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Eric Meyer : Robinson à Pékin 4/10

2008 juillet 16
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Posted by florent
Eric Meyer est journaliste à Pékin depuis 1987. Il a écrit plusieurs livres sur la chine, notamment sur les événements de la place de porte de la paix céleste 天安门. Le livre n’est pas excellent à mes yeux ; c’est une succession d’anecdotes lors du dégel chinois des années 80 et 90. Mais les récits de certains voyages en province (ou même en corée du nord) sont instructifs.

Voici un paragraphe que j’ai trouvé intéressant sur

l’histoire de Zhao Gao. Cette anecdote est très connue ; j’étais tombée dessus dans un forum chinois qui parlait de la démocratie en disant que les chinois de l’antiquité avaient déjà une perception spécifique de la démocratie.

Dans cette anecdote, un prince veut éliminer son frère aîné pour prendre le pouvoir. Il voit un cerf dans un parc et demande à son frère “ne trouvez vous pas ce cheval très beau ?” Son frère répond naturellement “Mais non ce n’est pas un cheval ; c’est un cerf, voyons !” Le prince comploteur demande alors son avis à chacun des membres de la cour. Il mesure le nombre de ses alliés et éliminera ensuite, en prenant le pouvoir, tous ceux qui avaient dit la vérité (cerf) . Ceux de “son camp”, qui avaient vu un Cheval, seront promus.

Voici le passage de “Robinson à Pékin”, qui relate une conversation avec un ami diplomate :

Li Peng, le premier ministre, affirme et fait répéter par ses sbires que personne n’est mort sur la place Tian An Men. C’est une boufonnerie infâme, à la mesure de celle de Zhao Gao, mais qui traduit, pour qui ose regarder les choses en face, un principe de vie plus puissant peut être que le nôtre (l’occidental chrétien) et qu’il est intéressant de méditer en ces temps de quête de nouvelles valeurs !

“la terre n’est ni un temple ni un tribunal, conclut mon ambassadeur. La recherche de la “vérité” est stérile, elle ne nourrit pas son homme, ni ne le sauve du danger. Mentir aux ordres du prince, ce n’est rien d’autre que trouver le bon tempo, celui qui se situe, pour la Chine, entre deux fréquences extrêmes : la souplesse opportuniste pour sauver sa vie, et la fidélité à l’Etat.” J’aurais envie d’ajouter “et à la cohésion du groupe, au respect des règles de Confucius, sans lequel l’individu chinois s’étiole et se meurt.

Un passage page 18 est horrible sur le thème de l’indifférence à la souffrance d’autrui. Je préfère ne pas le citer ici. Plus loin page 30, une étonnante citation de Confucius (dont je n’ai pas vérifié l’authenticité) illustre bien le fond collectif chinois :
Un ignorant qui veut suivre son propre jugement, un inférieur qui veut suivre sa propre volonté… Ces hommes s’attirent des malheurs“.
Mais le même confucius fait aussi l’apologie de l’intégrité morale de la personne contre l’usage ou le groupe :
Prendre un extérieur trop composé, donner des marques de déférence excessives, j’en aurais honte… Haïr un homme du fond du coeur et le traiter amicalement, j’en aurais honte

page 134 une intéressante réflexion sur l’exotisme :
l’exotisme en réalité n’est qu’un cloisonnement, la conviction tranquille de la supériorité d’une ethnie sur une autre. Et dans ce domaine, la sottise est bien partagée. L’occidental n’est pas mieux loti que le Chinois, benoîtement assuré qu’il est de l’unicité de sa Culture, la seule, la sienne.”

Page 141, dans un passage sur les religions qui ne touchent en tout que 15% des chinois, l’auteur explique que le confucianisme (qui est plus un “code civil” qu’une religion) et surtout le corpus des écrits classiques chinois sont devenus le fondement de la civilisation chinoise. Une idée que nous avions ressenti dans le billet de la culture selon les cultures.
Le plus laique des états du monde, la Chine, a fondé sa culture non pas sur une bible ou un coran mais sur une littérature antique, des romans, des poèmes et des traités techniques qui, aujourd’hui encore, nourrissent la conscience nationale“.

Et terminons par une erreur de chinois, curieuse pour un journaliste qui a vécu très longtemps à Pékin :
On lit page 214 que “curieusement baptisé matou, “tête de cheval”, c’est à dire appontement…”
Ce matou s’écrit 码头 et non pas 马头 qui voudrait effectivement dire “tête de cheval”. La différence entre les deux, c’est que le premier terme (qui désigne un quai en chinois) comporte le radical de la pierre 石 à gauche. Il se prononce aussi ma, comme le cheval. Ce mot de matou n’a donc rien de curieux si on l’écrit bien 码头 ; il ne désigne nullement une tête de cheval…

5 Réponses Leave One →
  1. Anonyme permalien
    juillet 16, 2008

    Voici l’article en chinois sur la démocratie, qui raconte l’histoire de Zhaogao
    http://www.chinaelections.org/NewsInfo.asp?NewsID=105020

    有趣的是,中式民主正是在中央集权下产生的。而发明这个中央集权下的中式民主传统的赵高,简直就是个伟大的天才了。赵高是怎样发明中式民主的呢?这就需要复习一下中国历史上,最著名的一个成语故事“指鹿为马”了。

      一天,赵高牵了一头动物到朝廷上开会,说是要把这匹“马”献给秦二世。皇帝却说:“赵高你错了,这明明是只鹿啊。”面对皇帝的尖锐质疑,赵高并没有慌张,因为他已经掌握了中式民主的真谛。赵高立即把是鹿是马这样大是大非的问题交给大臣们一起讨论,大臣们也纷纷“各抒己见,畅所欲言”了。

      大多数大臣都认为是马,也有少数大臣发表了不同意见,认为是鹿。最后,赵高依据少数服从多数的原则进行了“集思广益”,做出了中国历史上第一个民主决策:那头动物就是一匹马。这是一个伟大的决策,是早期中式民主最光辉的实践成果了。他不但完善了所有中式民主的程序,而且还以纠正了皇帝马鹿不分的严重错误而告终,这是非常难能可贵的。

      赵高对中式民主的贡献还不止于此,他最后把那些说鹿的少数大臣给杀了。这样,在以后秦朝举行的民主会议上,大臣们虽然继续“各抒己见,畅所欲言”,但都能与赵高的思想保持高度一致了。这就减少了赵高“集思广益”的难度,减少了民主成本,提高了民主效率。

      因此,中式民主的传统就被赵高赋予了鲜明的中国特色:这就是中式民主总能让大家高度一致的“各抒己见,畅所欲言”。这个特色,即使在今天的中国,我们都还总能见到,这是西式民主无论如何都不具备的。

      因此,作为中国人,要看到中式民主的优良传统,不必在西式民主面前妄自菲薄。毕竟,民主也是中国的传统嘛!

  2. Anonyme permalien
    juillet 17, 2008

    Très révélateur pour faire comprendre “la caractéristique chinoise”.

  3. Anonyme permalien
    juillet 17, 2008

    pourriez vous élaborer un peu sur “la caractéristique chinoise” ? Le sujet m’intéresse bigrement. Et j’étais resté un peu sur ma faim à la lecture de l’article ci dessus.

    Merci
    Florent

  4. Anonyme permalien
    juillet 17, 2008

    “Un passage page 18 est horrible sur le thème de l’indifférence à la souffrance d’autrui.”
    Les récits d’Occidentaux rapportent toujours ce thème mais il ne faut arrêter de généraliser, la Chine est tellement diverse que ce genre de lieu de commun devient faux et à côté de la plaque car on peut trouver de nombreux exemples montrant le contraire.
    J’hésitais à lire ce livre, j’ai bien fait de ne pas me précipiter.
    silouane.blog.lemonde.fr

  5. Anonyme permalien
    juillet 17, 2008

    Oui silouane. Ce thème de l’empathie ou de la compassion est l’un des plus douloureux chocs culturels que je connaisse.

    Il nous semble que ce soit universel, mais on se rend compte que cela prend des formes très différentes en chine.

    Je me souviens de Lucien Bodard décrivant des scènes de son enfance à Chengdu très frappantes aussi.

    Mais il me semble aussi que la compassion est très présente en chine ; il ne faut pas s’arrêter à des scènes choquantes et généraliser.

    Oui ; globalement je ne conseille pas ce bouquin de Meyer à quelqu’un qui comme toi semble avoir beaucoup d’expérience de la chine.

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