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Hommes de mer

2007 février 4
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Posted by florent

Voici, grâce à des recherches de Liu, l’histoire du grand navigateur chinois Zheng He

Les expéditions maritimes de Cheng Ho
Au début de l’époque des Ming se situe un événement historique d’un grand intérêt: les expéditions maritimes de Cheng Ho (1371-1435).
Un siècle avant Colomb, la Chine des Ming eut un illustre devancier en cet amiral dont les jonques géantes, cinq fois la taille de la caravelle Santa María, sillonnèrent les océans jusqu’au Moyen-Orient, l’Afrique, voire plus loin…

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Ces expéditions constituèrent un événement exceptionnel, pour plusieurs raisons. En effet, si les Chinois avaient fait en matière navale de grandes découvertes (boussole, gouvernail), ils n’avaient pas maîtrisé la construction proprement dite; les gigantesques jonques qui restaient fragiles et peu sûres.

Cheng Ho est récemment sorti des livres d’histoire de la marine chinoise pour devenir une figure en vogue de la presse internationale.

Tout a commencé quand un historien anglais a clamé la légitimité de l’Amiral Cheng Ho pour avoir découvert en premier la majorité de la planète dès le milieu du 15e siècle et pour avoir gagné les Caraïbes 72 ans avant Christophe Colomb.

Peu importe si les travaux de cet historien changeront le contenu des livres d’histoire ou si le nom de l’explorateur devient tout à coup un nom mondialement célèbre, en Chine Cheng Ho a depuis toujours été considéré comme le premier navigateur des océans.

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La vie de Zheng He: Un changement de nom

Zheng He, habituellement traduit par Cheng Ho en occident, est né vers 1371 d’une famille du peuple Hui qui vivait dans, aujourd’hui la province du Yunnan, sud-ouest de la Chine, et il s’appelait alors Ma He.
De confession musulmane, le grand-père et le père du garçon firent un très long pèlerinage à la Mecque. Ce voyage participa largement à l’éducation atypique du jeune Ma. Il grandit en parlant arabe et chinois, apprenant beaucoup sur la géographie et les coutumes occidentales.

A l’âge de 13 ans, son destin bascula quand il fut attrapé, castré et placé comme servant dans la maison du Prince Zhu Di de la dynastie des Ming (1368-1644).
Il se montra un excellent servant et put apprendre les Arts de la guerre et de la diplomatie et finit par servir dans l’armée de son Prince comme officier.
Après sa reconversion au bouddhisme, le nom de Zheng lui fut attribué ainsi que le nom religieux « San Bao »qui signifie « 3 trésors ».

Zheng He, dont on dit qu’il mesurait 2m27, [donc juste un tout petit peu plus grand que zhaobu wink.gif ] devint plus puissant quand Zhu Di détrôna l’empereur Yong Le pour prendre sa place en 1402. Le nouvel empereur, considéré comme usurpateur, tenta de redorer son image en envoyant sur les mers des flottes spectaculaires pour ramener des ambassadeurs étrangers à sa Cour. Il prit également le contrôle du commerce outre-mer en imposant un monopole impérial sur toutes les transactions.
En 1403, il nomma Zheng He Amiral et l’ordonna de superviser la construction d’une flotte gigantesque pour parcourir et explorer les mers autour de la Chine, appelée la flotte des Trésors.

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Des jonques jusqu’en Afrique !

Le grand départ a lieu le 11 juillet 1405 du port de Longkiang, à l’embouchure du Fleuve bleu, le Yang Tsé Kiang (ou Changjiang).
Deux cents navires emportent – si l’on en croit les chroniques – 27.800 personnes : marins, soldats, mais aussi interprètes, médecins, savants,…
Toujours selon les chroniques, le vaisseau amiral, le plus grand de tous, aurait 140 mètres de long et 58 de large, avec 12 mâts et une jauge de 1500 tonneaux… Ces dimensions font passer la Santa Maria de Christophe Colomb, longue de 28 mètres, pour une coque de noix… mais paraissent très exagérées !
Si elles surpassent en taille les caravelles et les caraques occidentales, ces jonques n’ont pas leur maniabilité. Elles ne louvoient pas et naviguent obligatoirement vent arrière. Pour cette raison, elles ne peuvent sortir de la zone des moussons, attendant d’une saison à l’autre que les vents s’orientent dans l’un ou l’autre sens.

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Les sept expéditions de l’amiral :

- Dans sa première expédition, la flotte des Trésors se rend jusqu’au sud de l’Inde et atteint l’île de Ceylan (Sri Lanka). Elle établit les premiers contacts avec les royaumes locaux.
- Une deuxième expédition en 1407-1409 consolide ces implantations côtières. Cheng-ho fait dresser des stèles à Calicut, Cochin et Ceylan afin de confirmer les liens de ces États avec l’empire des Ming.
- Cheng-ho repart aussitôt pour une troisième expédition en 1409-1411 vers le Siam, Malacca et l’île de Ceylan, où il inflige une défaite militaire à l’armée royale.

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- En 1413-1415, Cheng-ho s’embarque avec 30.000 hommes pour un quatrième voyage jusqu’au golfe Persique, en vue de ramener les pierres précieuses qui font la réputation de la ville arabe d’Ormuz.
Une partie de l’expédition profite de l’occasion pour explorer les côtes de l’Afrique orientale jusqu’aux environs de Zanzibar. On ne se lasse pas d’imaginer ces contacts sans lendemain entre l’Afrique noire et l’empire Ming ! L’expédition rentre à Nankin avec des représentants d’une trentaine de royaumes, tous porteurs de tributs pour l’empereur de Chine.
- Un cinquième et un sixième voyage ont lieu dans les mêmes régions de la péninsule arabe et de la côte africaine des Somalis en 1417-1419 et en 1421-1422.
Mais la mort de l’empereur Yong-lo en 1424 et l’intronisation de son fils interrompent le cycle des expéditions. La Chine commence à se détourner de la mer comme l’illustre le transfert de la capitale, de Nankin, sur la côte méridionale, à Pékin, au milieu des steppes du nord…
Une septième et dernière expédition est organisée en 1433 par le petit-fils de Yong-lo, l’empereur Xuande (Zhu Zhanji), en vue de restaurer des relations pacifiques avec les royaumes du Siam et de Malacca, dans le Sud-Est asiatique. Une partie des navires se rendent de Calicut à Djeddah, le port de La Mecque, en Arabie.
La trace de Cheng-ho se perd à ce moment. Après sa mort, les empereurs Ming renoncent aux explorations maritimes bien que celles-ci eussent atteint leurs objectifs et contribué au rayonnement international de la Chine et au développement de son commerce. Cheng-ho lui-même a laissé de tels souvenirs en Asie du Sud-Est qu’il y est encore par endroits divinisé sous le nom de Sanbao miao.
Sous la pression des lettrés confucéens, qui croient assurer de la sorte la tranquillité de la Chine, les empereurs se replient à l’intérieur de leurs frontières… Mauvais calcul. En agissant ainsi, ils laissent la Chine démunie face aux agressions des Mandchous et des Japonais ainsi qu’aux appétits des marchands européens.

Les outils de navigation

La flotte des Trésors de Zheng He fut le véhicule des dernières technologies et innovations disponibles à cette époque. Ses voyages transportèrent les connaissances chinoises avancées sur la navigation hors de Chine.
La flotte utilisait le compas inventé en Chine au 11e siècle pour la navigation.
Les marins expérimentés connaissaient les difficultés de naviguer sur les océans, en particulier la difficulté de lire le compas correctement pendant un mauvais temps. Les marins chinois ont alors placé le compas à l’intérieur d’une capsule remplie d’eau, ainsi sans se préoccuper des oscillations du bateau le compas gardait une certaine stabilité et pouvait être lu.
Des bâtons d’encens gradués étaient brûlés pour mesurer le temps. Un jour était égal à 10 « tours de cadran » de 2,4 heures chacun.
Les navigateurs chinois déterminaient la latitude en repérant l’étoile du Nord (Polaire) dans l’hémisphère nord, ou la Croix du sud dans l’hémisphère sud.
Les bateaux de la flotte communiquaient entre eux en utilisant les drapeaux, lanternes, cloches, pigeons voyageurs et banderoles.
Inspirés par la structure à plusieurs chambres d’une tige de bambou, les Chinois ont aussi inventé les parois étanches pour leurs vaisseaux.
Les constructeurs de bateaux chinois avaient réalisé la taille titanesque de leurs vaisseaux qui empêcherait de les manoeuvrer avec facilité ; ils installèrent alors un gouvernail mobile qui pouvait se monter ou se baisser, créant ainsi une stabilité supplémentaire.

Aujourd’hui, Zheng He est quasiment inconnu en occident, mais est la fierté de toute l’Asie. Il y a plus de 30 reliques culturelles trouvées en Asie qui relatent les voyages de l’Amiral.

Sources :
http://artslivres.com/
http://www.herodote.net/
http://www.time.com/
http://french.peopledaily.com.cn
http://www.cristobal-colon.net/histoire/Zeng_He

9 Réponses Leave One →
  1. florent permalien
    février 4, 2007

    merci liu

    très intéressant

    je te signale un grand article de national geographic (en anglais) il y a quelques années sur zheng he ; bon à lire car la NGS fait toujours bien attention à ses sources ; et comme tu le dis il y a pas mal d’exagérations qui défraient la chronique ! Il est attesté que Zheng He a poussé jusqu’à Zanzibar si je me souviens bien.

    C’est intéressant de noter qu’il était hui : les hui ont beaucoup favorisé le commerce maritime et les échanges, à partir des côtes est (fujian) et sud (canton guangdong). (à l’époque c’était autre chose que d’interdire de passer un cochon à la télé ). Les Hui se mêlaient à des commercants indiens et arabes, d’où leur conversion à l’islam. La conversion de zheng he au bouddhisme est aussi étonnante je trouve ; peut être un peu politique ?

    c’est du début du règne de zhu di (voir citation) que datent les premières grandes déforestations de l’ile de hong kong, justement pour faire ces armadas.

    oui ces jonques étaient lourdes et peu maniables ! un ami a construit une jonque de guerre sur un modèle chinois du XVIIe siècle au vietnam pour la ramener à st malo via bonne espérance (projet Sao Mai, tu peux googler) ; sa jonque faisait 17 mètres et pesait… … 17 tonnes !
    Le gréement carré des jonques de l’époque les contraint à se déplacer uniquement par vent portant (largue ou grand largue) ; ce qui n’est pas très commode (par rapport aux voiles triangulaires des felouques égyptiennes)

  2. février 5, 2007

    A ta connaissance, existe-t-il des écrits non chinois (en particuliers des pays visités) qui attestent de l’existence de ces expéditions/visites ?
    En tous cas, la lecture de cet article est une très intéressante découverte en ce qui me concerne !

  3. florent permalien
    février 6, 2007

    En asie du sud est , Zheng He est encore aujourd’hui vénéré un peu comme une déité.
    mais plus à l’ouest, en Inde ou en Afrique de l’est, Je ne sais pas s’il reste des récits locaux de son passage. Il faudrait regarder les archives coloniales ou arabes ?

    Je comprends ta perplexité devant les chiffres faramineux des chroniques chinoises : mythe ou réalité ? D’autant plus que beaucoup des documents d’archives chinois ont eux mêmes disparu pendant les tourments du siècle dernier !

    Si je me souviens bien de ce que disait le national geographic, des historiens ont confirmé qu’il ait pu arriver jusqu’à Zanzibar ; ils ont du s’appuyer sur des traces locales pour cela.

  4. xuesheng permalien
    février 6, 2007

    Au mois de décembre, la chaîne Arte à diffusé un doc sur Zheng He
    (lien :http://www.arte.tv/fr/connaissance-decouverte/aventure-humaine/L_27empereur_20des_20mers_20_3A_20le_20voyage_20de_20Zheng_20He/1415080.html )
    Ce doc très intéressant nous montrait aussi qu’il exite encore aujourd’hui en Chine des descendants des commerçants arabes qui suivirent Zheng He et que des descendants de ses marins se retrouvent sur une ile vers Zanzibar.
    De plus des ruines portant des incrustations de porcelaine Ming se trouvaient sur le continent Africain.
    (je m’excuse mais je n’ai pas retenu les noms de ces lieux)? D’apres le site de Arte il est possible de revoir ce doc

  5. Anonyme permalien
    septembre 23, 2008

    Un article intéressant est à noter dans les “enjeux les échos” de Septembre 2008.

    On y lit que la Chine était au XVe siècle la plus grande puissance du monde, avec environ 25% du PIB mondial (contre moins de 5% en 1950…)

    Zheng He et ses armadas auraient atteint l’Australie bien avant James Cook et même les Amériques, selon une thèse fort discutable qui s’appuie sur des similitudes entre art bouddhiste et art maya, et sur des cartes attribuées à Zheng He qui montrent les Amériques.

    L’article semble confirmer ce que je percevais de l’arrêt des expéditions de Zheng he : c’est une décision qui joue un rôle clé dans la fermeture et le déclin de la Chine à partir du XVe siècle. Lorsque l’empereur Chu Yuan Chang décrète en 1436 par l’édit HaiJin l’arrêt des expéditions maritimes, les conséquences seront lourdes.
    Citons l’article de Jacques Marseille (Sorbonne), dont je recommande la lecture :
    “Plusieurs raisons expliquent le changement de cap surprenant d’un empire qui ne cherche pas à s’étendre. Tout d’abord, la pression mongole au nord de la steppe exige de réparer la Grande Muraille et d’y envoyer de nombreuses troupes. L’empire n’a pas les moyens de tout financer. Ensuite, la pression des mandarins qui méprisent le commerce -pour eux, l’agriculture est la seule véritable source de richesse-, redoutent plus que tout l’avènement d’une nouvelle classe, les marchands, et détestent les eunuques qui avaient organisé ces expéditions maritimes.
    Au moment même où les Portugais s’ouvrent à la fois la route des Indes et des Amériques, la Chine immensément plus riche et plus forte se replie sur elle-même, indifférente et imperturbable au monde qui va alors subir l’emprise des valeurs et des appétits occidentaux. Probablement parce que la Chine n’avait que faire de l’or, des épices et des esclaves qui excitaient la convoitise des Etats occidentaux. Sans doute, aussi, parce que le désir d’impressionner le pays voisin, si puissant dans une Europe éclatée en petites entités politiques, ne s’imposait guère à un empire qui se suffisait à lui-même. “l’homme de bien n’a pas à entrer dans une compétition.”, disait Confucius. (…) Un idéal qui laissera le champ libre à l’Europe et coutera cher à une chine bafouée et humiliée, comme jamais une puissance de cet ordre ne l’avait été. (…)

    Contrairement à l’Occident, la Chine n’a aucune prétention à l’universalité. Aucun Péril Jaune à redouter. Convertie au capitalisme, la chine n’a pas de type original de développement à proposer. Le messianisme maoïste, qui soutenait les mouvements révolutionnaires dans le monde, n’a pas été remplacé. Aucune volonté non plus de promouvoir la démocratie ou les droits de l’homme ! En fait la seule ambition de la chine est de reprendre le rang qui était le sien il y a six siècles : le premier… Avec un quart du PIB mondial pour un quart de la population mondiale.

    Florent

  6. Anonyme permalien
    septembre 24, 2008

    des cartes de périodes ming et qing sur le site d’arte : http://www.arte.tv/fr/Comprendre-le-monde/le-dessous-des-cartes/392,CmC=1094860,view=maps.html

  7. Anonyme permalien
    novembre 28, 2008

    Une page de Jules Verne sur une jonque chinoise au XIXe siècle :

    La Sam-yep était une jonque de mer, jaugeant environ trois cents tonneaux. Il en est de mille au dessus, avec un tirant d’eau de six pieds seulement, qui leur permet de franchir la barre des fleuves du Céleste Empire. Trop larges pour leur longueur, avec un bau du quart de la quille, elles marchent mal, si ce n’est au plus près, paraît-il, mais elles virent sur place, en pivotant comme une toupie, ce qui leur donne avantage sur des bâtiments plus fins de lignes. Le safran de leur énorme gouvernail est percé de trous, système très préconisé en chine, dont l’effet paraît assez contestable. Quoiqu’il en soit, ces vastes navires affrontent volontiers les mers riveraines. On cite même une de ces jonques, qui, nolisée par une maison de Canton, vint, sous le commandement d’un capitaine américain, apporter à San Francisco une cargaison de thé et de porcelaines. Il est donc prouvé que ces bâtiments peuvent bien tenir la mer, et les hommes compétents sont d’accord sur ce point, que les Chinois font des marins excellents.

    La Sam-yep, de construction moderne, presque droite de l’avant à l’arrière, rappelait par son gabarit la forme des coques européennes. Ni clouée ni chevillée, faite de bambous cousus, calfatée d’étoupe et de résine du Cambodge, elle était si étanche, qu’elle ne possédait pas même de pompe de cale. Sa légèreté la faisait flotter sur l’eau comme un morceau de liège. Une ancre, fabriquée d’un bois très dur, un gréement en fibres de palmier, d’une flexibilité remarquable, des voiles souples, qui se manoeuvraient du pont, se fermant ou s’ouvrant à la façon d’un éventail, deux mâts disposés comme le grand mât et le mât de misaine d’un lougre, pas de tape-cul, pas de focs, telle était cette jonque, bien comprise, en somme, et bien appareillée pour les besoins du petit cabotage.

    in : Les tribulations d’un chinois en Chine ; p136
    voir : http://florent.blog.com/4275444/

  8. Anonyme permalien
    décembre 5, 2008

    Passionnant tout ça, et puisqu’on parle joncques , puis je me permettre, depuis ma petite campagne, de rappeler le très bon roman de Armand Herscovoci – “Souffle jaune”- chez Pygmalion qui raconte les 30 ans d’épopée de ce grand navigateur, avec une verve et un sens du détail historique assez jubilatoire.
    Tubermamie

  9. Liu permalien
    décembre 6, 2008

    En lisant ce passage très documenté de Jules Verne, je ne peux m’empêcher de penser au caractère écologique des jonques: Bambou, résine du Cambodge, voiles en fibres de palmier, bois… Aussi, je ne me souvenais pas que les safrans chinois étaient percés de trous (?), quant à la pompe de cale, je ne me suis jamais posé cette question à propos des jonques. Je ne sais pas pourquoi ces bâtiments me fascinent…

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