Avis de recherche
Une phrase chinoise a plusieurs fois croisé mon chemin, toujours sous forme francaise.
J’en recherche la source chinoise (sans doute dans le yiking) ; en voici plusieurs formulations en francais
Il n’y a qu’une chose qui ne change jamais,
c’est le changement
Ou bien :
Rien ne saurait durer, à part le changement
Ou encore :
La seule chose qui ne changera jamais,
c’est que tout est en train de changer
En naviguant dans ma quête , je suis tombé sur cet intéressant commentaire du yiking, sur le beau site de l’association francaise des professeurs de chinois
Le Jugement
羸 其 瓶 凶 |
汔 至 亦 未 繘 井 |
往 來 井 井 |
無 喪 無 得 |
改 邑 不 改 井 |
井 | ||
LE PUITS.
On peut changer la ville mais on ne peut pas changer le puits.
Il ne diminue ni n’augmente.
Ils vont, viennent et puisent au puits.
Si l’on est presque arrivé à l’eau mais que la corde ne soit pas encore entièrement descendue ou que la cruche se brise, cela apporte l’infortune.
Dans l’ancienne Chine les capitales étaient parfois transférées, soit parce qu’un nouvel emplacement paraissait plus favorable, soit parce que la dynastie avait changé. Le style des édifices s’est modifié au cours des siècles mais la forme du puits est demeurée la même depuis la plus haute antiquité jusqu’à nos jours. Le puits se trouve ainsi être une image de l’organisation sociale de l’humanité dans ses nécessités vitales les plus primitives; cette organisation est indépendante de toutes les formes politiques. Les formes politiques, les nations changent, mais la vie des hommes avec ses exigences demeure éternellement la même. Cela ne se laisse pas modifier. Cette vie est également inépuisable. Elle ne s’amoindrit ni n’augmente, et elle existe pour tous. Les générations vont et viennent, et toutes jouissent de la vie dans son abondance intarissable. Toutefois, une bonne organisation politique et sociale requiert une double condition. On doit descendre jusqu’aux fondements même de la vie. Toute attitude superficielle dans l’établissement des règles de vie, laissant insatisfaites les nécessités vitales, est aussi imparfaite que l’absence de toute tentative de réforme. Est également mauvaise la négligence qui fait que la cruche se casse.
Si par exemple la défense militaire d’un Etat est portée à un tel excès qu’elle suscite la guerre et entraîne par là l’anéantissement de la puissance de l’Etat, cela équivaut à la cruche qui se brise. L’hexagramme s’applique tout aussi bien aux individus. Quelle que soit la diversité que les dispositions et l’éducation font régner entre les hommes, la nature humaine dans son fond est la même chez tous. Et tout homme peut, au cours de sa formation, puiser à la fontaine intarissable de la nature divine qui est l’essence de l’homme. Mais là encore deux dangers menacent : le premier est que l’homme ne pénètre pas, au cours de sa formation, jusqu’aux vraies racines de l’humanité, mais demeure pris dans les conventions une formation pareille est aussi mauvaise que l’absence de formation – le second, que l’on ne s’effondre brusquement en abandonnant la formation de son être.
Une piste possible dans le troisième trait du onzième gua (la paix) : la phrase ressemble beaucoup mais ne correspond pas tout à fait.
九
三
無
平
不
陂
無
往
不
復
艱
貞
無
咎
勿
恤
其
孚
于
食
有
福
Neuf à la troisième place signifie :
Pas de plaine qui ne soit suivie d’une côte,
pas d’aller qui ne soit suivi d’un retour.
Sans blâme est celui qui demeure constant dans le danger.
Ne te désole pas d’une telle vérité;
jouis du bonheur que tu possèdes encore.
d’autres idées ?
Quelques perles de mes enfants alors que je leur posais la question : « un proverbe chinois dit qu’il n’y a qu’une chose qui ne change jamais, laquelle ? »
- le restaurant chinois d’à côté, parce que c’est toujours pareil dedans
- la vie et la mort
- le cerveau (étonnante réponse de mon fils de 5 ans. Pensait il aux idées, au sens platonicien?)
- les mots invariables (elle est bonne celle là
- dieu (bonne question théologique : dieu change t il ?)
- la bêtise des hommes )
- les cyclopes, parce que avant ils n’existaient pas et aujourd’hui ils n’existent toujours pas (propose mon fils)
– Objection de ma fille : « non, le néant change, car à chaque fois qu’un bébé naît, il sort du néant, et donc le néant change »
il y a matière à réflexion …
Ah ! Vous avez des raisonneurs dans la famille et de la graine de théologien.
L’immutabibité de Dieu est une des questions posées par St Thomas d’Aquin ; l y répond positivement (et bon courage !).
Le néant et la création…Si un bébé naît, il a été voulu et pensé (perspective catho. – c’est dur à penser même pour eux): sort-il alors du néant ?
Pour votre platonicien, il pensait aux idées : ses “cours d’histoire” lui auraient appris que le cerveau s’est physiquement développé hors il est sans doute trop jeune pour le savoir.
Toute leurs réponses sont intelligentes (du R. chinois aux cyclopes), et je ne flatte pas.
Les soirées doivent être animées chez vous ! C’est bien sympathique. Gardez-les dans cet esprit.
Tes enfants sont réellement perspicaces.
Comme je l’avais indiqué sur mon blog, l’hexagramme qui me semble le plus correspondre à cette citation serait le n°1 乾 qian le ciel (la polarité yang).
Une phrase s’en rapprocherait le plus : 天行健,君子以自強不息 (extraite du jugement).
J’ai été conforté dans cette hypothèse par un extrait du livre de François Jullien que je parcourais (L’Ombre au Tableau, p 161) : “Le cours du Ciel” ou la marche du monde (tian xing 天行), dont la vertu est de ne jamais s’interrompre parce qu’il ne cesse d’être régulé, porté qu’il est par son alternance”, sous-entendu l’alternance yin-yang.
Voici une traduction de cette phrase
http://www.yellowbridge.com/onlinelit/yijing01.php
Heaven, in its motion, (gives the idea of) strength. The superior man, in accordance with this, nerves himself to ceaseless activity.
J’ai été également conforté dans ce rapprochement par un site universitaire et le paragraphe suivant :
“First, it means you must be able to adapt to rapid changes in order to cope with modern life. The only way to be able to do so, paradoxically, is to have a firm hold on the fundamentals which do not change much. The adage from 《易经》 (The Book of Changes): “天行健,君子以自强不息” (“The celestial bodies are regular in their motion, so should the superior man labour unceasingly to strengthen his own character”) has benefited millions of Chinese scholars in the past 2,500 years and it is still very applicable and useful today. The universe is in perpetual motion and things never cease to change. Graduates, to live and succeed in an ever changing world, you must seek to have a firm knowledge of the fundamental nature of the world and never cease to improve yourself.
http://www.cityu.edu.hk/op/congregation/congregation_15.htm
Bonne soirée
ah oui, je dois reconnaitre que la piste est solide, et solidement référencée !
le site de l’AFPC (qui donne une jolie présentation du yiking) présente la phrase 天行健,君子以自强不息 dans la section “l’image” du premier gua (non pas jugement comme tu le signalais), et la traduit comme suit :
“Le mouvement du ciel est puissant.
Ainsi l’homme noble se rend fort et infatigable”
c’est vrai que dans les termes 天行健, on sent un mouvement de fond, créateur, un changement qui ne s’altère jamais. C’est peut être cela …
(voir http://www.afpc.asso.fr/wengu/wg/wengu.php?l=Yijing&lang=fr&no=1 )
Quand un malabar est en jeu…….
pour la chouette, voici un papier sur la transformation de soi
les commentaires du yiking par su dongpo, revisités avec le vocabulaire de foucault (herméneutique du sujet)
http://w1.ens-lsh.fr/colloques/chine2004/foucault_dongpo.pdf
Merci Florent pour cette référence dont je ne prend connaissance que ce soir. Pour faire suite à notre rencontre, voici un lien sur un article que j’ai commenté et une réponse de l’auteur sous la forme d’un article :
http://www.comprendreetappliquersuntzu.com/suntzu/2006/10/perception_et_i.html
puis
http://www.comprendreetappliquersuntzu.com/suntzu/2006/10/les_objectifs_d.html
Au plaisir d’une nouvelle rencontre