Jeudi 27 Septembre 2007

Les noeuds de l'embryon

Les taoistes mentionnèrent beaucoup l'image du nourisson, ou enfançon, dans leurs réflexions sur le retour au tao des origines.

Voici un texte repris dans le livre "méditation taoiste", de l'excellente Isabelle Robinet qui fut une grande spécialiste du taoisme pour l'Ecole Francaise d'Extrême Orient (EFEO).

Elle étudie en détail les textes du mouvement de la grande pureté (太清) sur la méditation.

Le passage qui suit est extrait du "livre des transformations supérieures du cinabre neuf dans l'essence de l'embryon". N'ayez pas peur ; l'extrait n'est pas difficile ;-)

On y explique que l'homme est formé à partir du yin et du yang, et que l'embryon recoit mois après mois les neuf souffles primordiaux. Ces souffles sont subtils mais se condensent en la matière humaine. Et il font des noeuds :

Quand l'homme reçoit la vie dans la matrice,

Il reçoit les souffles des neuf cieux,

Qui coagulent leur essence et forment spontanément un homme.

Quand celui ci naît, il y a dans la matrice,

douze noeuds et nodules qui maintiennent en torsion serrée les cinq intérieurs (les cinq viscères).

Les cinq intérieurs sont alors empêchés et obstrués.


Que les noeuds ne se défassent pas,

que les nodules ne disparaissent pas,

est la cause des maladies humaines;

cela vient de ce que les nodules font obstacle;

que le destin des hommes soit tranché,

vient de ce que les noeuds sont serrés.

 

Joli texte, non ?

Il me semble aborder remarquablement clairement le thème de la fluidité, fondamental dans toute la médecine chinoise. On dit bien en français qu'on a l'estomac "noué", mais la vision chinoise ci dessus me semble toucher une profonde vérité.

Je recommande à tous la lecture de ce livre, sur lequel j'essaierai de faire d'autres billets (sur le thème du tourbillon par exemple).

Posted by florent at 23:24:19 | Permanent Link | Comments (5) |

Une bourde de traduction

Nous avons eu sur un forum un long débat sur la traduction de poésie chinoise en francais.

Faut il être créatif ? Comment concilier la fidélité à l'oeuvre originale et l'intelligibilité dans la langue traduite ? Doit-on rechercher un exotisme ésotérique, c'est à dire ne pas expliciter des symbolismes différents dans la traduction ?

Débat riche et profond. Je défendais à tout crin la position créatrice du traducteur, telle que la propose Noël Dutrait (brillant traducteur, avec sa femme, de La montagne de l'âme, de Gao XingJian, que je suis en train de lire avec délices).

"Le traducteur doit être créatif pour trouver un message universel, équivalent au sens d'origine (dans la langue) mais signifiant dans le système d'arrivée. "

Alors sans entrer dans un long débat, rions en juste un peu avec ce qui fut ma plus belle bourde de traduction, pas plus tard qu'hier.

Posted by florent at 07:29:35 | Permanent Link | Comments (1) |

Mercredi 26 Septembre 2007

Mi-automne

Joyeuse fête de la mi-automne ! C'était hier soir ; le ciel était un peu voilé à Paris.

C'est une fête importante, le 15 du 9e mois lunaire, lors de laquelle on veille en famille, récitant des poèmes sous la lune qui symbolise l'unité de la famille.

Alors voici encore un poème ; difficile à traduire, pour lequel Jade m'a encore énormément aidé.

C'est une oeuvre d'un fameux poète de la dynastie Song, Su Shi (je préfère son autre nom de Su Dongpo, qui permet de ne pas le confondre avec les sashimi ou autres yakitori)


水调歌头

明月几时有?把酒问青天。

不知天上宫阙,今夕是何年。

我欲乘风归去,又恐琼楼玉宇,高处不胜寒。

起舞弄清影,何似在人间?


转朱阁,低绮户,照无眠。

不应有恨,何事长向别时圆?

人有悲欢离合,月有阴晴圆缺,此事古难全。

但愿人长久,千里共婵娟。


Poème en style 水调歌头, composé en état d'ébriété (l'abus d'alcool est déconseillé de nos jours) par Su Dongpo un soir de mi-automne lors d'adieux à son frère.


Lune, depuis quand brilles-tu ? Et jusqu'à quand ? Un verre de vin à la main, je le demande au ciel pur.

Et en quelle année sont-ils là-haut, au palais des dieux ?

Je voudrais bien chevaucher le vent pour y aller, mais la peur d'être seul au froid palais de jade me retient.

Me mettant à danser, je joue avec mon ombre. Ne suis-je pas ici-bas aussi bien qu'au ciel ?

Le clair de lune se ballade le long des murs du pavillon orné de rouge, caressant la fenêtre décorée*, éclairant celui qui ne dort pas.

Oh lune ! il n'y a pas de haine entre nous ; alors pourquoi es-tu si ronde** et belle juste au moment de nos adieux ?

Les hommes alternent peines et joies, séparations et retrouvailles ;

La lune se montre tour à tour claire et obscure, ronde et incomplète. Il en a toujours été ainsi.

Ah ! Si seulement nous pouvions rester unis pour toujours, partageant à mille lieues l'un de l'autre la beauté de dame lune !


* Les fenêtres étaient faites de papier ou de tissu

** La lune ronde symbolise la perfection de la famille réunie.
Commentaires :

Le poème est dans un style de "chant" très précis, avec un rythme particulier impossible à retranscrire malheureusement. La sonorité du poème est magnifique. La traduction francaise est nécessairement plus verbeuse que le texte chinois (vous pouvez compter les mots pour voir ;-)

L'état d'esprit du poète a été très difficile à discerner, entre une certaine légèreté (alcool ; élan  vers le ciel ; gentille familiarité avec la lune), et une claire tristesse à l'idée de devoir quitter son frère. Le sensible gangounet a eu une interprétation beaucoup plus joyeuse, voire euphorique, du même poème.

Posted by florent at 23:59:05 | Permanent Link | Comments (9) |

Samedi 22 Septembre 2007

La marseillaise en chinois

Un vieux film (Nie Er ; 1959) sur le compositeur de l'hymne national chinois donne ce passage à moitié familier.

La scène se passe après des  combats contre les japonais. 

alt : http://www.youtube.com/v/ehkFdOzozQ0

 

La fougue patriotique et révolutionnaire traverse bien l'adaptation, non ?

(voir les paroles en chinois

 

Voici une version plus "officielle" par Mireille Matthieu

alt : http://www.youtube.com/v/w_8dafLxLcI

Et enfin, pour ceux qui aiment vraiment, une version plus douce chantée par une petite fille américano-asiatique.

 

alt : http://www.youtube.com/v/vURAB-mzBhQ
Posted by florent at 09:10:47 | Permanent Link | Comments (1) |

Mardi 18 Septembre 2007

Aube du printemps, un poème de 孟浩然.

Voici un poème de Meng Haoran 孟浩然, grand poète Tang de la nature, qui côtoya Li Bai 李白 et Wang Wei 王维 .

Je dédie cette traduction à ma femme, que j'aime. 

C'est bientôt l'automne, me direz-vous. Mais voilà, il se trouve que j'ai croisé beaucoup plus de poèmes chinois parlant du printemps que de l'automne (alors que je dirais l'inverse pour les poèmes français). Le printemps, et particulièrement les fleurs qui tombent, sont de grands thèmes poétiques chinois.

Réveil au printemps

Dans mon sommeil , je n'ai pas senti l'aube de printemps venir.

Partout autour s'entend le chant des oiseaux.

La nuit est passée, bruissant de vent et d'averses ;

Combien de rameaux ont dû perdre leurs fleurs !


Il faut savoir que le terme d'aube désigne en chinois à la fois le lever du jour, et l'éveil spirituel, l'éveil à la connaissance (comme dans 晓得)

Je vois dans ce poème une nostalgie, celle d'un homme empêtré dans son passé (la nuit de l'hiver) plutôt agité (pluie et vent). Les choses changent autour de lui, mais il ne s'y éveille pas (le terme 不觉 signifie aussi "inconscient"), et se rend compte trop tard qu'il a manqué la beauté d'un instant fugace.

春晓

春眠不觉晓,

处处闻啼鸟,

夜来风雨声,

花落知多少。

 Le voici écrit au stylo par ma prof de chinois (en simplifié moderne) ; j'essaierai de le calligraphier prochainement.

Image attachée

Posted by florent at 22:47:40 | Permanent Link | Comments (14) |

Dimanche 09 Septembre 2007

燕 l'hirondelle

燕子 yànzi signifie l'hirondelle 

Facile celui là ; il n'y a rien à comprendre, juste à regarder : c'est un pictogramme qui dessine son objet.

 

Voici quelques images de ce caractère dans ses formes archaiques :

Sur sceau :

Sur Os :

Et dans des polices de calligraphie :

Posted by florent at 17:41:19 | Permanent Link | Comments (0) |

Blogs croisés

J'ai eu la surprise de retrouver une de nos vidéos familiales sur le blog de Jamo, chinois de 29 ans vivant à Lyon. Certains de ses visiteurs chinois commentent "je n'ai rien compris" ;-))

Salut Jamo en tous cas !

Posted by florent at 00:25:41 | Permanent Link | Comments (0) |

Vendredi 07 Septembre 2007

小橘灯 La petite lanterne orange ; une nouvelle de 1957

  Un Hôpital en chine en 1957

 

Bing Xin (冰心; nom réel: Xie Wanying (謝婉瑩) est une femme écrivain de la période d'après guerre, les années 40 et 50 qui ont vu la naissance de la Chine communiste. 

 

Voici un texte facile souvent travaillé, encore aujourd'hui, par les collégiens chinois (qui doivent en apprendre deux paragraphes par cœur).

Je le recommande ici comme exercice de version pour des étudiants en chinois, de petit niveau HSK. Le texte est simple et beau ; quoiqu'un peu « politiquement correct ». Mais pouvait-on écrire autrement en 1957 ?

L'histoire s'appelle "La petite lanterne orange" ; la traduction française artisanale et revue avec ma prof (merci ma prof ;-) suit  le texte en chinois.

小橘灯

  这是十几年以前的事了。

  在一个春节前一天的下午,我到重庆郊外去看一位朋友。她住在那个乡村的乡公所楼上。走上一段阴暗的仄仄的楼梯,进到一间有一张方桌和几张竹凳、墙上装着一架电话的屋子,再进去就是我的朋友的房间,和外间只隔一幅布帘。她不在家,窗前桌上留着一张条子,说是她临时有事出去,叫我等着她。

  我在她桌前坐下,随手拿起一张报纸来看,忽然听见外屋板门吱地一声开了,过了一会儿,又听见有人在挪动那竹凳子。我掀开帘子,看见一个小姑娘,只有八九岁光景,瘦瘦的苍白的脸,冻得发紫的嘴唇,头发很短,穿一身很破旧的衣裤,光脚穿一双草鞋,正在登上竹凳想去摘墙上的听话器,看见我似乎吃了一惊,把手缩了回来。我问她:"你要打电话吗?"她一面爬下竹凳,一面点头说;"我要XX 医院,找胡大夫,我妈妈刚才吐了许多血!"我问:"你知道XX医院的电话号码吗?" 她摇了摇头说:"我正想问电话局......"我赶紧从机旁的电话本子里找到医院的号码,就又问她:"找到了大夫,我请他到谁家去呢?"她说:"你只要说王春林家里病了,他就会来的。"

  我把电话打通了,她感激地谢了我,回头就走。我拉住她问:"你的家远吗?" 她指着窗外说:"就在山窝那棵大黄果树下面,一下子就走到的。"说着就噎、噎、噎地下楼去了。

  我又回到里屋去,把报纸前前后后都看完了,又拿起一本《唐诗三百首》来,看了一半,天色越发阴沉了,我的朋友还不回来。我无聊地站了起来,望着窗外浓雾里迷茫的山景,看到那棵黄果树下面的小屋,忽然想去探望那个小姑娘和她生病的妈妈。我下楼在门口买了几个大红橘子,塞在手提袋里,顺着歪斜不平的石板路,走到那小屋的门口。

  我轻轻地叩着板门,刚才那个小姑娘出来开了门,抬头看了我,先愣了一下,后来就微笑了,招手叫我进去。这屋子很小很黑,靠墙的板铺上,她的妈妈闭着眼平躺着,大约是睡着了,被头上有斑斑的血痕,她的脸向里侧着,只看见她脸上的乱发,和脑后的一个大髻。门边一个小炭炉,上面放着一个小沙锅,微微地冒着热气。这小姑娘把炉前的小凳子让我坐了,她自己就蹲在我旁边。不住地打量我。我轻轻地问:"大夫来过了吗?"她说:"来过了,给妈妈打了一针......她现在很好。" 她又像安慰我似的说:"你放心,大夫明早还要来的。"我问;"她吃过东西吗?这锅里是什么?"她笑说:"红薯稀饭--我们的年夜饭。"我想起了我带来的橘子,就拿出来放在床边的小矮桌上。她没有做声,只伸手拿过一个最大的橘子来,用小刀削去上面的一段皮,又用两只手把底下的一大半轻轻地探捏着。

  我低声问:"你家还有什么人?"她说:"现在没有什么人,我爸爸到外面去了......"她没有说下去,只慢慢地从橘皮里掏出一瓤一瓤的橘瓣来,放在她妈妈的枕头边。

  炉火的微光,渐渐地暗了下去,外面变黑了。我站起来要走,她拉住我,一面极其敏捷地拿过穿着麻线的大针,把那小橘碗四周相对地穿起来,像一个小筐似的,用一根小竹棍挑着,又从窗台上拿了一段短短的蜡头,放在里面点起来,递给我说: "天黑了,路滑,这盏小橘灯照你上山吧!"

  我赞赏地接过,谢了她,她送我出到门外,我不知道说什么好,她又像安慰我似的说:"不久,我爸爸一定会回来的。那时我妈妈就会好了。"她用小手在面前画一个圆圈,最后按到我的手上:"我们大家也都好了!"显然地,这"大家"也包括我在内。

  我提着这灵巧的小橘灯,慢慢地在黑暗潮湿的山路上走着。这朦胧的橘红的光,实在照不了多远,但这小姑娘的镇定、勇敢、乐观的精神鼓舞了我,我似乎觉得眼前有无限光明!

  我的朋友已经回来了,看见我提着小橘灯,便问我从哪里来。我兑:"从...... 从王春林家来。"她惊异地说:"王春林,那个木匠,你怎么认得他?去年山下医学院里,有几个学生,被当做共产党抓走了,以后王春林也失踪了,据说他常替那些学生送信......"

  当夜,我就离开那山村,再也没有听见那小姑娘和她母亲的消息。

  但是从那时起,每逢春节,我就想起那盏小橘灯。十二年过去了,那小姑娘的爸爸一定早回来了。她妈妈也一定好了吧?因为我们"大家"都"好"了!

  原载1957年1月31日《中国少年报》

La ville de Liuchow (柳州, au sud de Chongqing) en 1945

Cette histoire se passe il y a plus de dix ans

Un après midi, la veille du nouvel an chinois, j'arrivais dans les environs de Chongqing pour rendre visite à une amie. Elle vivait dans un village de campagne, et logeait dans un grand bâtiment collectif. Après avoir monté des escaliers étroits et sombres, j'arrivai dans une pièce meublée d'un bureau et de tabourets en bambou, avec un appareil téléphonique accroché au mur. Avançant encore, j'entrai dans la chambre de mon amie, qui ne fermait que par un simple rideau. Mon amie n'était pas là, elle avait laissé un mot sur la table devant la fenêtre, disant qu'elle avait du sortir un moment, et me demandant de l'attendre là.

Posted by florent at 20:25:48 | Permanent Link | Comments (4) |

Lundi 03 Septembre 2007

La Chine en quête de ses frontières 7/10

Jean Pierre Cabestan et Benoît Vermander ont publié ce livre aux éditions "Sciences po les presses", avec le sous-titre "la confrontation chine taiwan".
 

Une étude solide et passionnante, que je recommande pour une vision plus claire des enjeux liés au futur de Taiwan. J'essaie ici de restituer quelques notes de lectures, sûrement truffées d'erreurs de compréhension sur ce sujet compliqué et riche.

Tentons en introduction une vue simple : Taiwan pose une question de souveraineté, entre un statut actuel proche de celui d'état démocratique, soutenu par des partenaires historiques de l'île (USA, Japon), et une intégration à la Chine populaire dans des conditions à définir.

L' « émergence pacifique » de la Chine populaire donne, tant militairement qu'économiquement, une tendance vers la seconde option. Mais les résistances à Taiwan sont fortes et durables.

Marqué par les vues « civilisationnelles » d'Huntington, je portais avant ce livre une opinion assez tranchée, que l'on pourrait résumer ainsi :

Peu importent les pays, les frontières et les parlements : Taiwan et Chine sont une seule civilisation, qui est l'entité à observer.

Mais après la lecture de ce riche livre, je préfère poser deux manières de voir, la première dans une vue civilisationnelle et la seconde dans une vue démocratique :

  • - La Chine, divisée en quatre avant la seconde guerre mondiale (PCC, KMT, occupation japonaise et «régions colonisées» de Macao & Hong-Kong); a lentement réduit ces divisions à deux parties: la partie continentale et Taiwan. La réunion de ces deux parties pourrait achever le processus de construction nationale et réunir les peuples chinois.
  • - Les Taiwanais ont construit, depuis la création de leur gouvernement en 1949, une démocratie. Les habitants de l'île se disent aujourd'hui chinois, mais restent attachés à ce régime, refusant en majorité l' intégration telle qu'elle est proposée par la RPC («un pays deux systèmes»).

Ce que j'ai compris du problème Taiwanais se résume à trouver une solution satisfaisante selon ces deux visions.


La structure du livre est facile à suivre :
Posted by florent at 02:33:09 | Permanent Link | Comments (4) |