Jacques Pimpaneau Dans un Jardin de Chine 7/10
Et ce petit livre d’une centaine de pages le confirme : l’auteur parvient à nous faire rêver devant toutes sortes de descriptions de jardins chinois, à tel point qu’en levant les yeux du livre on se demande ce qu’on fait encore là. Nous devrions immédiatement nous retirer et aménager un petit paradis pour y observer les beautés et les cycles de la nature.
Il se passe beaucoup de choses dans les jardins. Le poète y chante la fleur, la solitude ou la joie du retrait, et bon nombre de thèmes taoïstes.
Les grands romans chinois ne sont pas en reste : le rêve dans le pavillon rouge donne de longues et belles descriptions de jardins, le jinpingmei 金瓶梅 y décrit des jeux d’amour tout à fait émoustillants, avec les gravures anciennes judicieusement choisies par l’auteur. Enfin de nombreux lettrés sont cités par M Pimpaneau : Zhang Dai et Yuan Zhong Dao pour ne retenir que deux lettrés Ming.
On lit aussi des guides pratiques du jardinage, souvent d’époque Ming ou Qing, en lesquels on perçoit l’attachement chinois aux arts du jardin.
Les poèmes ou textes illustrant le jardin sont tous magnifiques, reprenons juste un thème qui m’avait marqué dans un poème de Meng Haoran : aube du printemps. C’est une sorte de nostalgie légère que le poète ressent en voyant les pétales tomber des arbres. Il regrette quelquechose, voudrait presque les remettre en position pour que cette beauté ne soit plus éphémère. ce thème transparait aussi dans un passage du rêve dans le pavillon rouge :
Un jour après déjeuner, [...] Baoyu se dirigea vers la retenue d’eau des pétales mouillées avec, sous le bras, la pièce de théâtre Le pavillon de l’aile ouest.
Il s’assit sur un rocher sous un pêcher et, prenant le premier volume, il se mit à lire très attentivement. Il en était arrivé aux vers sur les fleurs rouges qui tombaient sur le sol quand le vent se mit à souffler et l’arbre au dessus de lui répandit soudain une pluie de pétales sur ses vêtements, sur son livre et toute la terre autour. Il ne voulut pas les épousseter, craignant qu’on ne marche dessus. Il en ramassa autant qu’il put et les mit dans le giron de sa robe en la relevant. Il les porta jusqu’au bord de l’eau où il les répandit en les secouant. Les pétales dansèrent en cercles sur l’eau avant de disparaître par où s’écoulait le trop plein. A son retour, il en découvrit beaucoup plus qui étaient tombées en son absence. Tandis qu’il se demandait que faire, une voix se fit entendre derrière lui.
“Que fais tu ?”
Il se retourna et vit Daiyu. Elle portait sur l’épaule une houe au manche de laquelle étaient suspendus un sac de toile et un râteau.
“tu arrives au bon moment, lui dit Baiyu en lui souriant. Balaie ces pétales et jette-les pour moi dans l’eau.
- Ce n’est pas une bonne idée de les jeter dans l’eau, rétorqua Daiyu. Ici l’eau est claire mais ensuite elle coule le long des maisons et elle devient sale, si bien qu’elles sont quand même finalement souillées. Dans le coin là-bas j’ai une tombe pour les fleurs : je les balaie, les mets dans ce sac de soie pour les enterrer, afin qu’elles retournent lentement à la terre. N’est ce pas un moyen plus convenable ?”
Baoyu admira fort cette idée.
A la fin du livre, M Pimpaneau regrette un peu une certaine disparition de l’art du jardin en Chine. Je voudrais le remercier d’avoir si bellement gardé vivant ces merveilles de jardins chinois !
Voir sinon le site d’une exposition de la BNF sur le paysage et le jardin dans leurs représentations chinoises.
Si le jardin chinois vous intéresse, plongez-vous dans “Yuanming Yuan, le jardin de la Clarté Parfaîte” de Che Bing Chiu, Ed. de l’Imprimeur, ou et “Le traité du jardin, Ji Cheng”, du même auteur et même éditeur. Sur l’influence des jardins chinois sur les jardins anglais et français : “Au jardin de Cathay, l’imaginaire anglo-chinois en Occident”, même auteur, même éditeur…. Et sur la disparition de l’art du jardin chinois… mon blog.