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Yu Hua Cris dans la bruine 8/10

2008 février 9
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Posted by florent
Un très beau livre que je viens de finir. L’auteur Yu Hua, originaire du Zhejiang, est connu indirectement ; c’est lui qui a écrit « Vivre » en 1994, livre merveilleusement porté à l’écran par Zhang Yimou. Il a aussi écrit « le vendeur de sang » que je crois avoir déjà lu dans un recueil de nouvelles.

J’ai beaucoup aimé ce film « Vivre » mais ma femme un peu moins. Ceux qui l’ont vu se souviennent de cette scène d’accouchement en plein pendant la révolution culturelle. Ce sont des paysannes infirmières qui font l’accouchement. Se déclare une hémorragie ; mais il n’y a aucun docteur ! La panique dans l’hôpital ; ces paysannes si sûres d’elles avec leur brassard rouge et leur air sévère perdent tous les moyens qu’elles n’ont jamais eu. On part dans la rue trouver un docteur ; on ramène un vieillard exsangue, les lunettes brisées, le dos chargé de la cangue (cet infâmant linteau de bois porté sur les épaules). Le docteur veut bien aider mais il est épuisé ; il n’a pas mangé depuis trois jours. Quelqu’un court lui chercher des petits pains « mantou » 馒头 dans la rue.

Le vieux docteur en avale douze de suite et meurt étouffé. Pendant ce temps la femme (jouée par Gong Li) meurt en couche.  Horrible scène ; une absurdité extrême. Si ma femme est restée marquée par cette scène vue ensemble, c’est parce que la nuit même, juste après le film, elle accouchait de son premier enfant !

« Vivre », c’est la famille plus importante que l’adversité. Une sorte d’instinct de la famille qui est plus fort que toutes les passions (le jeu) et que toutes les humiliations (le Maoïsme).

Et « cris dans la bruine » aborde aussi merveilleusement bien ce thème de la famille, dans les yeux d’un jeune garçon d’une dizaine d’années. Il est mal-aimé par rapport à ses deux frères ; son père infidèle et violent l’envoie chez un autre  couple dans une ville éloignée. L’histoire se passe en pleine période maoiste, mais l’auteur n’étale aucune accusation de type idéologique. Il montre juste toutes les atteintes à la famille ; par bêtise ou par violence. Tout se découvre dans les regard d’un petit garçon ; les infidélités ouvertes du père, le total irrespect du grand père qui a pourtant eu une vie étonnante et dont on attend juste qu’il meure ; les mouvements telluriques de l’adolescence ; tout cela est merveilleusement bien écrit et décrit.
 

Un passage m’a intrigué p290 (chez actes sud) : alors qu’un élève a fait un graffiti injurieux sur les murs de l’école ; le sévère professeur se tourne vers notre héros Sun et l’accuse en lui disant “je reconnais ton écriture!”. Ce passage me pose deux questions :
- Peut on reconnaître l’écriture de quelqu’un en chinois ?
- Y a t il dans la tradition ou aujourd’hui une graphologie chinoise ?

Finissons ce billet par une coincidence (ou un clin d’oeil?) : nous avions croisé dans la nouvelle Guxiang de Luxun une “princesse du tofu”, en référence à la beauté de XiShi 西施. Et bien on trouve aussi une “princesse XiShi 西施 du tofu” dans ce “cris dans la brume” (page 277 chez Actes sud) ; amusant, non ?
 

A lire !

6 Réponses Leave One →
  1. Jade permalien
    février 10, 2008

    D’abord pour le film “Vivre!”, je fais une petite correction: Gong Li n’a pas joué le rôle de la femme qui meurt en accouchement (l’histoire du seul docteur étouffé par les Mantou), mais le rôle de la mère de cette pauvre femme déjà muette à cause d’une maladie d’enfance.

  2. florent permalien
    février 10, 2008

    ah oui jade merci ; c’est vrai ; il s’agit de la naissance de la première petite-fille du couple héros de l’histoire Fugui et sa femme Jiazhen (jouée par Gong Li) ; c’est donc cette jeune fille muette , la fille de Fugui et Jiazhen, qui meurt en couches

    cela me refait penser au mariage de cette fille avec un boiteux ; tous les invités apportent (pour ne pas prendre de risques) le même cadeau : le petit livre rouge de mao …

    ces temps sont révolus et heureusement

  3. Jade permalien
    février 10, 2008

    J’ai vraiment beaucoup aimé ce film “Vivre!”, très touchant, et les acteurs étaient super dans leur rôle.

    En parlant du mariage de la fille muette et du jeune homme boiteux, c’était touchant aussi: le jeune homme est parti sans rien dire, ce qui a fait croire qu’il n’était pas intéressé par la fille muette, mais peu plus tard il est revenu avec des copains pour réparer la maison pour sa future belle famille.

    Ce que j’aime bien aussi, c’est l’optimisme qui a conclut le film: le couple – Fugui et Jiazhen – ont perdu leur unique fils quand celui-ci n’était qu’un enfant, et puis leur unique fille muette quand celle-ci accouchait, mais à la fin ils avaient quand-même leur petit-fils (à cause duquel sa mère est morte), ce qui apporterait sûrement du bonheur au vieux couple après avoir éprouvé tant de difficultés dans la vie ….

  4. laurence permalien
    février 12, 2008

    Florent, je me permets d’apporter un petit commentaire à ta première phrase, où tu mentionnes le fait que j’ai moins aimé ce film que toi. Je me souviens l’avoir adoré et avoir été doublement touchée :
    - d’abord parce que c’était, je crois, le premier film chinois que je visionnais, permettant donc une rencontre autrement que livresque avec la Chine – infiniment plus humaine, proche et lointaine –
    - et surtout parce que j’ai accouché d’Ostiane la nuit même où nous l’avons vu. Pendant tout l’accouchement, j’étais hantée par des images cauchemardesques et bénissais le ciel de pouvoir accoucher en France à notre époque.
    Ce film a donc pour moi un goût très particulier, fort, presque violent, et il est intimement lié à un des plus beaux jours de ma vie de femme.

  5. florent permalien
    février 12, 2008

    voilà un commentaire bien lointain, mais qui me touche ;-) )

    de peur de trahir notre conversation récente sur le public et le privé ; je te propose de continuer cette discussion sur l’oreiller !

  6. xiao-bob permalien
    février 18, 2008

    Ce film est magnifique, hélas actuellement on ne peut le trouver en DVD en France.

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