Jalousie
Voilà un terme qui a mis des siècles à subir un changement qui ne met que des années, voire seulement des mois ou des jours, à se faire dans le coeur de l’homme.
En francais c’est un bon sentiment devenu possessif puis hargneux et jaloux.
En chinois c’est du bon vin qui a tourné à l’aigre.
Commençons par le français ; une fois n’est pas coutume.
En bas latin, zelosus signifiait « plein d’amour et de prévenance » (peut être en lien avec le mot “zélé”?)
Puis, vers le XIIIe siècle, gelosie désigne un « attachement farouche à un bien, à un avantage »
En chinois maintenant, un mot pour exprimer la jalousie est simplement le “vinaigre” : 醋 cu4
Voyons quelques expressions sur la jalousie :
醋罐子 cùguànzi n. désigne à la fois une bouteille de vinaigre et quelqu’un d’extrêmement jaloux (une image un peu dure ! remarquez que c’est tout de même mieux que 醋坛子, l’amphore de vinaigre, qui désigne aussi un jaloux)
醋海生波 cùhaishēngbō des troubles du ménage provenant de la jalousie.
打破醋坛子 : être consumé de jalousie
(Je ne m’étends pas sur un autre mot “jalousie” en chinois, qui se prononce ji2du4 嫉妒. 嫉 est composé de la femme 女 et de la maladie 疾 , sous-entendant peut être que la jalousie, c’est la maladie de la femme ?)
Comment est composé le caractère du vinaigre 醋 ?
On voit 酉 (yǒu) ‘le vin’ à gauche et 昔 xī (phonétique) à droite
Faisons maintenant une parenthèse, pour ceux que l’étymologie chinoise intéresse, sur l’élément phonétique 昔 xī
Il signifiait à l’origine “viande séchée” ; il se compose du soleil 日 (rì) en bas ; et d’une partie haute qui s’apparente à 肉 ròu (la viande). Il représente des morceaux de viande mis à sécher au soleil.
Le sens a glissé; de la viande séchée vers l’idée de rance, rassis ; donc vieux ; donc autrefois.
Aujourd’hui 昔 xī (comme dans 昔日, ou 往昔) signifie “autrefois”, le contraire de 今 jīn ‘aujourd’hui’.
Le sens d’origine (viande séchée) s’écrit maintenant 腊 xī, avec l’ajout de 月(肉) ròu ‘viande’. Mais 腊 xī est rarement employé ; et les utilisations de 腊 sont le plus souvent pour signifier 臘 là en simplifié ;comme dans 腊肠(臘肠) làcháng ‘la saucisse’.
昔 est la simplification de l’élément phonétique 巤 liè
Voici l’histoire qui en est à l’origine
Sous les Song, l’empereur avait un premier ministre appelé fanyi, homme très intègre et qui n’avait qu’une femme ; fait rare à l’époque.
Une année, comme c’était la tradition, les vassaux de l’ouest de la chine (les 西域 xiyu) offrirent à l’empereur leur tribut de cadeaux variés , dont de belles femmes pour concubines.
L’empereur fit appeler son ministre et lui dit : “sujet, comment se fait il que tu n’aies qu’une femme ? Tu dois en être fort marri ! Je vais te donner en cadeau une de ces concubines que je viens de recevoir des contrées de l’ouest.
- Impossible, répond le ministre.
- Comment cela impossible ? demande l’empereur
- Impossible car ma femme ne l’accepterait pas.
- Comment ? Tu es dominé par ta femme et tu ne tiens qu’à elle ?
L’entretien s’arrêta là, mais l’empereur n’en croyait pas ses oreilles. Il voulait vérifier si c’était bien vrai.
Il envoya donc son chef des oenuques en grande tenue chez le ministre, un jour où il n’était pas là. L’oenuque fit appeler la maîtresse de maison et lui lut solennellement la bulle de l’empereur selon laquelle un cadeau de plusieurs concubines avait été attribué à son mari.
- Impossible dit la femme ; c’est impossible.
- Mais noble dame, répondit l’oenuque, savez vous que de refuser un cadeau de l’empereur est passible de la mort ?
- Oui je sais , mais je préfère mourir que partager mon mari avec d’autres.
- Bien ; vous allez donc devoir boire ce poison ; (et l’oenuque sortit une flasque et un verre)
- D’accord dit la femme qui prit la bouteille et siffla d’un trait au goulot, sans hésiter.
Elle n’en mourut pas car c’était du vinaigre, selon la volonté de l’empereur joueur.
L’oenuque rapporta la scène à l’empereur qui en rit et laissa son ministre monogamme tranquille.
merci lin !
trés trés joilie histoire