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Bonté et justice

2007 juin 10
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Posted by florent

Voici encore une page du Zhuangzi, cet extraordinaire maître taoiste.

ConfuciusL’oeuvre de Zhuangzi critique à de nombreuses reprises les enseignements de Confucius, souvent via le personnage de Laotan, qui est introduit au chapitre XIII (la voie céleste).

Lao Tan est l’ancien conservateur des archives impériales à la bibliothèque royale des Tcheou.

Pour situer le dialogue qui suit, le disciple Tseu Lou vient de conseiller à son maître Confucius de rencontrer Lao tan pour essayer d’introduire ses écrits auprès du roi

Voyez un peu la volée de bois vert que Confucius reçoit de Lao Tan :

Confucius alla voir Lao Tan. Celui ci n’accepta pas sa proposition. Alors Confucius exposa ses idées contenus dans les douze livres canoniques pour le convaincre.
Après l’avoir entendu et approuvé, Lao Tan lui dit :
- C ‘est trop prolixe. Je voudrais connaître l’essentiel de votre exposé.
- Il se résume, dit confucius, dans la bonté et la justice.
- Celles ci sont elles réellement la nature de l’homme ? demanda Lao Tan
- Oui , répondit Confucius. Car le sage n’atteint à la perfection que par la bonté et ne peut vivre sans la justice. Sans la bonté et la justice, qui sont vraiment la nature de l’homme, que ferait il dans ce monde ?
- Que sont la bonté et la justice ? demanda Lao Tan
- Prendre à coeur le bonheur des hommes et les aimer tous également sans faire entre eux de distinction égoiste, telle est la substance de la bonté et de la justice.
- Ah ! dit Lao Tan, une telle doctrine me semble avoir été fabriquée après coup. L’amour universel comporte des détours, car l’altruisme est une forme de l’égoisme. Voulez vous que le monde ne se trouve pas privé d’autorité ? Voyez alors le ciel et la terre, qui ont leurs lois constantes ; le soleil et la lune qui ont leur rangement ; les oiseaux et les quadrupèdes qui ont leurs troupeaux ; les arbres et les herbes qui ont leurs constitutions propres. On doit laisser agir la vertu de chacun et se conformer au Tao : c’est ainsi que l’on atteint à la perfection. Pourquoi sans cesse prôner la bonté et la justice comme quelqu’un qui ferait battre le tambour pour rechercher son fils en fuite ? Eh ! vous ne faites ainsi que perturber la nature de l’homme.


C’est joli, non ?

(l’envie de remplacer “bonté et justice” par “droits de l’homme” pour lire le texte dans le monde d’aujourd’hui me titille beaucoup dry.gif )

 

 

3 Réponses Leave One →
  1. juin 10, 2007

    Prôner le bien contre le mal est une affaire ancestrale.
    Est-il possible de dépasser la notion même de bien et de mal pour arriver à accepter la nature de l’homme avec ce qu’il a de « bon » mais également d’indissociablement « mauvais », dépasser la dualité bon/mauvais, rejeter le clivage ? C’est ce que Zhuangzi, et ensuite les maîtres Chan et Zen, ont pensé, insistant sur le fait que la sagesse consiste d’abord à changer de points de vue et à regarder le monde et les autres pour ce qu’ils sont, sans pour cela les juger. Cela ne consiste pas à se dispenser d’avoir une conscience mais à se refuser de l’imposer aux autres, partant du principe que c’est par sa propre pratique que l’on aide les autres et non en cherchant à vouloir leur « bonheur » à tout prix, et souvent malgré eux. Toute prône, prêche ou sermon ne cache-t-il pas, derrière un paravent moralisateur, ses intentions réelles d’établir un pouvoir sur les autres ? L’efficacité de ce type d’autorité n’est d’ailleurs jamais très longue.
    L’enseignement de Zhuangzi est bien difficile à appliquer mais ni absurde ni inapplicable. Peut-être suffit-il de prendre le temps.
    Sur un autre registre, on retrouve cette question de l’acceptation de ce qui fait l’humain dans la réponse, en 1938, de Freud à Einstein, que l’on peut télécharger sur : http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/pourquoi_la_guerre/pourquoi_la_guerre.html
    Une fort belle démonstration de Freud qui bien qu’il sache ce que l’homme connaît de contradictions internes ne cherche pas à le redresser ni n’abandonne pour autant tout espoir….
    movitcity.blog.lemonde.fr

  2. juin 14, 2007

    Seulement, demandez à un taoïste quelle est la nature de l’Homme ?

  3. juin 14, 2007

    Serge Renaudie,Serge, merci pour la référence à freud ; j’ai lu un passage de “Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort” sur le site de l’université canadienne en question ; je ne suis pas sûr que ce soit le bon.

    Mais j’ai trouvé dans ce texte des éléments intéressants sur d’autres questions que je me pose sur un autre blog (http://psychanalyse.blog.com/ ), notamment la question de savoir si la psychanalyse a vocation universelle ou non.

    question difficile. Si vous avez des références sur des tentatives d’application de la psychanalyse à des personnes chinoises, je suis preneur !
    (je me demande par exemple si le complexe d’oedipe est applicable intégralement à la famille chinoise (intégralement, c’est à dire jusqu’au désir de meurtre du père)

    pour édouard ; je suis heureux que nous puissions rester en contact malgré la censure ! je vous ferai signe si je repasse en chine pour un temps raisonnable (pas trop court)

    quant à votre commentaire sur la nature de l’homme ; il me semble que mencius a un peu forcé le trait sur la bonne nature de nous autres, et que les légistes (avec hanfeizi) ont forcé le trait en sens inverse. Il me semble que le taoisme donne peu d’indications théoriques sur la nature de l’homme. Il refuse de prendre parti. Les quelques allusions ne sont là que pour étayer un raisonnement. Si j’en trouve d’intéressantes je viendrai les poster ici .

    oui, comme serge je pense que le taoisme cherche à dépasser la question du “sommes nous bons ou mauvais” par un certain pragmatisme dans la quête de l’harmonie au monde.

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