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Mi-automne

2007 septembre 26
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Posted by florent

Joyeuse fête de la mi-automne ! C’était hier soir ; le ciel était un peu voilé à Paris.

C’est une fête importante, le 15 du 9e mois lunaire, lors de laquelle on veille en famille, récitant des poèmes sous la lune qui symbolise l’unité de la famille.

Alors voici encore un poème ; difficile à traduire, pour lequel Jade m’a encore énormément aidé.

C’est une oeuvre d’un fameux poète de la dynastie Song, Su Shi (je préfère son autre nom de Su Dongpo, qui permet de ne pas le confondre avec les sashimi ou autres yakitori)


水调歌头

明月几时有?把酒问青天。

不知天上宫阙,今夕是何年。

我欲乘风归去,又恐琼楼玉宇,高处不胜寒。

起舞弄清影,何似在人间?

转朱阁,低绮户,照无眠。

不应有恨,何事长向别时圆?

人有悲欢离合,月有阴晴圆缺,此事古难全。

但愿人长久,千里共婵娟。


Poème en style 水调歌头, composé en état d’ébriété (l’abus d’alcool est déconseillé de nos jours) par Su Dongpo un soir de mi-automne lors d’adieux à son frère.


Lune, depuis quand brilles-tu ? Et jusqu’à quand ? Un verre de vin à la main, je le demande au ciel pur.

Et en quelle année sont-ils là-haut, au palais des dieux ?

Je voudrais bien chevaucher le vent pour y aller, mais la peur d’être seul au froid palais de jade me retient.

Me mettant à danser, je joue avec mon ombre. Ne suis-je pas ici-bas aussi bien qu’au ciel ?

Le clair de lune se ballade le long des murs du pavillon orné de rouge, caressant la fenêtre décorée*, éclairant celui qui ne dort pas.

Oh lune ! il n’y a pas de haine entre nous ; alors pourquoi es-tu si ronde** et belle juste au moment de nos adieux ?

Les hommes alternent peines et joies, séparations et retrouvailles ;

La lune se montre tour à tour claire et obscure, ronde et incomplète. Il en a toujours été ainsi.

Ah ! Si seulement nous pouvions rester unis pour toujours, partageant à mille lieues l’un de l’autre la beauté de dame lune !


* Les fenêtres étaient faites de papier ou de tissu

** La lune ronde symbolise la perfection de la famille réunie.


Commentaires :

Le poème est dans un style de “chant” très précis, avec un rythme particulier impossible à retranscrire malheureusement. La sonorité du poème est magnifique. La traduction francaise est nécessairement plus verbeuse que le texte chinois (vous pouvez compter les mots pour voir ;-)

L’état d’esprit du poète a été très difficile à discerner, entre une certaine légèreté (alcool ; élan  vers le ciel ; gentille familiarité avec la lune), et une claire tristesse à l’idée de devoir quitter son frère. Le sensible gangounet a eu une interprétation beaucoup plus joyeuse, voire euphorique, du même poème.

10 Réponses Leave One →
  1. florent permalien
    septembre 27, 2007

    Voici d’autres traductions plus professionnelles :

    D’abord une traduction de l’excellent site labyrinthes (http://home.tele2.fr/labyrinthes/sushi_pc83.htm)

    Sū Shì (1037 – 1101)

    « Premier chant mélodique sur l’eau »- L’année du troisième tronc et du cinquième rameau, à la mi-automne,j’ai pris plaisir à boire jusqu’à l’aurore et en grande ivresse ai composé ce texte en pensant à Zi You.

    Clair de lune, depuis quand parais-tu ?

    Verre en main, j’interroge le ciel noir.

    Qui saurait aux tours de ce palais céleste

    En cette nuit combien d’années compter ?

    J’aimerais chevaucher le vent qui rentre, partir,

    Mais redoute qu’en cette rotonde de rubis et de jade

    Si haut perchée, le froid ne l’emporte sur moi.

    Je me mets à danser, jouant de mon ombre claire,

    Qu’est-il de comparable au milieu des humains ?

    Elle se tourne vers les édifices vermeils,

    S’incline sur les fenêtres ouvragées,

    M’illumine les nuits sans sommeil.

    En retour je ne lui vouerai pas de haine,

    Par quelle infortune toujours aux moments des adieux se montre le globe rond ?

    Aux hommes affliction ou joie, départ ou retrouvailles,

    À la lune, voile ou clarté, plénitude ou éclipse,

    Ceci depuis toujours ne se concilie pas.

    Pourtant ceux qui pour un long temps s’espèrent

    À cent lieux de distance partagent la grâce lunaire.

    joli , non ?

    une traduction trouvée sur internet en anglais :

    Will a moon so bright ever arise again?
    Drink a cupful of wine and ask of the sky.
    I don’t know where the palace gate of heaven is,
    Or even the year in which tonight slips by.
    I want to return riding the whirl-wind! But I
    Feel afraid that this heaven of jasper and jade
    Lets in the cold, its palaces rear so high.
    I shall get up and dance with my own shadow.
    From life endured among men how far a cry!

    Round the red pavilion
    Slanting through the lattices
    Onto every wakeful eye,
    Moon, why should you bear a grudge, O why
    Insist in time of separation so th fill the sky?
    Men know joy and sorow, parting and reunion;
    The moon lacks lustre, brightly shines; is al, is less.
    Perfection was never easily come by.
    Though miles apart, could men but live for ever
    Dreaming they shared this moonlight endlessly!

    Tr. A. Ayling & D. Mackintosh

  2. Jade permalien
    septembre 27, 2007

    C’est très beau, ta traduction, Florent!!

    A propos, la date de la fête de mi-automne / de lune, ça doit être le 15 du 8e mois selon le calendrier lunaire. ON dit que ce soir la lune est la plus claire dans l’année, mais je ne suis pas très sûre …

  3. Chaoqun permalien
    septembre 29, 2007

    Bravo pour ta traduction, Florent :)
    Su Shi est mon poète favori.
    Dans le poème que tu cites, j’adore le plus les deux derniers vers, je les trouve très romantiques!

  4. Chaoqun permalien
    septembre 29, 2007

    Par contre j’aime plus le nom Su Shi 苏轼. 轼 en ancien chinois signifie l’appui en bois qui se trouve en avance de la charrette. Le père de 苏轼 lui a donné ce nom en espérérant qu’il deviendrait un homme humble mais indispensable pour le pays.
    Une sorte de modestie exprimée que j’apprécie beaucoup :)

  5. florent permalien
    septembre 30, 2007

    merci chaoqun et jade ; c’est un plaisir de traduire ces poèmes et d’en parler avec vous !

    oui; regardons les noms chinois de ce grand poète song (et grand calligraphe aussi !)

    son nom de famille 苏 d’abord: 办 s’écrivait en traditionnel 稣 : un poisson et une céréale. Cela désignait un festin au moment des moissons : un joli thème !
    Le radical de l’herbe fut ensuite ajouté au dessus pour signifier une herbe du genre thym ou serpolet.
    Mais le caractère 苏 (蘇) a continué à être utilisé dans un sens de “reprendre des forces après la moisson”.

    dans 轼, c’est comme expliqué par chaoqun la partie gauche du caractère, la charette, qui joue le rôle d’élément sémantique.

    quand à l’autre nom 苏东坡 su dong po, on peut traduire 东坡 par “colline de l’est” (ou “pente de l’est”).

    苏东坡

  6. Anonyme permalien
    octobre 2, 2007

    Vous pouvez aussi écouter ce poème en chançon:

    邓丽君~~水调歌头

  7. Anonyme permalien
    octobre 9, 2007

    “Ah ! Si seulement nous pouvions rester unis pour toujours, partageant à mille lieues l’un de l’autre la beauté de dame lune !“ c’est genial! c’est tres beau à lire. Mais si “nous” ne pouvions pas rester unis, la lune encore peuvrra nous raccorder pour toujours.
    wéwé

  8. Anonyme permalien
    mai 19, 2008

    嗯,這裡的『不應有恨』的『恨』字,我想不是『憎恨』的『恨』。
    古文中的『恨』,多半同白居易『長恨歌』的『恨』,是『悔恨』,即『懊悔』之意。所以翻成 regret會比haine貼切得多。
    :)

  9. mars 11, 2009

    great capture,beautiful composition with rich colours.

  10. florent permalien
    novembre 21, 2009

    merci pour le dernier billet en chinois, qui explique comment le caractère 恨 voulait autrefois dire “haine” (comme je l’ai traduit) mais aussi “regrets” ; comme on le voit dans les poèmes de bai juyi.

    on voit ci dessus que des traducteurs professionnels sont tombés dans le panneau…

    et ce n’est pas facile de tourner la phrase en prenant les “regrets”

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