèche dans le mur.
    Il me semble donc que ce proverbe met plutôt en valeur la tension entre l’équité et le droit dans un jugement. Comment être certain que l’on juge de façon équitable ? Comme on en est jamais certain, est il satisfaisant de juger en droit ?
    Même si elle est beaucoup moins claire, j’aurais donc plutot tendance à proposer une traduction telle que « n’ayons pas toujours de règles de jugement », ou encore « acceptons parfois ne pas voir la vérité »

  4. Liu permalien
    juillet 8, 2007

    L’utilisation du mot “vérité” semble en effet controversée et compliquée en chinois. Zhen 真 n’aurait pas le sens de “rectitude”, et sa traduction serait malheureusement souvent erronée du fait de sa forme moderne qui ressemble à Zhi 直 “droit”.
    Voici ce que dit le sinologue allemand Heiner Roetz à propos de Zhen 真: “Apart from its weaker adverbial use as ‘really,’ Zhen in the classical texts designates the ‘true’ in the sense of the original and unforged – for example, an original of a tripod (Hanfeizi 23) – or, in more accenuated form, the genuine and authentic. The Zhuangzi speaks of ‘true nature’ (9) and ‘true knowledge’ (6), the Hanfeizi of ‘true Confucians and Mohists’ (50). In these and similar expressions, the reference is to the ideal conception of something, be it in a conventional or in a non-conventional normative sense.”

    “In this usage, Zhen does not merely refer to something as being in accord with its standard. It means – above all in the Zhuangzi – in hypostasis the TRUE itself, as nature or as the unadulterated individual physical life. Zhen thus functions as a normative natural alternative to the claim of mere conventions…”

    “Zhen does not refer to propositional truth, but to concepts or, in hypostasis, to ‘The True’ as a normative ontological entity.”

    Je propose :
    “La notion d’absolue vérité n’est pas nécessaire”
    ou
    “L’absolue vérité n’est pas nécessaire”
    ou encore
    “la vérité absolue n’est que futilité”
    ???

  5. juillet 9, 2007

    Edouard et Liu, merci pour vos commentaires éclairants et stimulants à la fois.

    Précisons que la traduction est de l’auteur japonais, qui a écrit son livre en français je crois.
    Tout à fait d’accord pour dire que la traduction en deux phrases verbales fait perdre à l’expression sa densité et son mystère, mais la logique de notre langue n’impose-t-elle pas cette déperdition ? Est il possible de rester à la fois fidèle et intelligible en une phrase ?

    Il faut distinguer vrai et vérité.
    Mon dictionnaire donne les traductions suivantes pour vérité, en chinois moderne :
    真理 zhēnlǐ;
    理 lǐ;
    实话[實話] shíhuà;
    谜底[謎-] mídǐ;
    实情[實-] shíqíng;
    真话[-話] zhēnhuà;
    真际[-際] zhēnjì;
    直理 zhílǐ;
    至理 zhìlǐ

    On remarque d’abord l’absence du永 (éternité) dans ces définitions modernes, et l’omniprésence du li3 理, notion universelle d’ordre des choses plutôt néoconfucéenne je crois (sous les song, avec zhuxi par exemple). C’est cette notion en chinois moderne qui permet de passer du vrai 真 à l’idée de vérité 真理. Je ne sais pas si l’on employait 真理 en chinois classique avant les song

    Il y a quelques traductions étonnante pour la vérité : ‘parole de réalité’ (实话) ou bien ‘sentiment du réel’ (实情). Citons encore la ‘frontière du vrai’ (真际). La plus étonnante est le ‘fond du mystère’ (谜底, sachant que谜 est fait d’une « parole » et de « perdu » et désigne une énigme).
    J’aime beaucoup cette dernière définition qui donne le chemin de la vérité plutôt que de la donner pour elle-même ! Elle me fait penser au fond du lac du laozi :

    Le bien suprême est comme l’eau,
    Bénéfique à tous et rivale de rien
    Elle repose aux bas-fonds dédaignés des hommes
    Elle est tout proche du tao.

    Revenons à notre phrase, dont je me sens bien incapable de percer le mystère ! Il faudrait retrouver une traduction francaise du shin jin mei pour avoir d’autres éclairages professionnels sur la phrase.
    J’ai recherché google avec l’expression exacte不用永眞, et il n’y a que cet humble blog qui en parle. Avec l’expression不用永真 on ne trouve qu’un résultat (dans trois pages) : 不用永真循环. Remarquons les deux mots 循环.qui signifient « circuler, cycle » (littéralement suivre l’anneau, se conformer au cercle).
    Je n’ai pas essayé en chinois traditionnel mais je crois que google ne fait pas la différence.

    Mes recherches ont un peu donné : voir cette traduction (qui me semble très « occidentalisée ») sur un site bouddhiste suisse : http://www.bouddha.ch/shinjinmei.htm

    N’essayez pas de chercher la Vérité,
    Cessez simplement de vous attacher à des opinions.

    (la suite de ce dixième verset :
    Ne vous attardez pas dans le dualisme,
    Evitez avec soin de le poursuivre.
    Aussitôt que vous pensez en bien et en mal
    La confusion s’ensuit et l’esprit est perdu.)

  6. juillet 9, 2007

    une autre traduction : Ne cherchez pas la vérité,

    Seulement, n’ayez pas de préférences (attraction/répulsion).

    (source http://nondualite.free.fr/c_shinjinm.htm )

  7. juillet 9, 2007

    Même wikipedia ne connait pas le shin jin mei (ni en francais ni en anglais. Seul le site allemand en parle)
    mais je viens de découvrir le nom chinois de l’oeuvre : Xinxin Ming (信心銘).

    voici encore une traduction :
    Inutile de rechercher la vérité
    Abandonner toute opinion suffit.

    http://esotcelt.unblog.fr/2007/05/21/de-la-confiance-en-lesprit-seng-tsan-hsin-hsin-ming-verses-on-the-faith-mind/

    je continue mes recherches cet après midi ;-)

  8. juillet 9, 2007

    Une page intéressante (citée par wiki) :

    http://home.att.net/~paul.dowling/archive/zen/blyth/blyth-all.htm
    On y trouve les deux commentaires suivants :
    This is what the
    “Sutra of Perfect Enlightenment” means when it says:
    Positive views are all perverted views;
    All no-opinions are true opinions.

    And Yungchia says also explicitly,

    Do not seek after the truth,
    Do not cut off delusions.

    encore un passage :
    There is no need to worry about perfect knowledge.
    The believing mind is not dual;

  9. florent permalien
    juillet 9, 2007

    Attention erreur !
    Grâce à Domanlai, j’ai réalisé que j’avais mal lu la calligraphie japonaise imprimée sur mon livre. Au lieu de 永yong il faut lire 求 qiu (rechercher, demander, prier)
    Toutes mes excuses

    J’ai modifié le corps du billet tout en haut.

    De même, il semble que la traduction francaise reprise dans ce billet soit la traduction de deux vers, et non d’un seul (comme sur la calligraphie), ce qui a provoqué la critique d’Edouard. J’ai intégré les deux vers chinois dans le billet.

    Cette erreur explique pourquoi il était difficile de retrouver ces vers en chinois grâce à google.
    J’obtiens maintenant 32500 retours pour la phrase 不用求眞, de sites chinois mais aussi coréens ou japonais.

    J’ai ainsi pu retrouver une traduction beaucoup plus claire et compréhensible :

    不用求眞

    Do not seek the true,
    唯須息見

    only abstain from views.

    source :
    http://www.sacred-texts.com/bud/zen/fm/fm.htm

    Sur ces nouvelles bases, une critique de la traduction par M Dechimaru serait d’avoir exprimé le “préjugé” à la place de la “vue ” 見 ?

  10. Anonyme permalien
    août 23, 2007

    Edouard, tout-à-fait d’acord avec vous, sauf que votre démonstration revient à dire la même chose de façon lus sophistiquée…

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