Echecs et éléphant
Ce post s’adresse aux amateurs d’échecs, ou d’étymologie chinoise, ou d’éléphants. C’est à dire bien peu de monde sans doute.
Il y a deux grandes familles d’échecs à ma connaissance : le go (weiqi) et les échecs (xiangqi)
Sur le go, voir le billet dédié
Sur les échecs proprement dits, il y a deux variantes : une version chinoise et une version occidentale
Go et échecs sont très différents : le go est circulaire alors que les échecs sont frontaux ; le go vise à obtenir plus de ressources que l’adversaire, plutôt que de le détruire par échec et mat. Ce dernier point me semble être en ligne avec l’enseignement du Sun Zi dans l’art de la guerre.
Le go est certainement très ancien, et d’origine chinoise. Mais les échecs occidentaux et chinois sont plus obscurs : ils sont sans doute liés l’un à l’autre, et leur histoire est encore très confuse. Il y a beaucoup de débats sur l’origine du jeu d’ échecs. Entre l’Inde, la Chine et la Perse, il est difficile de dire, apparemment, qui a exporté quoi à qui et quand. Est ce l’Inde qui a donné les échecs à la Chine (à partir d’un jeu indien appelé le Chaturanga), ou l’inverse ?
Des éléments de réponse pourraient venir de l’étymologie de Xiangqi en Chinois : 象棋
Si c’est l’éléphant qui est représenté par 象, alors la piste pourrait être que les échecs chinois soient venus d’Inde (l’éléphant est associé à l’Inde).
Regardons donc les mots 象棋
棋 Qi est simple et veut dire « jeux de plateaux » (c’est le même que dans le nom chinois du go : Weiqi 围棋)
象 Xiang est un peu plus compliqué. Quand il est employé seul il veut toujours dire l’éléphant. Par contre il peut aussi vouloir dire l’image s’il est employé avec d’autres mots.
Des recherches certainement trop rapides m’ont suggéré que le caractère xiang 象 serait apparu avant l’époque des Han (donc plusieurs siècles avant JC). Il désignait l’éléphant. Cet animal était inconnu en Chine, mais on en a retrouvé des squelettes, impressionnants par leur taille, et donc on a représenté les squelettes très graphiquement par le caractère 象. On disait Daxiang : “le grand animal” du nord. Pour quoi du nord ? je ne sais pas ; je croyais que l’animal venait d’Inde. Etaient ce des squelettes de mammouth?
- Xiang 象 a glissé vers l’image ou le grand changement. Ce grand animal symbolisait des grands changements de l’univers, presque cosmiques. Ainsi le proverbe 大象无形 daxiang wuxing, voudrait dire que “les grands changements du monde sont imperceptibles (n’ont pas de forme)”.
- Ensuite on a voulu séparer le terme éléphant du terme image/ressemblance, pour dire le “portrait”. Une première version a été d’ajouter le radical du vêtement à gauche de l’éléphant (le portrait concerne quelqu’un, qui porte des habits). Cette version n’a pas duré ; elle est devenue 像
- Par ailleurs j’ai cru comprendre que 象 avait donné naissance, par glissements successifs jusqu’à la dynastie des Tang (voir les 6 colonnes de gauche dans le tableau ci dessous), au caractère 相 xiang4 apparence.
- http://140.111.1.40/yitia/fra/fra03914.htm
ou
http://140.111.1.40/suoa/suoa.htm
Il n’y a rien de certain dans tout cela, les commentaires d’historiens ou de sinophiles sont bienvenus !
Échecs chinois.
Le terme important est 棋 (qí ) qui signifie le jeu d’échecs.
Dans 围棋 ( wéiqí ) le jeu de go ,围 indique bien la stratégie d’enveloppement du go;
tandis que 象 , pour désigner l’ivoire dans lequel ses pièces sont sculptées, en distingue ( 象棋 ) le jeu des échecs proprement dit.
Ce n’est qu’un avis et il n’est nullement autorisé par ailleurs.
Merci Guy
dans ton commentaire le mot xiang évoquant l’ivoire indique donc un rapport avec l’éléphant. Mais d’autres textes mentionnent que le mot étant très ancien (il désigne peut être même un jeu antérieur au xiangqi connu), le xiang de xiangqi serait plutôt le terme d’image.
Je n’ai vraiment pas de réponse; on lit sur internet des avis catégoriques disant que le xiangqi date de la dynastie des tang, et d’autres avis catégoriques disant qu’on a retrouvé une pièce de xiangqi (le chariot) datant des han…
sur le jeu d’échec occidental, voir “de l’autre côté du miroir” (through the looking glass”) de lewis caroll.
wow, voici plein d’infos de première main sur l’éléphant en chine.
Le caractère xiang est très ancien ; c’est un pur pictogramme que l’on retrouve parmi les Jiaguwen ! Il y avait à cette époque des éléphants en Chine, dans le nord (peut être pas des éléphants comme nous les connaissons aujourd’hui).
Le sens a très vite glissé d’éléphant vers “forme”, “apparence” : l’éléphant frappait par sa taille, il symbolisait la grande forme.
Francois Martin a publié un article sur l’éléphant en chine entre les han et les tang (quelques siècles après JC) ; il y prétend que la chine comptait alors encore des éléphants.
Dernière info : on a retrouvé dans des tombes Han des objets en ivoire. Ils provenaient de défenses d’éléphants … d’Afrique ! Le commerce avec les arabes a permis aux chinois de d’obtenir et de travailler l’ivoire à l’époque de jésus christ.
En cherchant les sens de 象, j’ai trouvé ceci :
抱歉,暫無釋義內容,有待輸入。
L’apparence, comme les jeux, échapperait à notre contrôle. On ne peut pas saisir immédiatement le sens évident.
“Les hommes voient rarement des éléphants (象 xiang) vivants, et lorsqu’ils trouvent le squelette d’un éléphant (象 xiang) mort, ils se représentent (想 xiang) l’animal vivant sur la base de sa figure (图 tu). C’est pourquoi tout ce que les gens se représentent au moyen de leur faculté d’idéation-imagination (意 yi) s’appelle image (像 xiang)”
Hanfeizi 20/28