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小橘灯 La petite lanterne orange ; une nouvelle de 1957

2007 septembre 7
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Posted by florent

  Un Hôpital en chine en 1957

 

Bing Xin (冰心; nom réel: Xie Wanying (謝婉瑩) est une femme écrivain de la période d’après guerre, les années 40 et 50 qui ont vu la naissance de la Chine communiste. 

 

Voici un texte facile souvent travaillé, encore aujourd’hui, par les collégiens chinois (qui doivent en apprendre deux paragraphes par cœur).

Je le recommande ici comme exercice de version pour des étudiants en chinois, de petit niveau HSK. Le texte est simple et beau ; quoiqu’un peu « politiquement correct ». Mais pouvait-on écrire autrement en 1957 ?

L’histoire s’appelle “La petite lanterne orange” ; la traduction française artisanale et revue avec ma prof (merci ma prof ;-) suit  le texte en chinois.

小橘灯

  这是十几年以前的事了。

  在一个春节前一天的下午,我到重庆郊外去看一位朋友。她住在那个乡村的乡公所楼上。走上一段阴暗的仄仄的楼梯,进到一间有一张方桌和几张竹凳、墙上装着一架电话的屋子,再进去就是我的朋友的房间,和外间只隔一幅布帘。她不在家,窗前桌上留着一张条子,说是她临时有事出去,叫我等着她。

  我在她桌前坐下,随手拿起一张报纸来看,忽然听见外屋板门吱地一声开了,过了一会儿,又听见有人在挪动那竹凳子。我掀开帘子,看见一个小姑娘,只有八九岁光景,瘦瘦的苍白的脸,冻得发紫的嘴唇,头发很短,穿一身很破旧的衣裤,光脚穿一双草鞋,正在登上竹凳想去摘墙上的听话器,看见我似乎吃了一惊,把手缩了回来。我问她:”你要打电话吗?”她一面爬下竹凳,一面点头说;”我要XX 医院,找胡大夫,我妈妈刚才吐了许多血!”我问:”你知道XX医院的电话号码吗?” 她摇了摇头说:”我正想问电话局……”我赶紧从机旁的电话本子里找到医院的号码,就又问她:”找到了大夫,我请他到谁家去呢?”她说:”你只要说王春林家里病了,他就会来的。”

  我把电话打通了,她感激地谢了我,回头就走。我拉住她问:”你的家远吗?” 她指着窗外说:”就在山窝那棵大黄果树下面,一下子就走到的。”说着就噎、噎、噎地下楼去了。

  我又回到里屋去,把报纸前前后后都看完了,又拿起一本《唐诗三百首》来,看了一半,天色越发阴沉了,我的朋友还不回来。我无聊地站了起来,望着窗外浓雾里迷茫的山景,看到那棵黄果树下面的小屋,忽然想去探望那个小姑娘和她生病的妈妈。我下楼在门口买了几个大红橘子,塞在手提袋里,顺着歪斜不平的石板路,走到那小屋的门口。

  我轻轻地叩着板门,刚才那个小姑娘出来开了门,抬头看了我,先愣了一下,后来就微笑了,招手叫我进去。这屋子很小很黑,靠墙的板铺上,她的妈妈闭着眼平躺着,大约是睡着了,被头上有斑斑的血痕,她的脸向里侧着,只看见她脸上的乱发,和脑后的一个大髻。门边一个小炭炉,上面放着一个小沙锅,微微地冒着热气。这小姑娘把炉前的小凳子让我坐了,她自己就蹲在我旁边。不住地打量我。我轻轻地问:”大夫来过了吗?”她说:”来过了,给妈妈打了一针……她现在很好。” 她又像安慰我似的说:”你放心,大夫明早还要来的。”我问;”她吃过东西吗?这锅里是什么?”她笑说:”红薯稀饭–我们的年夜饭。”我想起了我带来的橘子,就拿出来放在床边的小矮桌上。她没有做声,只伸手拿过一个最大的橘子来,用小刀削去上面的一段皮,又用两只手把底下的一大半轻轻地探捏着。

  我低声问:”你家还有什么人?”她说:”现在没有什么人,我爸爸到外面去了……”她没有说下去,只慢慢地从橘皮里掏出一瓤一瓤的橘瓣来,放在她妈妈的枕头边。

  炉火的微光,渐渐地暗了下去,外面变黑了。我站起来要走,她拉住我,一面极其敏捷地拿过穿着麻线的大针,把那小橘碗四周相对地穿起来,像一个小筐似的,用一根小竹棍挑着,又从窗台上拿了一段短短的蜡头,放在里面点起来,递给我说: “天黑了,路滑,这盏小橘灯照你上山吧!”

  我赞赏地接过,谢了她,她送我出到门外,我不知道说什么好,她又像安慰我似的说:”不久,我爸爸一定会回来的。那时我妈妈就会好了。”她用小手在面前画一个圆圈,最后按到我的手上:”我们大家也都好了!”显然地,这”大家”也包括我在内。

  我提着这灵巧的小橘灯,慢慢地在黑暗潮湿的山路上走着。这朦胧的橘红的光,实在照不了多远,但这小姑娘的镇定、勇敢、乐观的精神鼓舞了我,我似乎觉得眼前有无限光明!

  我的朋友已经回来了,看见我提着小橘灯,便问我从哪里来。我兑:”从…… 从王春林家来。”她惊异地说:”王春林,那个木匠,你怎么认得他?去年山下医学院里,有几个学生,被当做共产党抓走了,以后王春林也失踪了,据说他常替那些学生送信……”

  当夜,我就离开那山村,再也没有听见那小姑娘和她母亲的消息。

  但是从那时起,每逢春节,我就想起那盏小橘灯。十二年过去了,那小姑娘的爸爸一定早回来了。她妈妈也一定好了吧?因为我们”大家”都”好”了!

  原载1957年1月31日《中国少年报》

La ville de Liuchow (柳州, au sud de Chongqing) en 1945

Cette histoire se passe il y a plus de dix ans

Un après midi, la veille du nouvel an chinois, j’arrivais dans les environs de Chongqing pour rendre visite à une amie. Elle vivait dans un village de campagne, et logeait dans un grand bâtiment collectif. Après avoir monté des escaliers étroits et sombres, j’arrivai dans une pièce meublée d’un bureau et de tabourets en bambou, avec un appareil téléphonique accroché au mur. Avançant encore, j’entrai dans la chambre de mon amie, qui ne fermait que par un simple rideau. Mon amie n’était pas là, elle avait laissé un mot sur la table devant la fenêtre, disant qu’elle avait du sortir un moment, et me demandant de l’attendre là.

Je m’assis devant sa table, et me mis tranquillement à lire un journal, quand soudain j’entendis une porte en bois qui grinçait. Quelques instants plus tard, j’entendis encore des bruits de tabourets que l’on déplace. J’entrouvris le rideau et tombai sur une petite fille, de 8 ou 9 ans, le visage creusé et pâle, les lèvres bleuies par le froid et les cheveux très courts, qui portait un grand vêtement vieux et usé ainsi qu’une paire de sandales de paille sur ses pieds nus.

Elle essayait de monter sur un tabouret, cherchant visiblement à attraper le téléphone au mur. Elle eut l’air surprise en m’apercevant, et se contracta. Je lui demandai « tu veux passer un coup de téléphone? » 

Descendant du tabouret, elle acquiesça de la tête et me dit : « Je dois appeler l’hôpital XX ; j’ai vraiment besoin de trouver le docteur Hu. Ma maman vient de cracher beaucoup de sang ! » Je lui demandai « connais-tu le numéro de téléphone de l’hôpital XX ? »

Elle secoua la tête en disant « je pensais demander à l’opératrice. » Je cherchai précipitamment dans le calepin téléphonique le numéro de l’hôpital, puis lui demandai à nouveau : « j’ai trouvé le docteur ; chez qui dois-je lui demander de se rendre ? ». « Dites lui juste que la malade est dans la maison de Wang ChunLin, il saura venir », répondit-elle.

Je passai le coup de fil ; elle me remercia avec reconnaissance, tourna la tête et partit. Je l’attrapai et lui demandai : « ta maison est elle loin d’ici ? » Elle pointa le doigt par la fenêtre et dit « En dessous de ce grand arbre à oranges douces(1)  qu’on voit sur cette montagne isolée. On descend juste un peu et on arrive. » J’entendis l’écho de ses pas descendant les escaliers.

Je retournai dans la chambre, parcourus le journal dans ses moindres détails ; je pris encore les « trois cent poèmes de la dynastie Tang », et j’en lus une bonne moitié. Le ciel froid s’assombrissait, et mon amie n’arrivait toujours pas. M’ennuyant, je me levai pour contempler à la fenêtre ce paysage de montagnes perdues dans le brouillard. Je revis cette cabane sous l’arbre fruitier, et décidai d’aller voir un peu cette fillette et sa maman malade. Je descendis l’escalier et achetai à la sortie des oranges sanguines. En ayant rempli mon sac à main, je partis sur ce chemin sinueux, au dallage irrégulier, jusqu’à arriver à la maisonnette.

Je frappai doucement à la porte en bois, la fillette vint ouvrir, leva les yeux vers moi et après un moment de surprise me sourit en me faisant signe d’entrer. La pièce était très petite et très sombre, ceinte de murs en panneaux de bois. J’aperçus la mère, prostrée, allongée, les yeux fermés. Elle avait l’air endormie, la couverture entachée de sang, son visage était tourné sur le côté. On ne voyait que sa figure ravagée et le grand chignon qu’elle portait. A côté de la porte, on avait mis sur un petit poêle à charbon un pot de cuisine en terre, d’où s’échappait un minuscule filet de vapeur. La fillette m’invita à m’asseoir sur un tabouret près du poêle. Elle vint d’elle-même s’asseoir tout contre moi.  Elle n’arrêtait pas de m’observer en détails. Je demandai doucement : « Le docteur est-il venu ? »

- Il est venu, répondit-elle, et il a fait une piqûre à maman.Elle va bien mieux maintenant.» Elle ajouta, comme pour me consoler : «ne vous inquiétez pas, le médecin doit revenir demain.»

- A-t-elle mangé quelque chose? demandai-je. Qu’y a-t-il dans ce pot en terre?»

- Du porridge de patate douce, répondit-elle en riant, c’est notre plat de fête pour la veillée du nouvel an! »

Je me rappelai alors des oranges sanguines que j’avais apportées; je les pris et les posai sur la table de chevet près du lit. Sans faire de bruit, elle saisit une des plus grosses oranges, en coupa le sommet avec un petit couteau, puis des deux mains la palpa délicatement pour détacher les quartiers de l’écorce.

Je demandai à voix basse : « ta famille compte-t-elle d’autres membres ?

« Maintenant, il n’y a personne d’autre que nous. Mon père est parti loin », répondit-elle. Elle arrêta de parler ; s’appliquant à extraire de la peau de l’orange intacte les pulpeux quartiers, un par un, pour les poser près de l’oreiller de sa mère.

La maigre lumière du poêle faiblissait de plus en plus ; dehors la nuit tombait. Je me levai pour partir, mais elle me retint par le bras, attrapant en même temps  une aiguille où passait un fil à coudre. Elle perça avec beaucoup d’adresse le bord de la peau d’orange : le fil tenait à l’ouverture de l’écorce par quatre points. L’orange ainsi cousue ressemblait à un petit panier suspendu. Puis elle l’accrocha par le fil à une petite lamelle de bambou, prit un moignon de bougie qui était sur le rebord de la fenêtre et le mit à l’intérieur de l’orange.  Elle alluma la lanterne et me la passa en disant : « Il fait nuit, la route est glissante,  cette petite lanterne-orange t’éclairera dans la montagne ! »

Je la pris avec admiration, la remerciai. Alors qu’elle me raccompagnait à la porte, je ne savais pas bien quoi dire. Elle me dit, prenant encore un air réconfortant : « Mon père reviendra sûrement d’ici peu. A ce moment-là, ma mère ira mieux. » De sa petite main, elle traça un cercle devant son visage (2), et enfin me toucha la main en disant. « Alors, tout le monde ira beaucoup mieux ! ». A l’évidence, elle me comptait dans son « tout le monde ».

Tenant haut cette ingénieuse petite lanterne-orange, je m’éloignai doucement sur ce chemin sombre et humide. Cette petite et douce lumière orange n’éclairait vraiment pas loin, mais la quiétude de cette petite fille, son courage, son esprit plein d’espoir me réjouissaient. Je croyais voir devant moi de longs torrents de lumière !

Mon amie était déjà rentrée. Quand elle me vit avec ma lampe, elle me demanda d’où cela venait. Je dis « de … de chez Wang ChunLin». Surprise, elle s’exclama : « Wang ChunLin, c’est ce charpentier… Comment le connais-tu ? L’an dernier, à l’école de médecine de la ville, quelques étudiants ont été arrêtés, considérés comme membres du Parti Communiste(3). Wang ChunLin a aussi disparu à ce moment là. On dit qu’il aidait les étudiants à se passer des messages»

Cette nuit là, je dus quitter le village de montagne. Je n’ai jamais eu de nouvelles de cette fillette ni de sa mère.

Mais depuis lors, à chaque nouvel an chinois, je repense à cette petite lanterne-orange. Douze ans ont passé, le père de la fillette est sûrement déjà revenu. Sa mère est-elle guérie ? Parce que maintenant, « tout le monde » va « bien » !

 

Publié le 31 janvier 1957, Chez 《中国少年报》 (petites annales chinoises)

 


Notes :

(1)  Désigne le « citrus sinensis », parfois traduit par « orange douce ». Originaire du sud de la Chine, cet oranger a été importé en Haiti par Christophe Colomb en 1493, puis s’est répandu dans toutes les Antilles.

(2) En Chine, le cercle symbolise l’harmonie parfaite

(3) En 1945 (douze ans avant la nouvelle écrite en 1957), la région de ChongQing était sous contrôle du Kuomintang qui y avait placé sa capitale.

4 Réponses Leave One →
  1. septembre 9, 2007

    Bonjour, j’ai suivi votre blog depuis un moment sans laisser un commentaire, et suis ravie d’un occidental comprenne et interesse autant de la culture chinoise. Au fond de mon coeur, votre savoir sur l’écriture chinoise est admirable! Puis, votre histoires à Hk… me touchent.

    ah madame 冰心, je me souviens, dont mon prof chinois au lycée m’a parlé, quand je lui demandais quels livres à lire…

    bon fin weekend!

  2. florent permalien
    septembre 9, 2007

    bonjour michelle
    et merci pour votre si gentil commentaire !

    oui votre culture m’intéresse ; c’est tout un univers dans lequel on se plonge !

    mais j’ai malheureusement trop peu d’occasions de pratiquer le chinois oral à paris. Alors je travaille beaucoup l’écrit ; l’origine des caractères ; la littérature et la poésie. C’est passionnant !

    tres bon week end à vous

  3. septembre 10, 2007

    Bonjour Florent, effectivement pour apprendre une langue, l’idéal est de le faire dans le pays concerné. Au niveau du chinois oral, quel dialecte pratiquez-vous ? C’est la langue officiel de la chine, le Mandarin, ou le dialecte Cantonais ?

    Sinon concernant l’écriture, l’origine des caractères, la littérature et la poésie, j’avoue que vous les connaissez mieux que moi :D

    Je vous remercie aussi pour votre visite de mon petit blog. Concernant le sujet des cultures, j’y ai laissé des réponses à votre commentaire ;)

    très bonne soirée,

  4. Chaoqun permalien
    septembre 14, 2007

    Bonjour!
    J’ai appris ce texte au lycée. Ca me rappelle de petits souvenirs quand j’étais petite :)

    Chaoqun

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