Edoardo Fazzioli : caractères chinois 4/10
Caractères chinois,
du dessin à l’idée, 214 clés pour comprendre la Chine
Ce livre traite d’étymologie des caractères chinois, un sujet qui m’intéresse beaucoup même si ce n’est pas une science exacte (voir quelques dizaines de billets sur ce sujet).
Le livre est bien présenté, avec une page pour chacune des 214 clés de Kangxi présentant le caractère, ses formes archaiques, des mots dans lesquels on retrouve la clé, et une explication. Les clés sont présentées par thèmes (le village, les animaux, le corps), ce qui fluidifie la lecture.
Mais le livre est truffé d’erreurs qu’un étudiant de licence en chinois ne commettrait pas.
L’édition que j’ai eue entre les mains date de 1987 (Flammarion, imprimé en Espagne). Je ne sais pas si les éditions suivantes ont été corrigées ?
Sur des dizaines d’erreurs, je n’en retiens que quelques unes ici :
Page 42 : en parlant de la clé du nez 鼻, on nous présente le caractère 鼾 qui signifie ronfler. L’auteur nous explique que “le mot ronfler est écrit avec le caractère de nez, voisin de celui d’arbre, peut être par association avec le bruit produit lorsqu’on scie un tronc d’arbre.” Cela nous donnerait 鼾= 鼻+木. Mais d’arbre point ! Le composant de droite est 干, un phonétique prononcé gan1, soit assez proche du han1. Les dictionnaires confirment la présence d’un 干 phonétique. Intrigué, j’ai même été consulter des caractères anciens (sceaux) et la définition du shuowen (臥息也從鼻干聲讀若汗), qui tous parlent d’un gan phonétique 干 mais nullement d’un arbre.
Page 88 on voit trois erreurs consécutives (les caractères ne sont pas en face des bons pinyins et traductions)
Encore une erreur page 100 : le Shijing (livre des odes 诗经, voir ici un poème ) est malencontreusement écrit Shinjing (le son “shin” n’existe même pas en chinois)
p101 : Nanning, capitale du Guangxi, est présentée comme Nankin, ancienne capitale impériale située à 2000 km au nord de Nanning.
Page 103 la description du caractère du sentier 阡 confond le composant de “mille” 千 et celui de “dix mille” 万
Bref, un grand nombre de grossières erreurs.
Restons positif avec quelques analyses intéressantes :
Page 130 une analyse du couvercle 覀 aborde le caractère “vouloir” 要, que nous avions décomposé dans un billet sur “vouloir… la taille d’une belle femme“. L’analyse est intéressante et recoupe mes recherches.
Page 145 la description du caractère du filet montre bien que le pictogramme a été “rendu obscur et compliqué par les scribes” (網) avant de revenir à une forme simple et fidèle (网) lors des récentes simplifications du XXe siècle”. C’est un phénomène que j’avais déjà observé à de multiples reprises (par exemple pour 达)
Le mot de “gouvernement” 政府 zhengfu est bien expliqué page 81 : Le premier caractère 政 est formé des composants 正 zhèng et de 攵(攴 pū)
“Il est formé en effet du caractère de fermeté et de celui de battre. Fermeté et décision dans l’application des lois pour le bien commun. Même si les chinois, et ils ne sont pas les seuls, affirment que “les animaux haïssent les filets et les hommes le gouvernement, ils savent très bien “qu’un peuple ne se gouverne pas uniquement par la vertu ou par la loi”. “
On trouve aussi page 65 une jolie explication sur la vertu 德 (de3), composée de la marche 彳 et du composant 直, lui même fait de dix 十 yeux 目. (Dans 德, le coeur 心 fut rajouté postérieurement).
“Le mot bonté naît aussi de notre clé plus les signes de dix, d’oeil et de coeur. Le chemin de la vertu, de la bonté, est sous le contrôle du coeur et de dix yeux”
Une jolie représentation, très pragmatique, de la vertu !
j’ai fait une petite erreur dans mon analyse du caractère 鼾 ci dessus.
En effet, le composant 干 signifie aussi l’arbre, ou plutôt le tronc, comme dans 树干 (tronc d’arbre) par exemple, ou bien dans 天干 (les dix troncs célestes).
Il n’en demeure pas moins que 干 est donné comme phonétique dans 鼾 (et non sémantique) par l’ensemble des sources que j’ai pu consulter.