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Caractères chinois et alphabet

2009 janvier 25
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Posted by florent
Ce billet fait la synthèse d’une passionnante discussion sur le forum de chine-nouvelle.

La question posée est la suivante :
 

Romaniser la langue chinoise :
est ce possible et souhaitable ?

(romaniser le chinois consisterait à l’écrire non plus avec des caractères comme ceci 汉语, mais avec les lettres de l’alphabet romain comme cela : Han4yu3)

Exemple avec un vers de Su Dongpo :


但愿人长久,千里共婵娟。=>  dànyuàn rén chángjiǔ,qiānlǐ gòng chánjuān.

 

Après avoir mis en lumière quelques particularités de l’écriture chinoise, je reprendrai quelques phases historiques avant d’aborder le cœur de la question et d’en donner une perspective. 

Quelques particularités de l’écriture chinoise

Une écriture d’origine divinatoire qui dessine le monde plus qu’elle ne dessine la parole.


Le chinois écrit est de nature logo-graphique , c’est-à-dire qu’un signe écrit, un caractère, renvoie à un son et à un sens donnés.
La lettre “r” se prononce “r” mais n’a pas de sens,
Le caractère 人 se prononce ren2 et signifie “homme”.


L’écriture chinoise a une origine divinatoire, ce qui la distingue des alphabets. De ce point de vue la frontière historique entre la « protoécriture » (ensemble de signes non organisés en système) et l’écriture reste encore  bien floue aujourd’hui.  Mais il en subsiste encore aujourd’hui, peut être plus de manière inconsciente, une sorte de « valeur sacrée » du caractère chinois ou de « grand bain » de la civilisation chinoise par rapport à la lettre romaine qui est purement fonctionnelle.

L’occident se définit assez peu par son alphabet : de mémoire le point n’était quasiment pas abordé dans un livre entier dédié à la définition du terme “occident” (et d’ailleurs l’occident moderne compte en son sein trois alphabets : le cyrillique, le grec et le romain) ; alors que la Chine accorde, par le  nom même qu’elle donne à la culture 文化, une place très importante à l’écriture).

 

Beaucoup de signes, et peu de sons


L’écriture chinoise se caractérise par plusieurs dizaines de milliers de caractères, et par un faible nombre de phonèmes (1200 syllabes). Contraste saisissant avec les 26 lettres de notre alphabet et les combinaisons phonétiques en syllabes beaucoup plus nombreuses. D’où un grand nombre d’homophones en chinois, qui demandent distinctions par la langue écrite (à défaut de prononciations différentes).
Les caractères suivants ont tous des sens bien différents, mais se prononcent tous exactement de la même manière : shi4
是 事 室 市 式 世 拭 示 誓 氏 士 舐 柿 逝 侍 仕 螫 嗜 噬 恃 筮 似 奭

(note : En français le rôle distinctif de l’écriture pour séparer les homophones existe, mais reste plutôt marginal. On pourrait citer les accents comme dans « a » et « à » ; ou bien « mer » et « mère », mais cette fonction de l’écriture est bien moindre en français qu’en chinois. )

 

Alors qu’un texte français se décompose en mots faits de lettres, un texte chinois se décompose en polynômes (groupe de deux caractères, parfois, trois ou plus) et en caractères, la grande majorité des caractères portant isolément déjà un sens (à l’exception des morphèmes non libres tel qu’on ne pourra utiliser tout seul pour dire « magasin » dans l’expression « quelques magasins » par exemple).

 

Absence d’espace entre les mots

 

Compte tenu de la non séparation physique des morphèmes par l’espace typographique que nous utilisons en français (sansquoiceseraitplusdur), il semble impossible de définir précisément le nombre de polynômes et de caractères isolés dans un texte. Ainsi la notion de mot (la plus petite entité de sens distincte) se trouve plutôt inapplicable à la langue chinoise : un caractère est le plus souvent un mot ; mais certains caractères, les morphèmes non libres, ne sont employés que dans des structures de polynômes, qui forment alors les mots.

Une langue écrite couvrant plusieurs dialectes prononcés différemment

Le fait est notoire : une phrase lue par un cantonais et un pékinois pourra être prononcée différemment mais tout aussi bien comprise.

 

Prenons, en cette période de vœux, la formule consacrée :

恭喜发财 :souhaits de bonheur et de prospérité

Un Pékinois lira :   恭喜发财 gōngxǐfācái

Un Cantonais lira : 恭喜发财gung hei/ faat- choih

 

Une comparaison avec la présence du latin en Europe médiévale est inadéquate : le latin se superposait aux langues locales (comme le français) avec son alphabet et sa prononciation associée.

Quand un moine lisait le mot « magnum » il pensait au son magnum (donné par la forme écrite « magnum ») et ensuite faisait le lien avec le mot « grand » en français (qui s’écrivait grant).

Quand un cantonais lit le caractère , il prononce  [hei/]  sans passer par l’intermédiaire de la prononciation [xǐ] du mandarin.

 

L’écriture chinoise est utilisée par des dialectes variés au sein de la famille des langues sino-tibétaines.

 

Distance entre l’écrit et la prononciation

 

Dernière particularité intéressante ici : le lien entre la forme d’un caractère et sa prononciation est plutôt distendu, par rapport au lien entre la forme d’un mot français et sa prononciation.

On peut dire que l’écriture chinoise est aujourd’hui  quelque peu « déconnectée » de la prononciation dans les différents parlers de Chine.

 

Notons qu’une très grande majorité des caractères chinois, plus des trois quarts, porte historiquement un marqueur phonétique, c’est à dire qu’ils ont été construits avec un ou plusieurs composant sémantique (donnant le sens) et un composant phonétique (donnant une idée de la prononciation).

Toutefois, les prononciations ayant beaucoup évolué à travers l’histoire, cela ne signifie pas pour autant qu’un chinois puisse lire un caractère facilement en le voyant pour la première fois. Prenons deux exemples de caractères qui ont été concus pour aider à la prononciation, mais qui n’aident plus aujourd’hui un chinois à se faire une idée exacte de leur prononciation :

Ex1. (la rivière : indique l’eau et indique le son). qui se prononce aujourd’hui “gong1″ en mandarin est pourtant assez éloigné en prononciation de qui se dit “jiang1″)

 

Ex2 (= une assiette : indique le sens de “plat” et donne le son). Là aussi on voit que les prononciations du caractère ( prononcé “pan2″) et de son marqueur phonétique ( prononcé “ban1″) diffèrent, tant par le son que par le ton.

 

Le lien plutôt distendu entre l’écriture et les prononciations s’explique donc par deux facteurs :

-          l’aspect fédérateur d’une écriture décrétée politiquement (comme nous le verrons dans un instant) et qui recouvre une diversité de parlers

-          l’évolution des prononciations (alors que l’écriture n’évoluait pas), qui a quelque peu brouillé les pistes des marqueurs phonétiques présents dans la langue chinoise.

 

Pour plus de détails sur les six catégories de caractères chinois appelées liushu 六书, voir ici

 

Pour lire plus sur l’écriture chinoise, voir l’article de wikipedia  

On voit donc en résumé des particularités de l’écriture chinoise : Grand nombre de caractères à apprendre et présence de  beaucoup d’homophones ; notion de mot plutôt inapplicable ; distance entre l’écrit et ses prononciations.

 

Ces particularités donnent une un statut plutôt unique et une élégance particulière à l’écriture chinoise, que d’aucuns désignent comme la plus belle invention chinoise.

Mais elles engendrent aussi une difficulté dans l’apprentissage et un décalage particulier entre un « fonds d’écrit » relativement constant et des langues orales qui évoluent en permanence.

 

Perspective historique

La période classique

Sans remonter jusqu’aux troubles périodes de

 proto-écriture, partons de l’unification de l’écriture par Qin Shihuang, deux siècles avant JC : les caractères sont harmonisés et unifiés (malgré une grande diversité de dialectes au sein d’une même grande famille des langues sino-tibétaines), dans une volonté politique évidente d’unification du pays, et de sa culture.

 

Citons
Chu XiaoQuan dans un article sur l’identité de la langue chinoise (in « La pensée en Chine aujourd’hui », Anne Cheng)

 

« Désireux d’accéder à l’immortalité comme ses lointains pairs les pharaons égyptiens, Qin Shi Huangdi, le premier empereur chinois, n’était pas insensible à la constance extraordinaire de l’écriture chinoise et, une fois sur le trône impérial, il se mit à bâtir son autorité universelle, non pas sur les blocs majestueux des pyramides, mais sur ces petits carrés de caractères chinois dont la forme avait été fixée par son Premier ministre dans un texte modèle diffusé dans son vaste empire »

 

On se retrouve donc, deux siècles avant Jésus Christ, avec une écriture unique imposée par l’empereur, couvrant un paysage linguistique large et varié, et dont la forme restera figée jusqu’à nos jours. Le caractère pour désigner la reine n’a pas évolué dans sa forme standard depuis deux millénaires, même si sa prononciation a pu évoluer.

 

Le nombre de caractères augmentera ensuite, en suivant le développement de la civilisation, de 9 000 environ jusqu’à se stabiliser vers 50 000 lors de la dynastie Song (après l’an mil de notre ère). Voir les chiffres détaillés ici 

 

Je n’entrerai pas dans les subtils détails de la distinction entre le chinois classique Gǔwén (古文)  et le chinois littéraire Wényánwén (文言文),

 

Déclin et modernisation

Depuis la dynastie Ming (XIVe siècle), une pression populaire et intellectuelle fait apparaître, dans des textes d’abord informels puis en littérature puis, dans les années 1920, dans la plupart des productions d’écrit, une nouvelle forme d’écriture appelée Baihua 白话

C’est une langue écrite basée sur le mandarin, langue du nord, et plus proche du parler vernaculaire que ne pouvait l’être les chinois classique et littéraire. Notons que la forme des caractères n’évolue pas ; c’est plutôt leur usage et les règles grammaticales qui évoluent, de pair avec une réflexion nationale sur le thème de la modernisation de la Chine.

 

On voit alors se multiplier les polynomes (tel 国民党 le guomindang, parti nationaliste, ou bien 共产党 le parti communiste),  parfois empruntés à des mots occidentaux :

-          phonétiquement (comme 逻辑 prononcé luo2ji : la logique)

-          sémantiquement (电脑 diànnǎo: littéralement “cerveau électrique” : l’ordinateur),

-          ou encore par cette possibilité de « dessin » qu’offrent les innombrables formes écrites chinoises (comme丁字库, littéralement « culotte en forme de  » : le string. Bien trouvé non ? )

 

Une autre caractéristique du baihua est que les fonctions grammaticales des mots (nom, verbe, adjectif) sont renforcées, alors qu’elles étaient plutôt interchangeables en chinois classique.

 

Durant cette émergence du baihua fin XIXe début XXe, on voit apparaître de nombreuses contestations sur l’aspect figé de l’écriture chinoise classique, parfois jugé responsable du déclin de la Chine amorcé depuis l’arrêt des expéditions maritimes de l’amiral Zhenghe  et manifesté par l’occupation militaire occidentale (bien décrite dans un livre de Pierre Loti  ).

 

Quelques citations l’illustreront :

“Vous dites que les caractères chinois ont une beauté sans égale. Et bien justement au nom de leur beauté sans égale, ils nous contrarient par leur difficulté sans pareille ! »

Phrase publiée fin XIXe par Lu Zhuangzhuang dans globe magazine 

« La langue chinoise, parlée ou écrite, ne possède pas de règles grammaticales bien précises […] Le caractère rudimentaire de la grammaire chinoise constitue alors une preuve que la pensée chinoise ne peut pas être très raffinée. En d’autres termes, l’esprit chinois est resté dans un état embrouillé »

Luxun,

(on remarquera que le brillant écrivain Luxun  s’en prend à la grammaire, mais pas aux caractères chinois)

 

« les caractères chinois sont un produit de la société féodale, devenus actuellement un outil d’oppression de la classe au pouvoir dirigé contre les masses ouvrières »

(conférence du parti communiste à Vladivostok en 1931)

 

Certains sinologues occidentaux participent de cette critique de l’écriture chinoise comme responsable du déclin du pays :

Citons un article que le célèbre Marcel Granet a écrit pour les intellectuels chinois engagés dans la réforme de la langue classique. L’article fut publié en 1920 dans la “revue philosophique de la France et de l’étranger” sous le titre “quelques particularités de la langue et de la pensée chinoise”
Il décrit dans cet article la langue chinoise comme imagée et poétique, mais tournée vers le passé et pas vers le progrès, inapte à la démarche scientifique (notamment car elle illustre les choses au lieu de les définir, et car elle reste implicite)

Un passage p193 : “Associée aux formes d’expression qu’elle revêt habituellement, la pensée chinoise peut-elle s’appliquer à la recherche scientifique ? Cette pensée, qui semble d’essence pittoresque et musicale, qui s’exprime en tout cas, par rythmes et par symboles concrets, quel succès aura-t-elle, appliquée à un domaine où sont requis des formulations claires et distinctes et des jugements explicites?”

Encore un passage éclairant juste avant :
“Tandis qu’un français, par exemple , possède, avec sa langue, un merveilleux instrument de discipline logique, mais doit peiner et s’ingénier s’il veut traduire un aspect particulier et concret du monde sensible, le chinois parle au contraire un langage fait pour peindre et non pour classer, un langage fait pour évoquer les sensations les plus particulières et non pour définir et pour juger, un langage admirable pour un poète ou pour un historien, mais le plus mauvais qui soit pour soutenir une pensée claire et distincte, puisqu’il oblige les opérations qui nous semblent les plus nécessaires à l’esprit, à ne se faire jamais que de façon latente et fugitive.”
(notons bien que Granet ne nie ni logique ni abstraction à la langue chinoise. Il lui nie la capacité de les fixer de manière durable en règles qui, se transmettant et s’enrichissant de génération en génération, deviennent le progrès)

On comprend alors la conclusion et la recommandation que Granet donne aux intellectuels chinois p190 191 :
“Tant qu’il s’écrira en caractères, le chinois restera une langue toute concrète et une langue morte. [...] Le problème qui se pose aux chinois me paraît revenir à ceci : travailler tout de suite de manière à transformer la langue parlée en la rendant susceptible de supporter une transcription phonétique, et en faisant d’elle une langue neuve, qui échappe à l’influence de la langue écrite [...] et où l’usage de la dérivation et des formes grammaticales puisse arriver à s’installer”
On voit qu’il proposait de réformer le Chinois écrit en supprimant carrément les caractères chinois (Hanzi), et même en allant plus loin c’est à dire en “important” de la grammaire de type occidental. C’était assez radical comme projet !

 

Le projet du parti communiste chinois sera d’ailleurs, à partir de 1949, de réformer la langue en trois étapes :

 

  1. Introduction d’une romanisation à but d’apprentissage des caractères : le pinyin 拼音 (dans le cadre d’un programme d’alphabétisation massif et couronné de succès, dans la mesure ou le taux d’illettrisme est passé de 80% de la population chinoise en 1949 à 20% dans les années quatre-vingt et à moins de dix pour cent aujourd’hui , alors qu’il reste élevé en Inde par exemple (30%).
  2. Simplification des caractères (en utilisant le plus souvent des formes déjà existantes de caractères, par exemple des raccourcis calligraphiques). Prenons un exemple avec le livre : dont la forme simplifiée devient  : le caractère représentant une main qui tient un pinceau () au dessus de lamelles de bambou () , il était déjà calligraphié sous la forme , pour aller plus vite et pour délier le geste, depuis bien longtemps.
  3. Suppression pure et simple des caractères chinois, au profit de la romanisation pinyin 拼音

 

Cette citation du linguiste (communiste) Wang Li illustrera cette phase 3 :

« Notre nation une fois debout, notre langue ne sera plus méprisée. L’écriture chinoise sera bientôt remplacée par le pinyin 拼音, ce qui facilitera l’apprentissage du chinois par nos amis étrangers et nous entrerons alors dans l’ère socialiste qui est aussi celle où le chinois sera diffusé dans le monde entier. »

 

Cette phase 3, qui visait à la suppression des caractères chinois, n’a jamais vu le jour. Les deux causes de son abandon sont, à ma connaissance :

-          La difficulté de faire correspondre à une seule écriture alphabétique une multitude de dialectes ; et les risques de scissions régionales au sein de la nation chinoise dans toute sa diversité linguistique orale. Reprenons l’exemple de la formule de vœux vue plus haut : un cantonais habitué à lire hei/ en voyant le caractère devrait désormais prononcer [hei/] en voyant le pinyin [xi3], ce qui ne tombe pas sous le sens ! (et ce d’autant plus que le son [xi3] renvoie aujourd’hui à 48 caractères homophones différents, dont 7 formes courantes)

-          L’apparition de la saisie informatique en chinois, qui facilite considérablement la mémorisation des caractères. En effet l’ancienne méthode d’écrire le caractère au crayon sur une page blanche demandait la parfaite mémorisation des 30 traits qui le composent. Aujourd’hui avec l’informatique, on saisit le pinyin au clavier « luan2 » et l’on a juste à reconnaître le caractère parmi les six caractères homophones proposés par l’ordinateur. L’effort mis à reconnaître un caractère dans une liste est nettement moindre que celui de le dessiner sur une page blanche. Aujourd’hui beaucoup de chinois ne savent pas écrire un caractère donné sur une page blanche, alors qu’ils le connaissent pourtant bien et sauraient le lire, et le saisir sur un ordinateur.

 

Ces deux facteurs (et d’autres peut être) ont abouti à l’abandon du projet maoïste de romanisation de l’écriture chinoise, alors que les deux premières phases du projet ont bien vu le jour.

 

Aujourd’hui, le facteur informatique aidant encore plus et la Chine prenant une place ascendante sur la scène mondiale ; les spécificités de l’écriture chinoise sont à nouveau vantées comme faisant partie de l’identité culturelle chinoise.

 

Il n’existe plus de projet sérieux de romanisation de l’écriture chinoise.

 

Mise en perspective.

 

Comme on l’a vu, l’écriture chinoise comporte, du fait de son grand âge, des splendeurs et des difficultés.

Elle est unique dans la mesure où toutes les autres langues aujourd’hui utilisées à grande échelle sont de nature alphabétique (à part le japonais qui est mixte, partiellement constitué de caractères originellement chinois : les Kanji). Notons les deux exceptions d’écritures encore syllabaires : les langues inuit et cherokee. La langue chinoise est la seule langue logo-graphique encore en usage.

 

Les difficultés sont toujours là : l’apprentissage de l’écriture chinoise demande une scolarité dédiée, ou un cursus de plusieurs années. Les enfants de couples franco-chinois sont souvent, dans le cas où ils ne fréquentent pas une école chinoise, beaucoup plus à l’aise avec l’écriture française qu’avec l’écriture chinoise. Même s’ils parlent parfaitement les deux langues. Et ceci est vrai en France comme en Chine.

L’écriture chinoise pourra t elle continuer à résister ainsi à la “phonétisation” de toutes les formes d’écriture ?
 

Si l’on se projette à long terme, trois options peuvent se dessiner :

  1. Maintien de l’écriture chinoise dans sa structure logo-graphique.
  2. Décret politique imposant la romanisation
  3. Evolution lente vers un alphabet.

 

Les options 1 et 2 n’ont pas besoin d’être commentées ; on a vu que le régime maoiste a failli procéder à ce décret politique imposant un alphabet et une romanisation « pinyin » du chinois.

 

Pour imaginer le scénario 3, il faudrait que la grammaire évolue encore significativement, et que le nombre de mots poly-syllabiques (qu’ils soient importés ou non) prenne encore de l’importance, avec une graduelle augmentation des morphèmes non libres (ne pouvant être utilisés seuls) au détriment des morphèmes libres. On aurait ainsi des caractères devenant de plus en plus des « morceaux de mots » (plutôt que des entités de base), se spécialisant dans cette fonction, et devenant graduellement les lettres d’un alphabet en se fusionnant avec d’autres  caractères homophones.

 

J’ai pu voir plusieurs occidentaux parler de la romanisation en semblant vaguement la souhaiter, tant elle simplifierait l’affaire et permettrait de standardiser les choses au niveau mondial.
Après tout l’alphabet romain a aujourd’hui conquis l’Europe de l’ouest, l’Afrique noire, les deux continents Américains, l’Océanie, l’Asie du Sud est (Malaisie, Indonésie, Vietnam, Philippines, Papouasie et Micronésie)…
Il ne manque pas grand chose pour que le monde entier écrive en lettres romaines !
(voir la carte des écritures utilisées dans le monde)

Pour prendre position dans le débat ; il me semble que

-          Le chinois écrit est aujourd’hui une langue majoritairement monosyllabique, fondée sur le caractère (même si l’époque moderne voit se multiplier les mots plurisyllabiques)

-          Les spécificités de cette écriture méritent encore dix mille ans de vie ! 
 
中文万岁 !

 

Je terminerai ce très long billet en boutade, par une excellente phrase d’Edgar Faure sur le changement :
“En décrétant le changement, l’immobilisme s’est mis en marche, et je ne sais plus comment l’arrêter”

16 Réponses Leave One →
  1. Anonyme permalien
    janvier 26, 2009

    Je crois que le peuple chinois a déjà répondu :
    - mao zedong n’a pas réussi à imposer le pinyin et à éradiquer les sinogrammes comme tel était son intention.
    - dès la fin de la scolarité ou on leur impose le pinyin, les chinois l’oublie.
    Que serait la tour de Babel chinoise sans les caractères qui leur donne une possibilité d’unité ?
    Il ne serait pas étonnant non plus que l’apprentissage des caractères fasse travailler le cerveau des apprenants d’une façon différente des langues alphabétiques, ce qui pourrait expliquer en partie la brillante civilisation chinoise !

  2. janvier 26, 2009

    “dès la fin de la scolarité ou on leur impose le pinyin, les chinois l’oublie”

    C’est surtout du au fait que le pinyin n’est pas utilise… Il s’ajoute donc a la longue liste de choses oubliees des la fin de la scolarite.
    Neanmoins le pinyin a son utilite lors de l’apprentissage des caracteres.

    Mon opinion: la transition vers un systeme alphabetique (pas forcement la ‘romanisation’) ne se fera pas parce que:
    1. Symboliquement, les caracteres sont l’ame de la civilisation chinoise.
    2. Pratiquement, la langue chinoise et ses homophones se prete extremement male a une ecriture alphabetique.

    Je comprend mal l’opportunite d’un tel debat. Surtout qu’utiliser le terme “romaniser” au lieu d”alphabetiser” a une connotation d’imperialisme culturel (dirons certains) sans doute inacceptable aux yeux des chinois.

    PS: Un coreen est egalement sense connaitre un certain nombre de caracteres chinois.

  3. Anonyme permalien
    janvier 26, 2009

    “dès la fin de la scolarité ou on leur impose le pinyin, les chinois l’oublie”
    “le pinyin n’est pas utilise”

    Je sais qu’il existe plusieurs autres systèmes (bopomofo, etc.) mais je croyais que le pinyin était très largement utilisé (au moins en RPC) pour composer des SMS ou pour taper sur ordinateur. Si tel n’est pas le cas, comment font les Chinois, pratiquement? Merci.

  4. Anonyme permalien
    janvier 29, 2009

    Une petite correction, Florent. 丁字库 –> 丁字裤

    Si les Chinois devaient dès lors employer le chinois romanisé, je pense qu’on s’affole beaucoup avant de s’y habituer ^_^….

    M. Bellassen a écrit dans son petit bouquin en chinois qu’un caractère chinois est comme un visage; on le reconnaît de la même manière de reconnaître un visage qu’on a déjà vu. S’il n’y a plus de caractères, il n’y a plus de visages, donc plus de repères ….

  5. janvier 30, 2009

    C’est très intéressant ce que tu as écrit !

  6. Anonyme permalien
    janvier 30, 2009

    une mignonne vielle hisoire.
    Le Chinois est une langue belle et unique.
    Abandonner les caractères est impossible.
    Mais siniser les langues alphabétiques,cela est le plus simple et le plus exécutable.
    ce qui était témoigné dans l’histoire.
    nous recevrons le jour le plus possible où tout le monde écrira les caractères.
    le monde sera unifié.

  7. Anonyme permalien
    janvier 30, 2009

    merci pour les commentaires. Je pars à los angeles et n’ai pas le temps de rebondir dessus ; je le ferai à mon retour.

    (j’aurais aimé avoir les sources de la “mignonne vieille histoire” ; elle est très mignonne effectivement ! )

    très mignonne aussi l’image du visage pour les caractères ! complexes; et variables selon les contextes et les humeurs

    Florent

  8. Anonyme permalien
    février 4, 2009

    Quelle drôle d’idée. Vouloir romaniser le chinois équivaut à une ignorance totale de ce qui fait la richesse de cette langue…… Bref, cela me semble aussi absurde que de vouloir tricoter avec des grains de riz !
    Tubermamie.

  9. Anonyme permalien
    février 9, 2009

    un lien intéressant pour ceux qui voudraient creuser :
    http://www.cultura-sorda.eu/resources/Tesis_Boutora_2003.pdf

    on y affirme que le chinois est une langue mono-syllabique et qu’elle a peu évolué, ce qui est assez en phase avec ma bafouille ci dessus.

    en même temps, deux sinologues à qui j’ai posé la question m’ont dit que le débat faisait rage, mais qu’ils considéraient le chinois moderne comme une langue plurisyllabique.
    me voilà perplexe…

  10. Anonyme permalien
    février 15, 2009

    Très intéressant papa. Clair, structuré. Je ne sais pas si tout est exact; en tous cas, bien vulgarisé. Merci! ;)

    Ostiane

  11. xiao-bob permalien
    février 20, 2009

    Je me suis souvent demandé si l’on ne pourrait pas utiliser les caractères chinois pour écrire le français(par exemple)
    Il s’agirait de prononcer directement les caractères correspondants aux mots que nous utilisons, (en ignorant éventuellement leur son chinois)
    Utiliser donc ces caractères comme simples outils (je sais, ce serait infinimet regrettable)
    Il me semble que théoriquement ce serait possible (bien que dépourvu d’intérêt pratique)
    Je suppose qu’un sinologue inocupé (il en avait fini avec ses études chinoises (un véritable génie donc)) s’y est un jour employé.
    Que je sache, il ne nous a pas communiqué les résultats de ses expériences.

  12. Anonyme permalien
    février 20, 2009

    c’est lacan qui a beaucoup travaillé sur les caractères chinois et leur relation au sens (voir le site lacanchine)

    mais xiaobob, un mot plurisyllabique comme “bateau” aurait il un seul caractère comme 船 ?

    Florent

  13. mars 11, 2009

    Know that feeling all too well!

  14. Anonyme permalien
    mars 13, 2009

    Il ne me semble pas que le plurisyllabisme cause une difficulté particulière. Déjà, puisque ces caractères sont parmi les plus connus, nous prononçons les idéogrammes “ma” cheval et “chan” montagne.

    Xiao-bob

  15. Anonyme permalien
    mars 16, 2009

    Bon ; testons alors cette proposition selon laquelle le chinois moderne serait plurisyllabique :

    Je prends un texte francais , le merveilleux prologue du petit prince de St Exupéry, et sa traduction en chinois.

    “Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne. J’ai une excuse sérieuse: cette grande personne est le meilleur ami que j’ai au monde. J’ai une autre excuse: cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J’ai une troisième excuse: cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a besoin d’être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d’abord été des enfants. (Mais peu d’entre elles s’en souviennent). Je corrige donc ma dédicace: “

    105 mots + 7 particules soit 112 mots.
    Monosyllabiques : 51
    Plurisyllabiques : 61

    “  我请 孩子们 原谅 我把这本书 献给 了一个大人。我有一个很 重要 的 理由 :这个大人是我在 世界 上最好的 朋友 。我还有另一个 理由 :这个大人他 什么 都能懂,甚至 给 孩子们 写的书他也能懂。我的第三个 理由 是:这个大人住在 法国 ,他在 那里 挨饿、受冻 。他很 需要 安慰。如果 这些 理由 还不够的话,那么 我 愿意 把这本书 献给 儿童 时代 的这个大人。所有 的大人都 曾经 是个 孩子 。(可惜,只有很少的一些大人记得这一点。)因此 ,我就把 献词 改为: “
    (j’ai séparé les binômes par des espaces ; la qualification binôme est sans doute subjective. Par exemple 大人 est il un binôme ? Pour moi si on traduit par “grande personne”, en total mot à mot sans aucune déformation de sens, on voit bien que ce sont deux mots)

    On compte 193 caractères chinois.
    Monosyllables : 125
    Bisyllabes : 31
    Trisyllabes : 2
    total des mots : 158

    On voit en francais une minorité de mots monosyllabiques, alors qu’en chinois 80% sont des monosyllabiques.

    Ainsi je serais d’accord pour dire que le chinois moderne se distingue du chinois classique par l’apparition d’un certain nombre de mots plurisyllabiques, mais pas d’accord pour dire que c’est une langue plurisyllabique.

    Florent

  16. Anonyme permalien
    mars 19, 2009

    Le grand avantage de la langue chinoise est qu’elle mobilise aussi le cerveau droit, car la majorité des langues et des sciences emploie le gauche…
    Parler chinois et une langue alphabétique devrait équilibrer le cerveau…
    Du reste, le président Hu Jintao lui-même conseille aux chinois de parler espéranto en plus du putonghua :-) . Je sais ce n’est pas qu’histoire de Yin et Yang. Trêve de plaisanteries…

    Il est bien connu que les langues alphabétiques s’appuient non pas sur la signification mais sur la prononciation.

    Ainsi, en chinois, on lit ‘ des significations’ mais en français,
    on lit ‘ des sons ‘. Si bien que l’école moderne dénonce la subvocalisation
    qui limite tant les qualités des lecteurs.
    Aujourd’hui, on tend à intégrer une méthode d’apprentissage du français
    qui ressemble ‘un peu’ au chinois. Apprendre à discerner des sens et non des sons.

    Je fais l’éloge de la langue chinoise qui se base sur l’association des idées et des sons _ les idéogrammes (会意) ne représentent guère plus de 6% des sinogrammes (汉字); la grande majorité des 汉字 appartient au groupe des morpho-phonogrammes (形声)!
    Cette langue est une langue d’artistes, de poètes ..

    Décomposer un mot français ne donne que des sons … des lettres… vides.
    Décomposer un mot chinois révèle d’autres sens, trace une histoire.
    La grammaire chinoise était quasi inexistante durant des siècles,
    nul besoin du cerveau gauche, ce cerveau cartésien,
    on parlait simplement des mots vides, fonctionnels, et des mots pleins !
    Mais l’occident a toujours favoriser la raison, le rationnel,
    une médecine ancestrale traite la partie droite pour traiter la gauche,
    pique l’extérieur pour toucher l’intérieur, exploite le Yin pour toucher le Yang, on pique les doigts ou les orteils pour soigner les organes.

    Comprenez l’effort d’un chinois apprenant le français,
    et l’éveil d’un français découvrant le chinois !
    C’est passer du cosmos à l’individu, ou de l’individu au cosmos !
    2 mentalités, 2 mondes, parce que 2 cerveaux.
    Les deux sont indispensables.

    Mais cela fait bien longtemps que l’Occident a renoncé son cerveau le plus sensible… Pardon pour les amoureux de la langue française, dont je fais partie, et à ceux qui se passionnent pour l’ étymologie.
    La poésie française est belle aussi… mais le monde moderne ne l’aide pas.

    Source : Gillev sur le forum de chine-nouvelle.com

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