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Benoît Vermander : sur la route de François Xavier 6/10

2006 mai 28
Posted by florent
Benoît Vermander SJ est père jésuite, il est responsable de l’institut Ricci à Taipeh (où il a pris la suite du père Raguin. Il a écrit plusieurs livres, dont « les mandariniers de la rivière Huai », traitant du renouveau spirituel dans la Chine continentale d’aujourd’hui, un livre dont j’ai apprécié les éclairages.  

Ici, dans un supplément  la revue jésuite Vie Chrétienne (N°478), il tente de cheminer sur les traces spirituelles de Saint François Xavier. François Xavier est contemporain et proche de St Ignace ; c’est l’un des premiers missionnaires en Extrême Orient ; il a passé du temps en Inde, en Indonésie, au Japon ; il est mort à Canton, aux portes de la Chine, en 1552.

Voici quelques extraits de François Xavier ou de Benoit Vermander.

Sur l’humilité de celui qui apprend :

Pour le moment, il nous échoie d’être parmi eux, comme de petits enfants qui doivent apprendre la langue. (lettre du Japon aux compagnons résidant à Goa, 1549)

Sur la distance que prend le missionnaire :

Afin que vous sachiez comme nous sommes corporellement éloignés les uns des autres, sachez ceci : quand, en vertu de la sainte obéissance, vous nous envoyez de Rome une lettre à nous qui nous trouvons aux Moluques ou qui allons partir pour le Japon, vous ne pouvez pas avoir de réponse à ce que vous nous envoyez en moins de trois ans et neuf mois.

Sur la conversion :

J’ai demandé à Anjirô si, au cas où j’irais dans son pays avec lui, les gens du Japon se feraient chrétiens. Il m’a répondu que les gens de son pays ne se feraient pas chrétiens tout de suite. Il m’a dit qu’ils me poseraient d’abord beaucoup de questions, qu’ils verraient ce que je leur répondrais et ce que moi j’en comprendrais et surtout si je vis conformément à ce que je dis. (lettre aux compagnons vivant à Rome , 1548)

Sur le pluralisme religieux :

Il y a neuf sortes de récits, différant les uns des autres. Ainsi les hommes aussi bien que les femmes. Chacun selon son gré choisit le récit qu’il veut, et personne n’est contraint d’appartenir à une secte plutôt qu’à une autre, si bien qu’il y a des maisons où le mari est d’une secte et la femme d’une autre, et les enfants d’une autre encore. Cela ne cause pas de scandale chez eux, parce que chacun est libre de choisir. (lettre écrite de Cochin aux compagnons vivant en Europe, 1552)

Sur l’écriture :

 Je vous envoie l’alphabet du Japon. Ils écrivent très différemment de nous, du haut vers le bas ; quand j’ai demandé à Paul pourquoi ils n’écrivaient pas à notre façon, il m’a répondu : pourquoi nous n’écrivions pas de leur façon ? Et il m’a donné comme raison que de même que l’homme a la tête en l’air et les pieds en bas, de même aussi quand il écrit l’homme doit écrire de haut en bas. (lettre à Ignace de Loyola, 1549)

M Vermander voit dans ce dialogue tout simple un prélude de cette ouverture  à l’altérité culturelle qu’on retrouvera dans les lettres persannes :« il s’agit moins de relativisme que de réciprocité » . S’ensuit un beau texte sur la calligraphie et l’écriture chinoise (que l’auteur pratique) dont on comprend comme elle est « corps »

Le livre est parsemé de poésies de l’auteur parfois belles et profondes, comme celle ci :

La mer est dans la perle,
La perle est dans la mer,

Mais au fond de la perle,

Plus profond que la mer,

Au profond de la perle,

La perle est dans la perle.

Le livre entier tente de faire la part des choses  entre volonté de conquête, déjà caractéristique de l’Europe du XVI e siècle (François était horrifié par les pratiques colonialistes des portugais en Inde), et une ouverture à l’autre au contact de l’Asie.

Je livre un passage pour s’en convaincre, où l’auteur reconnaît l’usage de la menace et l’ivraie semée par la mission :

Si  l’annonce de l’évangile entreprise à l’âge de Xavier est une admirable épopée, elle n’a pas le parfum de la première génération apostolique. Car ce n’est pas l’église des premiers temps qui se donne à connaître au reste du monde, mais une église qui bute ou sur des certitudes ou sur des apories théologiques, une chrétienté divisée, déchirée même, une Eglise qui éprouve des difficultés infinies à ne pas se faire la complice de ce qui va devenir la grande entreprise impérialiste de l’Europe. La proclamation de la damnation universelle devient alors la figure de cette « mauvaise nouvelle » qui s’entremêle à la bonne comme l’ivraie fait avec le blé. La parabole de jésus nous l’enseigne : la croissance de l’ivraie n’est pas une raison suffisante pour arracher le blé semé, mais il faut reconnaître que , jusque dans la proclamation de Xavier, les semences d’une tenace ivraie ont été jetées. Le rapport au salut que ses propos introduisent n’est plus le fruit d’une annonce véritablement évangélique.  

Le passage sur le baptême, avec un témoignage d’un prêtre irlandais actuellement missionnaire aux Philippines, est également humble, riche et juste à la fois.

Le dernier chapitre sur l’inachèvement est vraiment beau ; je finis par un grand merci à ma belle mère si attentionnée !

2 Réponses Leave One →
  1. florent permalien
    novembre 4, 2007

    une phrase d’une lettre de 1549 à un confrère en inde :

    « Les hommes n’accordent leur attention qu’aux discours qui vont au fond même
    de leur conscience. Les théories sublimes, les matières difficiles, les thèses de l’école,
    échappent à leur intelligence comme à l’attention du monde qui vit terre à terre, sont
    comme un vain bruit qui se perd après avoir retenti ; leur passage éphémère est stérile.
    Vous devez révéler les hommes à eux-mêmes si vous voulez les captiver… Mais afin de
    bien exprimer leur pensée, il vous est nécessaire de les connaître ; or pour les connaître,
    il n’est qu’un moyen, qui est de vivre en leur société, de les étudier, de les approfondir,
    de les pénétrer. Tels sont les livres vivants que vous devez incessamment parcourir.»
    Francois Xavier

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