Mercredi 27 Février 2008

Pictogramme californien

On croit souvent que le chinois est une langue qui dessine les choses, alors que les langues occidentales écriraient les sons. C'est moins simple que cela : un caractère chinois a souvent un composant sémantique et un composant phonétique . Et il existe des mots en alphabet romain qui ont un composant sémantique, c'est à dire une lettre qui dessine son objet.

En voici un exemple tiré d'un voyage en Californie, parmi les magnifiques vignobles de la Napa valley au nord de San Francisco, où je viens de passer quelques jours.
Image attachée


En haut de l'image , on lit "pedestrian xing". Le second mot est aussi souvent écrit "X-ing". Il désigne un carrefour, un passage. Il est formé d'un "X" qui décrit la croix symbolisant le carrefour, et d'un "ing" phonétique. Ainsi le mot se prononce "crossing". En anglais on pourrait aussi citer le "U-Turn" ou bien "X-mas" pour "christmas", Noël. Ou encore le "T-bone steak" ou bien le "Tshirt".

Et en francais en existe t il, des mots "idéogrammes" comme celui là ?

Après y avoir réfléchi avec les membres du forum lechinatown, nous n'en avons que deux à proposer. Et encore, ce ne sont pas vraiment des pictogrammes car ils dessinent la lettre plutôt qu'un objet particulier. Plus exactement, ils décrivent un objet qui se trouve avoir la forme d'une lettre. C'est le "Té", instrument de dessin (ou aussi de plomberie) en forme de T , et l'"Esse", substantif féminin, qui désigne un crochet de boucherie ou bien un outil de maçonnerie, tous deux en forme de S.

Serait-ce possible que notre langue ait aussi peu d'imagination ? Avez vous idée de mots qui dessinent leur objet en français ?
Posted by florent at 04:01:59 | Permanent Link | Comments (6) |

Vendredi 15 Février 2008

Pourquoi ce blog ?

Il y a un an et demi, je m'étais posé la question de pourquoi j'entretiens ce blog.


Cette question m'est revenue, non pas d'elle même spontanément, mais alors que je lisais un texte de Marcel Granet qui donne la réponse ! Ce texte date des années 1920 ; il est extrait de "quelques particularités de la langue et de la pensée chinoises."
 
Voici donc ces lignes d'un grand sinologue dont je partage les motivations, à défaut de partager le savoir...


J’ai hésité à publier d’abord ces notes en français : la matière en est

délicate ; il se peut que bien souvent j’aie vu faux, ou à côté, ou de façon trop absolue ou trop étroite. Pour les Chinois, puisqu’il importe d’éveiller leur curiosité et leur réflexion, une formule trop brutale, une affirmation aventurée, ou insuffisamment rigoureuse peuvent présenter moins d’inconvénients qu’elles ne porteront de fruits. Mais je ne voudrais pas qu’un Occidental se trompât sur ce que ce travail peut avoir de provisoire. Ce qui m’a décidé, c’est que le publier est le seul moyen d’y faire apporter les retouches et les rectifications dont il a besoin. Enfin, il faut bien commencer : cette réputation d’imperméabilité, qu’on a faite à la langue et à la pensée chinoises, est, pour les études sinologiques, le plus grand danger ; ces études ne se poursuivront méthodiquement que si elles cessent d’être l’apanage d’un corps trop étroit de spécialistes ; il convient qu’elles appellent sur elles le contrôle du plus grand nombre possible de gens avertis et renoncent enfin au prestige du mystère. Je me risque donc à pénétrer dans cette caverne sacrée où l’on a logé les idées chinoises — afin de montrer au moins qu’elle n’est pas hermétique, et quitte à n’y être guidé que par une lumière insuffisante.


Renonçons donc au prestige du mystère et parlons de ces choses là ! Entrons dans la caverne sacrée !
Posted by florent at 21:17:41 | Permanent Link | Comments (0) |

Samedi 09 Février 2008

Zhu Xiao-Mei La rivière et son secret 7/10

Variations GoldbergJ'ai lu ce livre à Rome, avec Grand plaisir. Zhu Xiao-Mei est pianiste, vivant aujourd'hui en France. Elle est professeur au conservatoire national de musique. J'avais déjà écouté les Variations Goldberg de Bach (CD Mirare), qu'elle joue avec beaucoup de douceur.

Son livre raconte simplement sa vie qui commence en 1960 : son enfance à Pékin au conservatoire ; le piano qui arrive à la maison et l'enchante ; la montée de la révolution culturelle qui se traduit par l'évolution suivante du programme éducatif :

  •  Introduction de quelques cours idéologiques en plus des cours de musique.
  •  Cours répartis à 50/50 entre idéologie et musique
  •  Les cours de musique sont exclusivement sur la musique chinoise; toute la musique occidentale est déclarée subversive.
  • Plus aucun cours de musique; uniquement des cours idéologiques; uniquement sur le petit livre rouge.
  • Puis arrive la libéralisation; on peut lire autre chose que Mao (même si cela reste limité à Marx et quelques élus); on peut graduellement recommencer à faire de la musique, mais la plupart des profs ont disparu; limogés, suicidés; détruits.

Zhu Xiao-Mei adhère à la révolution ; elle renie sa grand-mère, accepte d'espionner une camarade de conservatoire, puis part à la campagne pour se rééduquer ; elle est par sa naissance d'une « mauvaise extraction », c'est une出身不好 chushenbuhao ; comme ses quatre sœurs qui sont toutes exilées. On comprend dans le livre que la démarche n'était pas totalement imposée. Certaines personnes sont parties d'elles mêmes pour 上山下乡, pour se rééduquer à la campagne.

Les travaux au camp 4619 de ZhangJiaKo sont absurdes, surréalistes ; il y a des passages très durs ; l'ambiance se détend un peu vers la fin, quand le système se relâche et qu'elle peut commencer à jouer de la musique en expliquant à ses paysans de gardes que la pièce de Schubert qu'ils entendent est en fait un hymne révolutionnaire cubain !


Puis Zhu Xiao-Mei rentre chez elle ; retrouve sa famille et la musique. Elle veut quitter son pays. Commence alors le passage qui m'a le plus touché dans le livre. Après un passage à Hong Kong chez de la famille, histoire d'épargner de quoi s'acheter un billet d'avion, elle s'envole pour les Etats Unis. Et là commence une vie d'errance, de précarité. Elle survit en faisant des ménages et dépense son épargne en cours de piano et en places de concert. La veille de l'expiration de son visa, elle arrive à faire un mariage blanc pour éviter de retourner en Chine.


Mais elle est déçue par la société américaine où tout se monnaie, dans une pression économique forte, et où la musique n'est pas valorisée suffisamment. Elle trouve qu'on n'y respecte pas les artistes. Elle rencontre toutefois des américains qui lui font découvrir sa propre culture chinoise classique, notamment le taoïsme avec Laozi et Zhuangzi.

Elle part en France et là elle découvre combien paris est une ville d'entraide pour les artistes. Un jeune brésilien, une vieille dame iranienne, des professeurs de piano vont se démener pour l'aider à s'installer et à jouer. Ces pages sont merveilleuses et très touchantes. On découvre combien Paris reste fidèle à une belle tradition artistique.



Prenons quelques passages notables.


Page 33 (ed Robert Laffont) figure un curieux caractère chinois, qui n'existe pas je pense. Je l'ai refait à l'identique sur paint et le voici :


L'auteur commente ainsi , expliquant que son père lui a expliqué en lui dessinant le caractère « honnêteté » :

« Xiao-Mei, la croix au dessus, c'est le nombre dix, en dessous, tu as les yeux. Et dans le coin à gauche, une personne. Dix personnes te regardent. C'est cela l'honnêteté ».
Curieux. Je pense qu'elle parle du caractère 值 zhi2, qui signifie « valeur » et qui est composé d'un homme à gauche, et d'un composant phonétique 直 (qui n'apporte donc pas de sens) à droite.

J'ai souvent vu des chinois faire des interprétations fantaisistes de leurs caractères, et tant mieux ; ils sont de merveilleux supports pour l'imagination.



Au chapitre 20 page 236, l'auteur vivant aux Etats-Unis reçoit une lettre touchante de son père qui a trouvé la paix par une sorte de conversion au taoïsme en lisant des « dazangjing » (textes bouddhistes !). La lettre est très belle.


Page 255 une scène très drôle à Paris où la pianiste arrête un cours au beau milieu d'une pièce (une davidsbündlertänze) devant son professeur ébahi. L'heure de cours vient de terminer et elle n'a pas un centime de plus pour payer des heures supplémentaires ! Le professeur lui ordonne de ne pas couper son morceau comme cela et évidemment ne lui compte pas de temps supplémentaire. En deux jours son prof lui trouve une bourse, un logement, des pianos (chaque jour de la semaine un élève prète son piano à Xiao Mei pour qu'elle pratique).




Page 266 une magnifique description des Variations Goldberg de Bach, avec beaucoup de sensibilité.




A la fin du chapitre 29 , page 318, une jolie description de la sagesse taoiste que l'auteur découvre à 40 ans.




Page 321 une réaction typiquement chinoise contre le prosélytisme religieux dont les occidentaux sont capables.



Bref, c'est là un bon livre que je recommande.
Posted by florent at 19:25:42 | Permanent Link | Comments (4) |

Yu Hua Cris dans la bruine 8/10

Un très beau livre que je viens de finir. L'auteur Yu Hua, originaire du Zhejiang, est connu indirectement ; c'est lui qui a écrit « Vivre » en 1994, livre merveilleusement porté à l'écran par Zhang Yimou. Il a aussi écrit « le vendeur de sang » que je crois avoir déjà lu dans un recueil de nouvelles.

J'ai beaucoup aimé ce film « Vivre » mais ma femme un peu moins. Ceux qui l'ont vu se souviennent de cette scène d'accouchement en plein pendant la révolution culturelle. Ce sont des paysannes infirmières qui font l'accouchement. Se déclare une hémorragie ; mais il n'y a aucun docteur ! La panique dans l'hôpital ; ces paysannes si sûres d'elles avec leur brassard rouge et leur air sévère perdent tous les moyens qu'elles n'ont jamais eu. On part dans la rue trouver un docteur ; on ramène un vieillard exsangue, les lunettes brisées, le dos chargé de la cangue (cet infâmant linteau de bois porté sur les épaules). Le docteur veut bien aider mais il est épuisé ; il n'a pas mangé depuis trois jours. Quelqu'un court lui chercher des petits pains « mantou » 馒头 dans la rue.

Le vieux docteur en avale douze de suite et meurt étouffé. Pendant ce temps la femme (jouée par Gong Li) meurt en couche.  Horrible scène ; une absurdité extrême. Si ma femme est restée marquée par cette scène vue ensemble, c'est parce que la nuit même, juste après le film, elle accouchait de son premier enfant !


« Vivre », c'est la famille plus importante que l'adversité. Une sorte d'instinct de la famille qui est plus fort que toutes les passions (le jeu) et que toutes les humiliations (le Maoïsme).


Et « cris dans la bruine » aborde aussi merveilleusement bien ce thème de la famille, dans les yeux d'un jeune garçon d'une dizaine d'années. Il est mal-aimé par rapport à ses deux frères ; son père infidèle et violent l'envoie chez un autre  couple dans une ville éloignée. L'histoire se passe en pleine période maoiste, mais l'auteur n'étale aucune accusation de type idéologique. Il montre juste toutes les atteintes à la famille ; par bêtise ou par violence. Tout se découvre dans les regard d'un petit garçon ; les infidélités ouvertes du père, le total irrespect du grand père qui a pourtant eu une vie étonnante et dont on attend juste qu'il meure ; les mouvements telluriques de l'adolescence ; tout cela est merveilleusement bien écrit et décrit.
 

Un passage m'a intrigué p290 (chez actes sud) : alors qu'un élève a fait un graffiti injurieux sur les murs de l'école ; le sévère professeur se tourne vers notre héros Sun et l'accuse en lui disant "je reconnais ton écriture!". Ce passage me pose deux questions :
- Peut on reconnaître l'écriture de quelqu'un en chinois ?
- Y a t il dans la tradition ou aujourd'hui une graphologie chinoise ?

Finissons ce billet par une coincidence (ou un clin d'oeil?) : nous avions croisé dans la nouvelle Guxiang de Luxun une "princesse du tofu", en référence à la beauté de XiShi 西施. Et bien on trouve aussi une "princesse XiShi 西施 du tofu" dans ce "cris dans la brume" (page 277 chez Actes sud) ; amusant, non ?
 

A lire !

Posted by florent at 16:23:01 | Permanent Link | Comments (6) |

Jeudi 07 Février 2008

Bonne année du Rat !

   合家幸福!鼠年吉祥!


 
Image attachée
Nous avons regardé le défilé avec mon fils du haut d'un arbre ; nous étions très bien !
(mais je n'ai pas pris de photos malheureusement)
Posted by florent at 22:34:20 | Permanent Link | Comments (8) |

Mardi 05 Février 2008

Il neige partout en Chine...

...et c'est très dur pour des millions de personnes qui ne peuvent pas aller passer le réveillon avec leurs familles.

Alors voici l'image d'un bonhomme de neige aux yeux bridés, à Hangzhou.

Posted by florent at 22:11:30 | Permanent Link | Comments (0) |