Deux scènes de troquets
Deux expériences de cette semaine
Mardi soir, après un cinéma, nous sommes avec ma femme et un couple d'amis dans un bar à bières. Bonne ambiance ; le film était bien, la vie est belle.
Juste derrière nous éclate une violente altercation entre un client et le barman, un gros bonhomme bien "eighties", avec les cheveux longs et l'anneau à l'oreille. Le client ne dit rien mais le barman est hors de lui. Apparemment le client lui a dit "tais toi".
Le barman fulmine "c'est pas la première fois que tu me dis ca. Je te préviens tu vas finir par sortir d'ici. Je vais te virer si tu continues. Parce qu'ici c'est chez moi. On ne me dit pas "tais toi" ici. Je vais te foutre dehors."
Le client ne bronche pas , ne s'excuse pas, ne répond pas. Puis le barman se calme et vient nous servir nos bières. Soulagement.
Jeudi soir, cafard. Je suis seul à la gare de l'est en attendant un train. Je rentre dans un café que j'avais déjà repéré. Il est tenu par des chinois, comme de plus en plus de cafés parisiens.
Ce qui est amusant là dedans, c'est d'abord d'observer. Au lieu du traditionnel couple de quinquats auvergnats, qui d'un air ennuyé regarde travailler en salle un serveur plus jeune et propre sur lui, il y a, dans les troquets tenus par des chinois, du monde derrière le bar. Souvent 4, 5, 6 personnes qui sont là pour le service.
De jeunes hommes ou femmes qui triment ; le père ou l'oncle qui gère, surveille que tout va bien, et suit la caisse ; des femmes de deux ou trois générations, parfois avec des bébés, qui palabrent en chinois. Des clients qui sont contents de se faire servir vite et poliment, mais qui regardent tout cela d'un air méfiant malgré tout.
Il y a tout cela dans la salle ce jeudi soir. Malheureusement je ne pourrai pas tchatcher en mandarin avec eux car ils parlent un dialecte qui m'est inconnu ; qui n'est ni du mandarin ni du cantonais ni du shanghaien. Je n'ose pas engager la conversation, car souvent les chinois de france parlent peu, ou avec réticences, le putonghua, la langue commune (mandarin).
Je me tiens donc silencieux, debout au bar, devant mon demi. Soudain, mon voisin, un moyen oriental passablement éméché, prend la parole et s'adresse à un des jeunes barmen :
"Eh ! sale chinois ! je t'ai bien entendu tout à l'heure quand tu as dit à l'homme à qui je parlais que s'il voulait, tu pouvais le débarrasser de moi. J'ai tout entendu , et ca veut dire que tu me prends pour une merde. Tu me manques de respect ; tu crois que je suis une merde ; et tu le dis. Sale jaune!" Le barman tente quelques répliques pour se défendre, mais le client reste tout aussi virulent.
Après quelques instants le client change de ton et dit
"Bon allez , offre moi un demi et on n'en parle plus"
Le barman hésite, un peu choqué par la volée qu'il vient de se prendre, puis prend le bock du client et lui tire une pression à l'oeil. Le client se calme immédiatement.
Honneur ou harmonie ?
Trouve moi un bar bien famé près de la gare de l'est et j'irai voir !
(Comment this)
Ce bistrot, je l’aime bien ; le bâtiment et la rue sont très jolis (ce style homogène et simple du 9e arrondissement) ; ce sont des chinois qui tiennent le café.
Alors que je suis très pressé, je me dirige vers les toilettes et nous nous retrouvons à deux, avec le patron du café qui est chinois, à monter les étroits escaliers. Le patron est juste devant moi, avec la même envie dans le bas ventre.
Et là miracle : il me remarque ; s’écarte et me laisse passer. Il me recoit dans son lieu ; lui aura le temps d’aller aux toilettes après. Je suis son client ; il veut que mon passage chez lui soit agréable. On peut y voir un esprit de sacrifice archaique de sa part ; j’y vois un bel esprit de service ! (Comment this)