Grâce au judicieux conseil de monsieur jun *** sur ce blog, j'ai pu demander ce livre au père noël et , par miracle, le trouver dans mon soulier !
Le bouquin est passionnant ; il a été édité en 1994 mais rassemble des textes composés par l'auteur pendant une période s'étalant sur la seconde moitié du XXe siècle (le chapitre sur l'éducation, par exemple est construit sur des supports de cours donnés au collège de france dans les années 80).
Jacques Gernet est outré par les clichés construits sur l'ignorance de la chine ; on ne peut qu'être d'accord avec lui !
L'auteur parle parfois un peu comme madame-je-sais-tout (il a une position politique très très tranchée et extrémiste ; qui déteint sur ses analyses du bouddhisme), mais c'est vrai que sa culture est immense.
Le droit Chinois
Le chapitre sur le droit offre une analyse remarquablement claire d'un code pénal des Tang. Je l'ai soumis à la lecture d'une jeune juge, qui a vu des correspondances avec des débats actuels au sein de la justice francaise.
Par exemple : sous les Tang un crime avoué à l'avance par le suspect donnait lieu à remise de peine (totale apparemment), ce qui se rapproche des allègements discutés en ce moment pour des accusés qui acceptent des procédures plus légères basées sur l'aveu.
Autre exemple : la place laissée à l'interprétation du juge, qui fait débat en France je crois, a été abordée de manière très limitative dans ce code chinois. La description des crimes sans préméditation, et des peines associées, y est d'une précision jamais atteinte en France. Les mêmes questions se posent à 14 siècles d'écart !
Autre idée marquante pour moi de ce chapitre : la justice des Tang punit aussi bien des actes de négligence potentiellement nuisibles à la société, par exemple conserver une viande avariée pouvant empoisonner quelqu'un, ou bien placer des chevaux insuffisamment harnachés sur la voie publique, risquant ainsi de blesser quelqu'un. Les peines sont alors proportionnelles aux dégâts causés, mais déjà applicables même s'il n'y a pas de dégâts.
L'auteur prétend que la notion de responsabilité personnelle (par rapport à des peines archaiques du type : "pour un crime de haute trahison, le criminel et toute sa famille à mort!") était présente dans le droit chinois avec plusieurs siècles d'avance sur l'occident.
Se faire enterrer nu
Un chapitre de la section "anthropologie" traite de quelques illuminés qui, en réaction à cette escalade antique vers des sépultures toujours plus fastueuses et ruineuses (le champion restant Qin Shi Huang Di, enterré à Xi'an), ont souhaité se faire enterrer dans le plus simple appareil. Les textes dans lesquels ils expliquent leurs motivations illustrent très bien la vision taoiste de la mort.
Jacques Gernet reprend des lettres d'époque sur les décès de Yang Wangsun, Zi Sanghu, Zhao Ci et autres personnages antiques. Je cite un passage apocryphe du Zhuangzi :
"Le ciel et la terre, leur dit Zhuangzi, me serviront de cercueils; le soleil et la lune me seront une paire de disques de jade ; les étoiles me seront perles et joyaux, et les dix mille êtres me serviront de cortège. [...] Si les corbeaux et les milans ne me dévorent pas sur la terre, ce seront sous la terre les fourmis qui le feront. Quelle justice y a t il à enlever aux uns leur nourriture pour la donner aux autres!"
Ou encore un passage du "huainanzi" :
Vivant, j'ai un corps de sept pieds ; mort , j'occuperai en terre le volume d'un cercueil. Vivant, je fais partie de ce qui a forme ; mort, je disparaitrai dans l'informe. Ainsi, vivant, je n'augmente pas le nombre des êtres ; mort je ne rendrai pas la terre plus épaisse.
Vision un peu effrayante mais très intriguante...
Conclusion provisoire :
Il faut lire ce livre ! j'ai encore beaucoup de choses à dire mais je le ferai dans un autre post.
Voir un commentaire de Jean Levi dans la revue Persée, qui parle beaucoup mieux du livre que moi.
N'ayant pas trouvé de photo du livre sur google images (étonnant ; d'ailleurs le père noel m'a soufflé qu'il a eu du mal à trouver le livre), je vous mets une image du monde chinois, autre gros pavé de Jacques Gernet que j'ai aussi mais que je n'ai pas complètement lu, car il est un peu ardu. Je ferai un post sur ce blog si j'arrive à aller au bout.
*** PS : en Chinois le terme Jun renvoie à 5 caractères possibles :
- 均 tous ; égal
- 郡 canton, baronnie
- 君 comte, seigneur, monarque
- 军 armes, militaire, corps d'armée
- 菌 bactérie, microbe
(je suppose que le nom choisi par monsieur Jun renvoie plus au troisième sens qu'au dernier... Jun ?)
Commentaires récents
j'aurai peu de temps à hong kong, just
Il
j'ai assemblé les photos dans l'av