Dimanche 10 May 2009

Paul Magnin : Bouddhisme ; unité et diversité 8/10

Paul Magnin est sinologue et professeur de théologie, spécialiste du bouddhisme chinois. Voir par exemple ici un article de lui sur la patience.

Dans ce livre, il dresse un inventaire des différents courants bouddhistes (grand et petit véhicule ; tantrisme) en abordant leurs histoires, leurs doctrines et leurs pratiques, dans ce qui les unit et dans ce qui les caractérise.

Le livre est épais et quelque peu ardu, ce qui n'étonnera pas ceux qui ont déjà cherché à comprendre un peu les fondements et la diversité des courants bouddhistes. Mais le style est remarquablement clair, et la bibliographie extrêmement fournie (tout comme le lexique des termes chinois et japonais).

En voici la trame :  

Après une introduction abordant la perception du bouddhisme en France, l'auteur nous raconte la vie de Bouddha. Il élargit sur la communauté bouddhiste (samgha) et commente les quatre nobles vérités (radicalité de l'insatisfaction; soif à l'origine de la douleur; le Nirvana comme cessation du cycle des renaissances ; l'octuple chemin vers la délivrance).
 Sont ensuite commentées les perfections bouddhiques : les quatre sentiments incommensurables de bienveillance, compassion, joie, équanimité, et les six perfections (don, moralité, patience, énergie, concentration, sagesse).

S'ensuit une perspective historique avec l'évolution du bouddhisme ancien, les fondements du grand véhicule (Mahayana), la formation du bouddhisme chinois (avec les trois écoles Tiantai 天台, Huayan, Terre pure 净土) , le Chan 禅 (le Zen avec ses deux courants Linji ou Rizai et Caodong ou Soto) 

Le bouddhisme tantrique est longuement décrit, ainsi que les grands courants du bouddhisme tibétain.

L'auteur termine par une mise en perspective de deux voies de libération : christianisme et bouddhisme.

J'ai beaucoup appris en lisant ce chapitre épais sur le bouddhisme chinois, et le chapitre articulant bouddhisme et christianisme m'a semblé lumineux.

Un livre de référence ; que je recommande.
Posted by florent at 17:05:20 | Permanent Link | Comments (0) |

Francois Cheng L'un vers l'autre 9/10

Voici un livre d'un auteur que j'apprécie beaucoup : François Cheng

Il y parle de Victor Segalen, ce grand explorateur poético-mystique. Et François Cheng exprime sa reconnaissance pour le parcours humain de Segalen, parcours caractérisé par la reconnaissance de la richesse de la civilisation chinoise :
"Reconnaissance envers ceux qui , au lieu de siècles de tâtonnements et d'affrontements aussi néfastes qu'inutiles, savent d'emblée l'impérieuse nécessité, justement, de reconnaître. Reconnaître l'autre en se reconnaissant ; se reconnaître en se reconnaissant autre".

Magnifique déclinaison du verbe reconnaître non ? Elle résonne beaucoup pour moi. Bien noter le "d'emblée" ; très important à mes yeux

et plus loin arrive ce passage qui m'a plongé avec délices dans le désir amoureux :

"Oui,
Il suffit d'un brusque éveil pour que la vie
Se renouvelle. Et soudain, on osa espérer
L'ineffable arrivée d'une amante. Ainsi,
Elle apparut, au milieu du vert et du bleu,
Eclatante, entière, comme depuis longtemps
Attendue, comme depuis toujours déjà là,
Improbable jeune fille d'un improbable
Matin du monde. Tout fut pourtant réel !
Divine surprise grâce à quoi la vie se révèle
Non "dû" mais "don". Toute vie transformée
En don de vie mérite respect.  Honte à nous
Alors d'avoir tenu si désinvolte propos
Sur le cadavre du missionnaire, martyr anonyme
Au destin si tôt fauché ! Cette "chair glorieuse", sur qui
S'étaient acharnées tant d'ingénieuse cruauté
Et d'implacable furie, n'était-elle que pure vanité ?
Avons-nous un seul instant tenté de pénétrer
L'insoutenable souffrance, de partager
La muette solitude de cet autre "arraché" volontaire,
 Si loin du sol natal"

Segalen est cité sur le caractère sacré de l'écriture chinoise page 45 :

Le mot chinois est un signe, complet en lui-même, existant, réalisant (une manière d'être), différent de ce qu'il dit, et déjà très supérieur à ce qu'il daigne signifier. 
Les idéogrammes méprisent les tons changeants et les syllabes qui les affublent au hasard des provinces. Ils n'expriment pas ; ils signifient ; ils sont

S'ensuit une belle analyse de François Cheng de l'influence de la langue chinoise (monosyllabique) sur le style poétique de Victor Segalen en Français.

Le livre de François Cheng est émaillé de vers, parfois de lui même comme ici 

Nul doute qu'à la fin tout voyageur se rendra
A l'évidence : le Divers ne divertit point,
Il déroute : fouilles des licornes enfouies,
Forage du for intérieur. Dans les rets
Du mandat du Ciel, toute une vie
A l'épreuve de l'amour! Toute une vie
                A l'épreuve de la mort !


Ce livre est un magnifique voyage poétique et culturel.

Posted by florent at 16:30:42 | Permanent Link | Comments (0) |

Oser construire pour François Jullien 4/10

Une petite photo pour un petit livre. Petit. Poussé par la querelle qui oppose François Jullien et ses nombreux détracteurs (ne citons qu' Anne Cheng et Jean Francois Billeter), j'ai acheté ce livre qui manque particulièrement d'intérêt. Un peu comme ce livre noir de la psychanalyse et cet anti-livre noir de la psychanalyse qui m'avaient profondément lassés l'an dernier.

C'est un ouvrage collectif signé par les amis du sinologue, dont le renommé Léon Vandermeersch 

Quelques notes tout de même : page 12 cette phrase de Françoise Gaillard à laquelle je souscris volontiers : "François Jullien est un mauvais missionnaire de la religion des droits de l'homme".

Page 53, notons un passage intéressant de Patrick Hochart sur la partialité de la parole, avec les racines grecques du logos, du legein ti, du hen ti, de l'homologia.

Plus loin page 66, Philippe Jousset écrit, en parlant de peinture, que "l'oeil est l'organe roi pour penser le rapport occidental au monde, depuis les grecs ; c'est le souffle, en Orient (inspiration, expiration: dans le recueillement, tout point de "vue" s'abolit, on n'est plus "vis-à-vis" de rien, et la clôture entre le monde et l'individu tombe."
Et page 69 : "La pensée chinoise se présente non comme un modèle, mais bien davantage comme pourvoyeuse de bonne distance à l'égard de nos propres théories et pratiques, pour les faire apparaître comme telles et non point comme nature, fût-ce une "nature" culturelle."
 La fin de cette phrase est très éclairante à mes yeux.

Jean-Marie Schaeffer explique, page 83 que la pensée chinoise, en construisant le réel non pas comme une collection d'entités mais comme un processus, fait l'économie de l'ontologie (que l'Inde avait abordé). D'où une absence en chine de ce dualisme ontologique, de cette rupture ontique si présents en occident, dualisme selon lequel l'homme et le reste du monde vivant seraient différents par essence, dans leur être propre. François Jullien est cité à propos de Wang Fuzhi :
"Au regard de la foi chrétienne, de même que déjà pour la métaphysique platonicienne, l'âme est une substance radicalement différente de celle du corps. Or pour Wang Fuzhi, fidèle en cela aux conceptions chinoises les plus communes, la séparation est beaucoup moins nette. Par rapport aux animaux, l'être constitutif de l'homme est infiniment plus alerte et plus délié, de même que sa capacité de "fonctionnement" est plus ample, mais il n'est pas essentiellement différent d'eux."
(ce passage m'a d'ailleurs poussé à lire le livre de cet auteur Jean-Marie Schaeffer  intitulé "la fin de l'exception humaine", livre que je recommande ici).

Enfin, Julien Badiou page 150 résume l'hypothèse de travail de François Jullien : "il y a un seul monde, c'est vrai, mais ce monde est structuré par des pensées distinctes. A cette hypothèse s'opposent farouchement les tenants du nouvel ordre mondial démocratique comme les culturalistes de la multiplicité."

Encore une position à laquelle je souscris.
Posted by florent at 15:18:54 | Permanent Link | Comments (1) |

Samedi 28 Février 2009

Shanghai

Avis de départ : je m'envole pour quelques mois à Shanghai, d'où ce blog est malheureusement inaccessible.



Deux lectures à conseiller sur les rapports de l'humanité avec la culture et l'individu :
- Edgar Morin : Le paradigme perdu : La nature humaine
- Jean Marie Schaeffer : La fin de l'exception humaine
Très enrichissant



Souhaitant à tous un très beau printemps
(il pointe déjà le bout de son nez !)
Posted by florent at 10:38:28 | Permanent Link | Comments (8) |

Dimanche 15 Février 2009

La pensée en Chine aujourd'hui, sous la direction d'Anne Cheng 7/10

Toute personne intéressée par la civilisation chinoise se doit d'avoir lu "l'histoire de la pensée chinoise", ouvrage rapide mais de référence signé Anne Cheng, la fille de François Cheng.

Le livre présenté ici se place aujourd'hui, c'est à dire dans les deux ou trois derniers siècles. C'est un panorama des réflexions sur la prétendue "altérité chinoise", une altérité radicale de laquelle Anne Cheng cherche à tordre le cou.
 Les trois parties de l'ouvrage traitent successivement de dynamiques de la modernité, de l'invention des catégories modernes (philosophie, religion, médecine) et enfin de questions d'identité autour de l'écriture et de la langue. l'épilogue est intitulé "dépasser l'altérité". Un beau programme !

Je le reprends ici chapitre par chapitre car c'est un ouvrage collectif.
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Jacques Gernet : Modernité de Wang Fuzhi

On explore avec le sinologue Gernet (voir un de ses livres) la pensée de Wang Fuzhi, grand lettré du XVIIe siècle.
On apprend à se méfier du langage et à se fonder essentiellement sur la nature et le sensible, à l'opposé de ce rationalisme qui nourrit toute notre philosophie occidentale et qui animait les premiers missionaires jésuites en Chine. Les causes d'incompréhension entre les missionnaires et les lettrés sont très bien exposées, par exemple la distinction entre la substance et l'accident (qui repose sur la distinction entre le substantif et l'adjectif ; une distinction peu présente en chinois classique). Belle analyse plus loin de la distinction entre l'exprit et la matière.
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Léon Vandermeersch : La conception chinoise de l'histoire

Encore un grand sinologue qui s'exprime (voir une conférence sur les rites  et un livre sur le légisme)
A partir du terme shi2 时 (dont
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Lundi 19 Janvier 2009

Entretiens avec Alexandra David Néel

Les sempiternels et virulents débats sur le Tibet m’ont beaucoup fatigué par leur virulence, leur ignorance et leur dogmatisme (voir une discussion sur un forum, des témoignages glanés à Shanghai, une déclaration et un billet sur ce blog )

A tel point que j’ai décidé de ne plus y contribuer tant que je n’irai pas au Tibet me faire ma propre idée sur cette question épineuse qui mêle histoire et souveraineté, pouvoir religieux et modernité.

 

Jusqu'à ce que l’on m’offre à Noël un double CD-Audio d’entretiens avec Alexandra David Néel, cette étonnante exploratrice féministe, qui parle au micro à l’âge de 88 ans (c'est-à-dire au milieu des années cinquante)

 

 

Je voulais poster un extrait audio mais n'y suis pas parvenu. 
Les entretiens couvrent le Tibet, l'Inde, la Chine.

Sur le Tibet en particulier, les récits de la vie quotidienne sont très intéressants. On découvre à la fois ce mysticisme omniprésent et cette "caste des moines-juges-propriétaires fonciers" tant décriée par la politique chinoise. Pour Mme Davil Néel, le Tibet est chinois sans aucun doute.
Mais c'est surtout l'aspect quotidien du récit qui m'a intéressé dans ce disque que je recommande.

Posted by florent at 17:24:57 | Permanent Link | Comments (6) |

Jeudi 25 Décembre 2008

François Jullien : De l'universel, de l'uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures. 6/10

De François Jullien, j'ai déjà lu cinq ou six livres qui m'ont tous marqué, même si je me sentais parfois "embarqué" dans un voyage de la raison qui ne me semblait pas être nécessairement la bonne embarquation pour lire le Zhuangzi par exemple...

Le sujet de ce livre paru cette année (le livre suivant, sur le thème de l'idéal, est encore en préparation) m'intéresse beaucoup : il s'agit d'examiner trois notions souvent mal positionnées ou confondues : l'universel, le commun, l'uniforme.

On distingue d'emblée l'universel (qui est "tourné" vers l'un) et l'uniforme (qui ne fait qu'un dans sa forme, son apparence). Et l'auteur dénonce la fréquente confusion faite entre ces deux notions. L'universel, ce n'est pas d'avoir un macdo à moins d'une heure de chez soi. Mondialisation est souvent confondu avec "uniformisation du monde".
Quant au commun, il s'agit plus d'une notion de patrimoine. Un fonds auquel on puiserait, une ressource partagée.

Ayant peu de temps aujourd'hui, je reviendrai éditer ou commenter ce billet plus tard.
Alors que je pars une semaine en Bretagne, je souhaite à tous de très joyeuses fêtes !
Posted by florent at 16:26:40 | Permanent Link | Comments (0) |

Lundi 08 Décembre 2008

Chloë Ascencio : Manager en Chine 6/10

Après le lexique de chinois des affaires, voici un livre sur la conduite des affaires en chine, plus précisément sur les enjeux managériaux pour des francais amenés à encadrer des chinois.

Le livre est intéressant ; j'ai rencontré Chloë Ascencio qui a une riche expérience en la matière (voir son site) ; elle s'appuie sur une étude réalisée auprès de salariés chinois de groupes Francais.

On y trouve des formulations très claires sur ces différences culturelles qui affectent la qualité de la relation de travail en Chine. Voir par exemple ces deux phrases sur la "face" page 24 (thème rebattu de la face, sur lequel j'étais resté plutôt confus) :

La notion de face en Chine renvoie à l'identité de l'individu qui est avant tout externe : je dépends des Autres pour savoir qui je suis. Mon entourage est un miroir qui évalue ma valeur personnelle qui est sociale. J'ai besoin que les autres me donnent de la face, donc je leur en donne et je protège leur face pour en recevoir en retour.

Cette formulation illustre bien à mes yeux ce que la "face" a d'intriguant pour nous français. Comment une identité peut elle être externe ?

Le livre développe un bon nombre de diagnostics et de recommandations sur ces "travers" francais d'une communication trop directe, d'un cloisonnement entre vie privée et vie publique, d'un manque d'intelligence de situation (contexte relationnel, individuel, collectif, hiérarchique à prendre en compte).

Le thème de l'empathie est abordé page 82, avant celui de l'écoute puis celui de l'implicite (communication indirecte, page 113).

Le livre est émaillé de propos de collaborateurs chinois recueillis par interviews. En voici un exemple :
On est un pays en développement. A cause d'une grande population et d'une forte concurrence dans tous les domaines, l'esprit n'est pas calme, beaucoup de chinois ont de mauvaises habitudes (égoïsme, matérialisme, c'est l'argent qui compte partout). Mais on est travailleurs et on a pas l'habitude de se plaindre.

On voit d'intéressantes idées, comme celle d'un "pseudo-actionnariat" : simulâcre de stock options (ce dispositif n'étant pas possible aujourd'hui) qui fidélise les employés.

L'auteur cite fréquemment des recherches plus académiques comme ici Trompenaars :
Le gestionnaire français se réfère plutôt à une culture tournée "vers l'intérieur" ou de "contrôle interne" selon Trompenaars : elle se place dans une perspective individualiste et implique l'idée que l'on peut transformer et contrôler l'environnement. L'individu prend des initiatives et des risques. Il modélise et gère l'environnement selon un planning. "Les managers tournés vers eux-mêmes ne sont jamais plus heureux que lorsqu'ils ont amené les autres à leur façon de voir. ". Le gestionnaire chinois se réfère plutôt à une culture tournée vers l'extérieur ("contrôle externe") ; elle se fonde sur la communauté et suppose qu'on ne peut que s'adapter à l'environnement, exploiter le contexte mais pas le modifier. Le manager observe, reste à l'écoute des modifications et guette le moment où il pourra intervenir avec l'économie de ressources maximales. D'où sa capacité d'adaptation et de réactivité exceptionnelles.

Ces lignes me semblent très bien décrire une différence culturelle délicate dans un contexte de management.
On trouve à la fin du livre d'intéressantes analyses sur le conflit que vivent aujourd'hui beaucoup de chinois entre un individualisme (个人主义)  montant et les valeurs paternalistes confucéennes traditionnelles (忠孝 : fidélité et piété filiale).

Bref, un livre à lire !
Posted by florent at 20:46:27 | Permanent Link | Comments (9) |

Jeudi 27 Novembre 2008

Jules Verne : Les tribulations d'un chinois en Chine 5/10

Peu de contributions à ce blog récemment. Et pourtant je lis beaucoup.
Alors reprenons par quelques notes de lectures.

D'abord Jules Verne et ses tribulations d'un chinois en Chine   , qui font partie de la fameuse série des Voyages extraordinaires (64 volumes écrits en 40 ans).

Disons le d'emblée, Jules Vernes n'a jamais mis les pieds en Chine

Son récit est largement imaginaire, mais il n'en est pas moins intéressant.

Nous sommes au XIXe siècle à Shanghai. Kin Fo, le héros , ne veut plus vivre car il est ruiné. Il mandate son ami Wang, redoutable philosophe taoiste, pour l'aider à disparaître.

Mais la fortune de Kin Fo revient , et il veut vivre. Il recherche Wang, en compagnie de deux sbires d'une compagnie d'assurance qui ne veut pas payer la prime, pour demander à Wang de le laisser en vie. S'ensuivent de rocambolesques aventures.

On m'a offert l'édition ex-libris de 1977 qui contient de jolies gravures (voir ici une cinquantaine de ces gravures)

Relevons quelques passages :

D'abord une mention page 12 de la surpopulation chinoise et de l'émigration (voir le billet dédié à l'histoire du chinatown de San Francisco). L'auteur vient de dire qu'avec environ trois cent soixante millions d'habitants, la Chine compte un tiers de l'humanité, et que ne pouvant nourrir sa population elle "déborde" dans toutes les directions.

C'est vers l'Amérique du Nord et principalement sur l'Etat de Californie que s'est déversé ce trop-plein.  Mais cela s'est fait avec une telle violence, que le Congrès a dû prendre des mesures restrictives contre cette invasion, assez impoliment nommée la "peste jaune". Ainsi qu'on l'a fait observer, cinquante millions d'émigrants chinois aux Etats-Unis n'auraient pas sensiblement amoindri la Chine, et c'eût été l'absorption de la race anglo-saxonne au profit de la race mongole.

Des phrases qui fleurent bon le nationalisme teinté de racisme qui était de rigueur au XIXe siècle, non ?

Juste après on apprend que les chinois appellent les américains "mélicains", ce qui m'étonne (comment écrire cela en chinois ? 美丽国人?)

On lit page 80 que Tout chinois qui atteint sa quatre-vingtième année a le droit de porter une robe jaune. Le jaune est la couleur de la famille impériale, et c'est un honneur rendu à la vieillesse.

Page 86 une description du tombeau de Rong-Ou (Hongwu (洪武, 1328-1398), le bonze empereur qui a renversé la dynastie Yuan et fondé la dynastie Ming, près de Nankin.

Notons encore page 111 une longue description de Pékin au XIXe siècle. On remarque que selon l'auteur le vrai nom de pékin n'est pas "Péking" mais plutôt "Vaï-Tcheng". J'ai fait des recherches et n'ai rien trouvé d'équivalent, à part peut être "Gemun Hecen"  (nom utilisé sous les Qing, signifiant "capitale en mandchou") ? Ou bien le "Tcheng" pourrait être 城 (la ville), mais que serait alors le "Vaï" ?

Page 136 figure une riche description de Jonque, que je vais placer en commentaire du billet dédié aux Jonques chinoises.

Inutile de mentionner toutes les erreurs du livre. Retenons en une seule : un indice laissé gravé sur une porte : ce sont les initiales de la personne recherchée (WKF). Les chinois on des noms en caractères ; ils ne savent pas quelles sont leurs initiales, et ne les graveraient jamais ainsi ;-)

De même les moqueries et jugements sont nombreux ; je n'en reprendrai qu'un page 190 :
Des piliers massifs, ornés de ces hideuses têtes de monstre, qui appartiennent à la faune grotesque de la mythologie chinoise, ...

Notons enfin que ce livre a été porté à l'écran en 1965 par De Broca, avec Belmondo.

Posted by florent at 20:22:16 | Permanent Link | Comments (1) |

Vendredi 24 Octobre 2008

Roger Pol Droit : L'occident expliqué à tout le monde 4/10

Voilà un livre très simple, de vulgarisation, que je recommande en particulier aux chinois francophiles qui passent par là.

 L'auteur, philosophe-écrivain, explique combien la notion d'occident a pu évoluer à travers les siècles.

Pour les grecs l'occident (ou "couchant" en référence au soleil et par opposition au "levant", à l'Orient), c'était ce qui se trouve à l'ouest d'Athènes : Rome, Sicile, Espagne, Gaule... Par opposition à l'orient (Perse, Iran, Asie mineure)
On voit que dès le départ la notion est ambiguë pour deux raisons :
- parce que la Grèce n'est pas (aujourd'hui en tous cas) le centre du monde
- parce que l'Occident se définirait d'emblée comme l'opposé de l'orient, de même que gauche se définit par opposition à droite.

Par la suite, l'auteur montre que l'occident s'est étendu à toute l'Europe de l'Ouest, s'arrêtant au Rhin et au Danube à l'ouest. C'était le Saint Empire Romain d'Occident. Le moyen âge distingue l'Occident catholique de l'Orient orthodoxe.  Arrive un second Orient : l'Orient musulman combattu pendant les croisades.
A partir de la renaissance, c'est le progrès technologique, puis les conquêtes territoriales qui forment l'identité spécifique de l'occident. Les choses se compliquent au XXe justement à cause de ces expansions territoriales. Les Etats Unis font partie de l'Occident, tout comme l'Australie. L'occident n'est plus un territoire continu. Pendant la guerre froide, l'Occident représente le libre échange par opposition à l'économie planifiée du communisme, et le développement (Nord) par opposition au sous-développement (Sud).

Jusque là je suivais sans difficulté le propos de M Pol Droit, qui me semblait très instructif. L'occident a été successivement une direction, puis un territoire, une foi chrétienne, une capacité technique, un système politique et économique.

Mais sa définition de l'Occident aujourd'hui, au XXIe siècle, fait de l'occident un simple "type de société", qui comprend le Japon et la Corée, et bientôt l'Inde et la Chine. Je n'ai pas compris sur quel fondement reposait cette affirmation.
La phrase "Ce qu'on appelle mondialisation est une occidentalisation du monde" me semble curieuse, tirant légèrement au nombrilisme. Les arguments donnés sont par exemple la technique (le téléphone et Internet viennent d'occident, comme les ordinateurs).
La roue ayant été inventée vers 3500 ans avant Jésus Christ à Sumer (Mésopotamie), doit on parler d'une "sumérisation du monde entier" quand on remarque qu'il y a des roues partout dans le monde ? 

Parce qu'il y a des ordinateurs au Japon, le Japon serait aujourd'hui "occidentalisé" ?


L'auteur définit l'occident comme une civilisation fondée (dès les grecs) sur
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Posted by florent at 19:25:08 | Permanent Link | Comments (12) |
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